Les manifestants se transforment en milliers de personnes qui battent la fermeture d'Internet

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CIVICUS parle avec KEPOMEY Koffi Dela Franck de l'organisation non gouvernementale Concertation Nationale de la Société Civile au Togo des récentes manifestations dans le pays sur les limites du mandat présidentiel.

Q : L’accès à l’internet et aux réseaux sociaux était restreint au Togo entre le 5 et 12 Septembre. Est-ce que vous pourriez donner plus d’information sur les raisons de cette action ?

Effectivement l'accès à internet et aux réseaux sociaux a été restreint au Togo à cette période. La raison évoquée par le parti au pouvoir est une panne technique. Ce qui n'est pas vrai. La restriction est faite juste pour que l'opposition et les citoyens ne puissent pas utiliser les réseaux sociaux pour informer l'opinion internationale de la situation au Togo (grande manifestation de l'opposition et répression des forces de sécurité à partir de 22 heures). Sources proches du parti au pouvoir indiquent qu’ils l’ont fait pour prévenir que les gens diffusent des images qui incitent à la violence.

Cette décision viole l'article10 de la résolution NA/HCR/RES/32/13 du 1 juillet 2016 adopté par le conseil des droits humains des nations unies sur la promotion, la protection et l'exercice des droits humains sur internet.

Q. Quel était l’impact de cette restriction ?

Cette restriction n'a pas été sans impacts négatifs sur l'économie et la vie sociale du pays. Les activités de plusieurs opérateurs économiques sont restreintes et aussi la population est privée d'information.

Q. Le samedi 19 août 2017 des manifestants ont été tuées lors d’une manifestation menée par l’opposition. Est-ce que vous pourriez donner plus d’information de ce qui s’est passé ce jour?

Le samedi 19 août 2017, le Parti National Panafricain, PNP, a organisé à Lome et dans certaines localités du pays (Anié, Sokodé, Bafilo, Kara) une marche pour dénoncer le retour à la constitution de 1992 et réclamer le droit de vote de la population de la diaspora.

Au cours de cette manifestation il y’a eu plusieurs morts (2 selon des sources officielles et 7 selon les organisateurs) et de nombreux blessés. En même temps 66 personnes ont été arrêtées.

Q. Savez-vous pourquoi la police a réagi avec cette violence contre les manifestants?

Les organisateurs et le pouvoir n’ont pas pu s’entendre sur les itinéraires de la manifestation. Le jeudi 17 août 2017, les ministres de l’administration territoriale et de la sécurité ont déclaré, dans une conférence de presse, qu’aucun rassemblement ne sera toléré le 19 aout 2017 sur toute l’étendue du territoire et que les manifestations seront dispersées à leur point de départ.

Il s’agit d’une manifestation pacifique qui aurait dû être fait sous la direction des forces de police (gendarmerie et police) selon la loi n° 2011-010 du 16 mai relative aux conditions de manifestations publiques.

Malheureusement on a retrouvé sur les lieux de manifestation des militaires qui dispersaient les protestations. Ce qui peut expliquer l’agressivité des manifestants.

Q. Comment la société civile togolaise a-t-elle réagi à la brutalité de la police et aux meurtres?

La Concertation Nationale de la Société Civile au Togo (CNSC-Togo) a publié une déclaration publique de condamnation de la violence sous toutes ses formes au lendemain des tueries et a appelé le gouvernement à prendre d'urgence des mesures pour apaiser le climat social, y compris la libération des détenus. En outre, CNSC-Togo a appelé les partis politiques à améliorer le mentorat de leurs activistes/membres, entre d’autres.

Les Collectifs des associations contre l'impunité au Togo (CACIT) ont également condamné la répression de l'assemblée. Le 24 août 2017, un groupe de 32 associations et réseaux a publié une déclaration appelant le gouvernement et les autres acteurs publics à assurer l'exercice de la liberté de réunion afin d'assurer le professionnalisme des forces de sécurité dans le cadre des réunions et appelle les membres/partis politiques à respecter les biens publics et les infrastructures.

Q. Comment décririez-vous l’état de la liberté de réunion pacifique au Togo?
La liberté de réunion et d’association pacifique au Togo dépend de la tendance politique de ceux qui organisent la manifestation. Les militants et sympathisants du parti au pouvoir organisent des manifestations en toute quiétude même les jours ouvrables. Ce qui n’est toujours pas le cas des partis de l’opposition. Ils font souvent face à des restrictions sur les itinéraires et les points de départ des manifestations. Cela signifie que les réunions pacifiques peuvent facilement dégénérer en raison des exigences des forces de sécurité.

Q. Comment décririez-vous l’état de la démocratie au Togo?

La démocratie au Togo a traversé des moments difficiles depuis que les partis d'opposition sont revenus sur la mise en œuvre de réformes institutionnelles et constitutionnelles suite aux recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) que le gouvernement prend du temps pour compléter. Les partis d'opposition soupçonnent que le gouvernement retarde la prise de décision pour éviter de traduire les réformes en réalité.

Le lundi 30 juin 2014, le projet de réforme constitutionnelle présenté par le gouvernement au Parlement après le dialogue connu sous le nom de Togotélécom II de mai 2014 a été rejeté, car les membres du parlement du parti au pouvoir ont voté contre le projet de loi.

Depuis, des voix discordantes se sont multipliées et la pression s'est accrue, même au sein des organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la promotion de la démocratie et de l'état de droit. Il y a souvent des pressions sur les partenaires financiers pour priver les organisations de ressources qui leur permettent d'être autonomes dans leurs actions.

Q. Quel type de soutien peuvent offrir les groupes régionaux et internationaux à la CNSC-Togo et aux autres organisations de la société civile du pays dans la situation actuelle?

En effet, le CCSN-Togo a des difficultés à réunir des fonds et est satisfait de certains microprojets et de l'allocation de fonds provenants des donateurs/partenaires gouvernementaux traditionnels, en particulier de l'Union européenne, et du PNUD à l’approche des élections. Ces partenaires reçoivent d'abord une autorisation gouvernementale avant d'accorder les ressources. Ce qui conduit souvent à l'autocensure dans nos déclarations et réunions publiques.

Nous devons entrer en contact avec d'autres partenaires / donateurs qui peuvent nous fournir un soutien financier durable.

• L'espace civique au Togo est considéré comme «obstrué» par le CIVICUS Monitor, un outil en direct qui retrace l'espace civique autour du monde.

• Suivez la Concertation Nationale de la Société Civile au Togo à: http://www.cnsctogo.org/

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