M. Ignazio Cassis
Département des affaires étrangères
Suisse
Palais fédéral Ouest
3003 Berne
Cher Monsieur Cassis,
En tant que représentants d'organisations de la société civile de différentes régions du monde, nous vous écrivons pour vous faire part de notre profonde inquiétude quant à la récente décision du gouvernement suisse de suspendre le financement essentiel des organisations de défense des droits humains en Palestine. Nous trouvons le moment choisi pour prendre cette décision alarmant, car elle intervient à un moment où ces organisations ont terriblement besoin de fournir une assistance essentielle. Nous sommes inquiets des conséquences potentielles de cette décision et de l'impact qu'elle pourrait avoir sur la population palestinienne, qui dépend du travail inestimable de ces organisations.
Ces groupes apportent un soutien essentiel aux défenseurs des droits humains, en particulier aux femmes, et défendent les principes de l'État de droit et de la justice sociale. Ils jouent un rôle clé en mobilisant des ressources pour la société civile et en veillant à ce que les préoccupations de la communauté soient intégrées dans le processus d'élaboration des politiques publiques.
Alors que près de 10 000 Palestiniens, dont plus de 4 000 enfants, ont été tragiquement tués dans la bande de Gaza et que l'accès aux produits de première nécessité tels que l'eau, la nourriture, les médicaments et le carburant a été restreint, la suspension du financement des groupes de défense des droits humains ne fait qu'exacerber la crise humanitaire à laquelle nous sommes confrontés. Avec près de 25 000 blessés et 1,5 million de personnes déplacées de force à Gaza, il est essentiel de souligner que cette question ne se limite pas à prendre parti dans le conflit, mais qu'il s'agit d'un problème majeur en matière de droits humains, dont les implications sont considérables et dont la résolution pourrait prendre des années.
Les Principes généraux sur la protection de l'espace civique et les droits d'accès aux ressources déclarent :
"L'exercice du droit à la liberté d'association est gravement limité et annulé si l'accès aux ressources est restreint, comme en témoignent la diminution du nombre d'associations, la réduction des activités ou la suppression d'autres associations.”
L'Union européenne et plusieurs Etats, tels que l'Allemagne, le Danemark et la Suède, reconsidèrent leur soutien financier aux organisations de la société civile palestinienne et israélienne. Ce réexamen intervient à un moment où les services essentiels sont débordés et où, plus grave encore, plus de 73 % des victimes à Gaza sont des femmes et des enfants.
Tout en reconnaissant l'importance de veiller à ce que les organisations de la société civile agissent conformément aux stratégies nationales et aux exigences des donateurs, nous estimons que la décision de votre gouvernement d'examiner et d'évaluer la conformité des partenaires externes avec les critères de conduite et d'antidiscrimination du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) est profondément problématique. La raison de notre inquiétude est que pour d'innombrables personnes, si ce n'est une multitude, qui dépendent des produits de première nécessité fournis par les groupes de défense des droits humains concernés, les conséquences pourraient être une question de survie.
Le gouvernement suisse est réputé pour ses efforts de défense des droits humains et de la société civile, conformément aux engagements qu'il a pris dans le cadre des lignes directrices sur les défenseuses et défenseurs des droits de l'homme et des lignes directrices de l'UE sur les défenseuses et défenseurs des droits de l'homme. Toutefois, la décision de cesser d'apporter un soutien essentiel à ces organisations, précisément au moment où leurs voix sont les plus critiques, pourrait envoyer un message alarmant aux régimes autoritaires du monde entier. Ces régimes imposent souvent des limites à l'espace civique et au financement de la société civile, et attaquent ceux qui défendent les droits humains. On peut donc se demander si la Suisse ne recourt pas involontairement à une forme de "punition collective" ou si elle ne contribue pas volontairement au rétrécissement de l'espace de la société civile.
Dans ce contexte, nous demandons de toute urgence à votre gouvernement de :
- Reconsidérer sa décision sans délai, en la mettant en conformité avec les obligations internationales en matière d'aide humanitaire et de droits humains.
- Supprimer toutes les restrictions imposées aux 11 organisations palestiniennes et israéliennes de défense des droits humains affectées par cette décision.
- Reprendre les opérations de financement de ces organisations.
- Accroître le soutien aux organisations de la société civile opérant dans les zones touchées par les conflits, afin d'optimiser la réponse humanitaire.
Cc
Ambassades de Suisse
Organisations signataires :
- Aalem for Orphans and Vulnerable Children, Inc
- Arab NGO Network for Development (ANND)
- Centro Mexicano para la Filantropía (Cemefi)
- CIVICUS
- Consortium of Ethiopian Human Rights Organizations (CEHRO)
- CSYM HUDUMA CHRISTIAN SPIRITUAL YOUTH MINISTRY YLO TANZANIA 🇹🇿
- Human Rights & Democracy Media Center “SHAMS”
- Instituto de Comunicación y Desarrollo (ICD), Uruguay
- JOINT Liga de ONGs em Moçambique
- Local Communities Organization - Palestine
- Network of Estonian Non-profit Organizations
- NGO Information and Support Centre, Lithuania
- Pakistan Development Alliance
- Pakistan NGOs Forum
- Red Latinoamericana y del Caribe para la Democracia (RedLad)
- Red Venezolana de Organizaciones de la Sociedad Civil, SINERGIA.
- Tanzania Association of Non-Governmental Organisations (TANGO)
- UNión Nacional de Instituciones para el Trabajo de Acción Social (UNITAS)
UN Photo / Jean-Marc Ferré