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HAÏTI : « Les gangs contrôlent le pays en lieu et place des autorités »
CIVICUS échange sur l’augmentation de la violence des gangs et la situation politique en Haïti avec Nancy Roc, journaliste indépendante.
Avec 38 ans d’expérience, Nancy est une journaliste originaire d’Haïti, reconnue pour son travail en faveur de la liberté de la presse. Elle est récipiendaire de nombreux prix, dont le prix Jean Dominique pour la liberté de la presse décerné par l’UNESCO, entre autres.
Quelle est la situation actuelle d’Haïti en matière de sécurité ?
La situation est intenable, pour reprendre le terme exact du Haut-Commissaire des Nations Unies (ONU) aux droits de l’homme, Volker Türk. Malgré l’état d’urgence et la succession de couvre-feu déclarés par le gouvernement depuis le 4 mars pour regagner le contrôle de la capitale, Port-au-Prince, il n’y a pas une semaine qui ne s’écoule sans que des kidnappings aient lieu. La violence est quotidienne.
La population est cloitrée chez elle, la plupart des écoles sont fermées et les activités économiques sont gravement affectées. Il en est de même sur les routes où depuis plus de trois mois les gangs imposent leur loi et de nombreux chauffeurs sont au chômage. Pratiquement toutes les infrastructures de la capitale ont été ou détruites ou gravement affectées par les attaques des gangs.
L’attaque du Pénitencier national, le 2 mars, a été un grand choc pour les Haïtiens, même s’ils sont habitués à vivre sous la menace constante de la violence. Plus de 4.500 détenus se seraient évadés, parmi lesquels des membres éminents de gangs et des personnes arrêtées dans le cadre de l’assassinat du Président Jovenel Moïse en juillet 2021. Les pillages et les attaques ont été nombreux, notamment contre la Bibliothèque nationale, qui a été prise d’assaut le 3 avril.
La veille, dans la soirée du 2 avril, des bandits lourdement armés ont pillé des dizaines de maisons et emporté plusieurs véhicules privés aux villages Tecina et Théodat, dans la municipalité de Tabarre, au nord-est de Port-au-Prince. La grande majorité de la population, qui vivait déjà dans une misère extrême, est aujourd’hui plongée dans un véritable enfer et laissée pour compte.
Quant à la police, malgré certains efforts, elle n’est pas outillée ni assez nombreuse pour faire face à une telle situation de guérilla urbaine face à des gangs surarmés. Actuellement, environ 23 gangs opèrent dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, divisés en deux grandes coalitions : le G-Pèp, dirigé par Gabriel Jean Pierre, dit Ti Gabriel, et le G9 Famille et Alliés, dirigé par Jimmy Chérizier, alias Barbecue. Mais les experts de l’ONU estiment qu’il y en a entre 150 et 200 dans l’ensemble du pays.
Selon l’ONU, depuis le début de l’année, 1.193 personnes ont été tuées et 692 blessées à cause de la violence des gangs. Le système de santé est au bord de l’effondrement et les hôpitaux n’ont souvent pas la capacité de traiter les personnes blessées. L’économie est asphyxiée car les gangs imposent des restrictions aux mouvements de la population. Le principal fournisseur d’eau potable a cessé ses livraisons. Cette situation a entraîné une crise alimentaire majeure : près de la moitié des 11 millions d’habitants d’Haïti ont besoin d’une forme d’assistance alimentaire.
Comment les gangs sont-ils devenus si puissants ?
Les gangs disposent de puissants financeurs au sein du gouvernement et du secteur privé. Sous l’ancien premier ministre de facto Ariel Henry, qui a démissionné en mars, le gouvernement finançait 30% des membres du G9. Il ne serait pas étonnant que certaines personnalités tant du secteur privé que d’anciens hauts dignitaires de l’État continuent à les financer, en particulier ceux qui ont été sanctionnés par la communauté internationale.
Un rapport d’experts de l’ONU publié en 2023 a également pointé du doigt l’ancien président Michel Martelly, au pouvoir entre 2011 et 2016, ainsi que plusieurs hommes d’affaires et législateurs de premier plan, comme fournissant des ressources aux gangs armés, que ce soit en nature ou en espèces.
La prolifération des gangs a commencé sous Martelly et s’est accentuée après l’assassinat de Moïse. Déjà en 2019, environ 162 groupes armés avaient été répertoriés sur le territoire national dont plus de la moitié opérait dans l’aire métropolitaine. Au total, ils auraient un potentiel supérieur à 3.000 soldats armés d’armes à feu, dont des adolescents et même des enfants.
Sous Moïse, de nombreux massacres ont eu lieu, tels que le massacre de La Saline en 2018, le massacre du Bel Air en 2019 et le massacre de Cité Soleil en 2020. Tous ont eu lieu dans des quartiers à fort poids électoral et où résidaient des membres de l’opposition, et ces crimes sont tous restés impunis.
En 2020, la situation s’est aggravée lorsque Chérizier, ancien policier, a fédéré les gangs avec la « famille G9 » alliée aux neuf bandes les plus puissantes de la région. Cela lui a permis de contrôler une bonne partie de la capitale – tout en étant financé en sous-main par de hauts fonctionnaires de l’appareil d’État.
La fédération des gangs a même été saluée par la Représentante spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Haïti, qui a affirmé que fédérer les gangs avait fait baisser le nombre d’homicides de 12% en trois mois. Cela a provoqué un tel scandale qu’elle a dû revenir sur ses propos en les qualifiant de « mésinterprétation ».
Un an après l’assassinat du président Moïse, alors que la situation s’aggravait, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, à l’unanimité, une résolution établissant un régime de sanctions qui ciblait les chefs de gangs et ceux qui les finançaient. Chérizier était le seul chef de gang dont le nom figurait dans une annexe de la résolution mais, à ce jour, aucune mesure n’a été prise à son encontre.
Le 29 février 2024, la situation dans la capitale a pris un tournant décisif et pour le pire lorsque Chérizier a annoncé, à travers une vidéo sur les réseaux sociaux, la reconstitution de la coalition des groupes armés dénommée « Viv Ansanm » (Vivre ensemble). Il y revendiquait la responsabilité des tensions qui ont secoué Port-au-Prince et a déclaré que l’objectif premier des gangs était de renverser le gouvernement. Il a précisé aussi qu’une chasse aux ministres, au directeur général de la Police Nationale, était désormais ouverte. Il voulait les arrêter et empêcher Ariel Henry, qui se trouvait à Porto Rico, de rentrer au pays. Des policiers ont été tués, des commissariats attaqués, plusieurs vols annulés suite à un assaut des gangs à l’aéroport international Toussaint Louverture qui, depuis, est fermé.
Chérizier prétend lancer une révolution afin de libérer le peuple haïtien des autorités et des oligarques pourtant, ces gangs ont ciblé toutes les couches de la société, autant que les quartiers pauvres de la capitale et de nombreuses structures étatiques qui servaient aux pauvres comme le principal hôpital public. La destruction est telle que l’ONU parle d’Haïti comme « un État au bord de l’effondrement ».
En décembre 2023 plus de 310.000 personnes étaient déplacées à l’intérieur du pays. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 50.000 personnes ont quitté la capitale en trois semaines au mois de mars 2024. L’ampleur du désastre est stupéfiante et tous les pays qui avaient promis une aide policière ou militaire sont absents. Haïti est abandonnée à son triste sort et les gangs contrôlent le pays en lieu et place des autorités.
Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas réagi à la menace croissante des gangs ?
Il y a quatre ans, la Police Nationale d’Haïti disposait officiellement d’une force de 15.498 officiers de police (dont seulement 1.711 femmes), bien que le nombre d’officiers effectifs était estimé à beaucoup moins. En outre, le programme humanitaire mis en place par l’administration Biden-Harris pour faciliter le séjour des Haïtiens aux États-Unis a fait courir à la police le risque de perdre jusqu’à un tiers de ses effectifs en raison de l’émigration.
Dans un tel contexte, le chaos et la violence ont atteint un niveau sans précédent. Depuis l’assassinat du président Moïse, le gouvernement a été incapable d’instaurer l’ordre avec la police, et l’armée ne comptait qu’environ 2.000 soldats. De plus, aucune élection législative ou générale n’a été organisée depuis 2016. Il n’y a donc plus d’élus, le mandat des précédents étant expiré. Les critiques d’Henry, très impopulaire, considéraient son règne comme illégitime.
En octobre 2022, Henry a fait appel à la communauté internationale, sollicitant l’intervention d’une force étrangère. Vu son impopularité, cela a suscité la méfiance parmi la population qui redoutait que cette intervention vienne renforcer un gouvernement illégitime et accusé de connivence avec les gangs. De plus, la composition de cette mission a viré au casse-tête.
Près d’un an plus tard, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté une résolution autorisant le recours à la force par une mission internationale d’assistance à la sécurité en Haïti. Ni le Canada ni les États-Unis n’ont voulu intervenir directement en Haïti, soulignant que la solution devait venir des Haïtiens. Mais ces derniers n’ont jamais pu s’entendre et, de plus, ils redoutent une intervention étrangère, compte tenu des interventions catastrophiques de l’ONU, depuis 2004. Le Canada, qui avait été sollicité par Washington pour prendre le leadership de l’intervention, s’est retiré en mars 2023, pour laisser la direction au Kenya.
Le déploiement de la force d’intervention multinationale devait commencer le 1er janvier 2024. En juillet dernier, le Kenya avait proposé de diriger la mission avec un millier de policiers. Antigua et Barbuda, les Bahamas et la Jamaïque s’étaient engagés à envoyer du personnel de sécurité, et plus récemment le Belize et la Guyane. Le Canada s’était également engagé à participer à la mission. Pour sa part, le gouvernement américain s’était engagé à financer la mission à hauteur d’au moins 100 millions de dollars.
Alors que les gangs étendaient leur emprise sur Port-au-Prince et formaient une alliance dans le but déclaré de renverser le Premier ministre, Henry prévoyait de se rendre au Kenya pour signer un accord de réciprocité. Pendant son absence, les bandes criminelles de Chérizier ont attaqué des commissariats de police, l’aéroport de la capitale et des prisons. Ils ont brandi la menace d’une guerre civile si Henry revenait en Haïti. Il a démissionné le 11 mars 2024. Le lendemain, le Kenya a suspendu l’envoi de ses policiers en Haïti.
Qui est aux commandes aujourd’hui, et quelles sont les chances que la démocratie soit rétablie ?
Dans la foulée de la démission d’Henry, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence. Le même jour, la formation d’un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) chargé de rétablir l’ordre a été annoncée. Le conseil est constitué de neuf membres, soit sept votants et deux observateurs. Il intègre des représentants des principaux partis politiques, ainsi que du secteur privé et de la société civile. Son mandat de 22 mois prendra fin le 7 février 2026 après avoir organisé des « élections démocratiques, libres et crédibles ».
De nombreux obstacles se dressent déjà pour atteindre cette finalité. En premier lieu, comment rétablir la sécurité alors que les gangs continuent de recevoir des armes des États-Unis ? Dernier coup de théâtre : lorsque Ariel Henry a sorti le décret annonçant la formation du CPT, aucun nom des membres n’y figurait. Depuis, les organisations des représentants désignés du CPT ont exprimé leur désaccord avec le décret du Gouvernement publié dans le journal officiel le 12 avril 2024. Finalement, l’arrêté officialisant la nomination des membres du CPT a été publié le 16 avril.
De plus, le Conseil souhaite prêter serment au Palais National devant la nation alors même que le Palais a été la cible des gangs à plusieurs reprises. Qui assurera sa sécurité ? Comment rétablir la paix en Haïti dans un contexte d’incertitude politique et de fragilité économique ? Est-ce que les membres du Conseil, dont certains sont des frères ennemis, pourront dépasser leurs propres intérêts au profit de la nation ? D’autre part, qui reconstruira le pays après le départ de tant de jeunes ? Le pays fera-t-il enfin appel à sa diaspora ?
Par ailleurs, la possibilité d’une famine se dessine à l’horizon et le Programme Alimentaire Mondial craint que ses stocks alimentaires ne s’épuisent d’ici la fin du mois d’avril.
Enfin, comment convaincre les gangs de déposer leurs armes alors qu’ils accumulent des millions à travers les kidnappings et la vente des armes ? Il s’agit d’une activité très lucrative, tant pour les gangs que pour de simples citoyens qui font face à une grande pauvreté.
Comment aussi rétablir la justice et punir les criminels qui ont commis tant de crimes contre l’humanité ? L’adage ne dit-il pas qu’il n’y a pas de paix sans justice ? Enfin, que dire des ambitions politiques des gangs ? Le 11 mars, Chérizier a déclaré qu’il serait « l’alliance Viv Ansanm, avec le peuple haïtien, qui élira celui qui dirigera le pays ». Le CPT devra-t-il négocier avec les gangs ?
Les défis qui se dressent devant le CPT ne sont donc pas des moindres et l’un des plus ardus sera de trouver le moyen d’articuler une demande d’aide externe sans perdre la souveraineté d’Haïti.
L’espace civique en Haïti est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.
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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : « Il doit y avoir un équilibre entre la promotion de l’innovation et la protection des droits »
CIVICUS parle avec Nadia Benaissa, conseillère en politique juridique chez Bits of Freedom, sur les risques que l’intelligence artificielle (IA) fait peser sur les droits humains et sur le rôle que joue la société civile dans l’élaboration d’un cadre juridique pour la gouvernance de l’IA.
Fondée en 2000, Bits of Freedom est une organisation de la société civile (OSC) néerlandaise qui vise à protéger les droits à la vie privée et à la liberté de communication en influençant la législation et la politique en matière de technologies, en donnant des conseils politiques, en sensibilisant et en entreprenant des actions en justice. Bits of Freedom a également participé aux négociations de la loi de l’Union européenne sur l’IA.
Quels risques l’IA fait-elle peser sur les droits humains ?
L’IA présente des risques importants car elle peut exacerber des inégalités sociales préexistantes et profondément ancrées. Les droits à l’égalité, à la liberté religieuse, à la liberté d’expression et à la présomption d’innocence figurent parmi les droits touchés.
Aux Pays-Bas, nous avons recensé plusieurs cas de systèmes algorithmiques violant les droits humains. L’un de ces cas est le scandale des allocations familiales, dans lequel les parents recevant des allocations pour la garde de leurs enfants ont été injustement ciblés et profilés. Le profilage a surtout touché les personnes racisées, les personnes à faible revenu et les musulmans, que l’administration fiscale a faussement accusés de fraude. Cette situation a entraîné la suspension des allocations pour certains parents et prestataires de soins, ainsi que des enquêtes hostiles sur leurs cas, ce qui a eu de graves répercussions financières.
Un autre exemple est le programme de prévention de la criminalité ‘Top400' mis en œuvre dans la municipalité d’Amsterdam, qui profile des mineurs et des jeunes afin d’identifier les 400 personnes les plus susceptibles de commettre des délits. Cette pratique affecte de manière disproportionnée les enfants des classes populaires et les enfants non-blancs, car le système se concentre géographiquement sur les quartiers à faibles revenus et les quartiers de migrants.
Dans ces cas, le manque d’éthique dans l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle a entraîné une immense détresse pour les personnes concernées. Le manque de transparence dans la manière dont les décisions automatisées ont été prises n’a fait qu’accroître les difficultés dans la quête de justice et de redevabilité. De nombreuses victimes ont eu du mal à prouver les préjugés et les erreurs du système.
Existe-t-il des tentatives en cours pour réglementer l’IA ?
Un processus est en cours au niveau européen. En 2021, la Commission européenne (CE) a proposé un cadre législatif, la loi sur l’IA de l’Union européenne (UE), pour répondre aux défis éthiques et juridiques associés aux technologies de l’IA. L’objectif principal de la loi sur l’IA de l’UE est de créer un ensemble complet de règles régissant le développement, le déploiement et l’utilisation de l’IA dans les États membres de l’UE. Elle cherche à maintenir un équilibre entre la promotion de l’innovation et la protection des valeurs et des droits fondamentaux.
Il s’agit d’une occasion unique pour l’Europe de se distinguer en donnant la priorité à la protection des droits humains dans la gouvernance de l’IA. Cependant, la loi n’a pas encore été approuvée. Une version a été adoptée par le Parlement européen en juin, mais il reste encore un débat final - un « trilogue » - à mener entre la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen. La Commission européenne s’efforce d’achever le processus d’ici la fin de l’année afin qu’il puisse être soumis à un vote avant les élections européennes de 2024.
Ce trilogue a des défis considérables à relever pour parvenir à une loi sur l’IA complète et efficace. Les questions controversées abondent, y compris les définitions de l’IA et les catégories à haut risque, ainsi que les mécanismes de mise en œuvre et d’application.
Qu’est-ce que la société civile, y compris Bits of Freedom, apporte à la table des négociations ?
Alors que les négociations sur la loi se poursuivent, une coalition de 150 OSC, dont Bits of Freedom, demande instamment à la CE, au Conseil et au Parlement d’accorder la priorité aux personnes et à leurs droits fondamentaux.
Aux côtés d’autres groupes de la société civile, nous avons activement collaboré à la rédaction d’amendements et participé à de nombreuses discussions avec des membres des parlements européen et néerlandais, des décideurs politiques et diverses parties prenantes. Nous avons fermement insisté sur des interdictions concrètes et solides, telles que celles concernant l’identification biométrique et la police prédictive. En outre, nous avons souligné l’importance de la transparence, de la redevabilité et d’un mécanisme de réparation efficace dans le contexte de l’utilisation des systèmes d’IA.
Nous avons obtenu des résultats significatifs en matière de plaidoyer, notamment l’interdiction de l’identification biométrique en temps réel et a posteriori, une meilleure formulation des interdictions, des évaluations obligatoires de l’impact sur les droits fondamentaux, la reconnaissance de droits supplémentaires en matière de transparence, de redevabilité et de réparation, et la création d’une base de données obligatoire sur l’IA.
Mais nous reconnaissons qu’il y a encore du travail à faire. Nous continuerons à faire pression pour obtenir la meilleure protection possible des droits humains et à nous concentrer sur les demandes formulées dans notre déclaration au trilogue de l’UE. Celles-ci tendent vers l’établissement d’un cadre de redevabilité, de transparence, d’accessibilité et de réparation pour les personnes touchées par ces enjeux, et à la fixation des limites à la surveillance préjudiciable et discriminatoire exercée par les autorités nationales chargées de la sécurité, de l’application de la loi et de l’immigration. Elles s’opposent ainsi au lobbying des grandes entreprises technologiques en supprimant les lacunes qui sapent la réglementation.
Le chemin vers une réglementation complète et efficace de l’IA est en cours, et nous restons déterminés à poursuivre nos efforts pour faire en sorte que le cadre législatif final englobe nos demandes essentielles. Ensemble, nous visons à créer un environnement réglementaire en matière d’IA qui donne la priorité aux droits humains et protège les personnes.
Contactez Bits of Freedom sur sonsite web ou sa pageFacebook, et suivez@bitsoffreedom sur Twitter.
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TRAITÉ DES NATIONS UNIES SUR LA CYBERCRIMINALITÉ : « Il ne s’agit pas de protéger les États, mais les personnes »
CIVICUS s’entretient avecStéphane Duguin ausujet dela militarisation de la technologie et des progrès réalisés envue d’un traité des Nations Unies sur la cybercriminalité.
Stéphaneest un expert de l’utilisation des technologies perturbatrices, ce qui inclut les cyberattaques, les campagnes de désinformation et le terrorisme en ligne. Il est aussi le directeur général del’Institut CyberPeace,une organisation de la société civile (OSC) fondée en 2019 pour aider les OSC humanitaires et les communautés vulnérables àlimiter les dommages causés par les cyberattaques et àpromouvoir un comportement responsable dans le cyberespace. Elle mène des activités de recherche et de plaidoyer et fournit une expertise juridique et politique dans le cadre de négociations diplomatiques, notamment au sein duComité ad hoc des Nations Unies chargé d’élaborer la Convention sur la cybercriminalité.
Pourquoi un nouveau traité des Nations Unies sur la cybercriminalité est-il nécessaire ?
Plusieurs instruments juridiques portant sur la cybercriminalité existent déjà. Notamment, la Convention de Budapest sur la cybercriminalité duConseil de l’Europe de 2001 est le premier traité international visant à lutter contre la cybercriminalité et à harmoniser les législations pour renforcer la coopération dans le domaine de la cybersécurité. En avril 2023, il a été ratifié par 68 États dans le monde. Cette convention a été suivie par des outils régionaux tels que la Convention de l‘Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel de 2014, entre autres.
Mais le problème de ces instruments réside dans leur application. La Convention de Budapest n’a même pas été ratifiée par la plupart des États, alors qu’elle est ouverte à tous. Et même lorsqu’ils ont été signés et ratifiés, ces instruments ne sont pas mis en œuvre. Cela signifie que les données ne sont pas accessibles au-delà des frontières, que la coopération internationale est compliquée à mettre en place et que les demandes d’extradition ne sont pas suivies d’effet.
Il est urgent de remodeler la coopération transfrontalière pour prévenir et contrer les crimes, surtout d’un point de vue pratique. Les États qui ont plus d’expérience dans la lutte contre la cybercriminalité pourraient aider ceux qui ont moins de ressources en leur fournissant une assistance technique et en les aidant à renforcer leurs capacités.
C’est cela qui rend si importantes les négociations actuelles de l’ONU tendant à une convention mondiale sur la cybercriminalité. En 2019, l’Assemblée générale des Nations Unies a créé le Comité spécial chargé d’élaborer une « Convention internationale globale sur la lutte contre l’utilisation des technologies d’information et de communication à des fins criminelles », en d’autres termes une Convention sur la cybercriminalité. Cela s’est fait dans un objectif de coordination des efforts entre des États membres, des OSC, dont l’Institut CyberPeace, des établissements universitaires et d’autres parties prenantes. Il s’agira du premier cadre international juridiquement contraignant pour le cyberespace.
Les objectifs du nouveau traité sont de réduire la probabilité d’attaques et, lorsqu’elles se produisent, de limiter les dommages et de veiller à ce que les victimes aient accès à la justice et à des réparations. Il ne s’agit pas de protéger les États, mais les personnes.
Quelles ont été les premières étapes de la négociation du traité ?
La première étape a consisté à faire le point sur ce qui existait déjà et, surtout, sur ce qui manquait dans les instruments existants afin de comprendre ce qu’il restait à faire. Il était également important de mesurer l’efficacité des outils existants et de déterminer s’ils ne fonctionnaient pas en raison de leur conception ou parce qu’ils n’étaient pas correctement mis en œuvre. De plus, il était primordial de mesurer les dommages humains causés par la cybercriminalité afin de définir une base du problème que nous essayons d’aborder avec le nouveau traité.
Il faudrait aussi un accord entre tous les États parties pour qu’ils cessent de se livrer eux-mêmes à la cybercriminalité. Curieusement, cela n’a pas été intégré dans les discussions. Il est pour le moins étrange d’être assis à la table des discussions sur les définitions des crimes cybernétiques et cyberdépendants avec des États qui mènent ou facilitent des cyberattaques. Les logiciels espions et la surveillance ciblée, par exemple, sont principalement financés et déployés par les États, qui financent également le secteur privé en achetant ces technologies avec l’argent des contribuables.
Quels sont les principaux défis ?
Le principal défi a été la définition du champ d’application du nouveau traité, c’est-à-dire de la liste des infractions à incriminer. Les infractions commises à l’aide des technologies de l’information et de la communication (TIC) appartiennent généralement à deux catégories distinctes : les infractions cyberdépendantes et les infractions facilitées par la technologie. Les États s’accordent globalement sur le fait que le traité devrait inclure les infractions cyberdépendantes, c’est-à-dire les infractions qui ne peuvent être commises qu’à l’aide d’ordinateurs et de TIC, telles que l’accès illégal à des systèmes informatiques, les attaques par déni de service et la création et diffusion de logiciels malveillants. Si ces infractions ne faisaient pas partie du traité, il n’y aurait pas de traité à proprement parler.
L’inclusion des crimes facilités par la technologie est toutefois plus controversée. Il s’agit d’infractions commises en ligne, mais qui pourraient être commises sans les TIC, comme la fraude bancaire et le vol de données. Il n’existe pas de définition internationalement reconnue des crimes facilités par la technologie. Certains États considèrent les infractions liées au contenu en ligne, telles que la désinformation ou l’incitation à l’extrémisme et au terrorisme, comme des crimes cybernétiques. Ces infractions sont fondées sur la parole et leur incrimination peut conduire à la criminalisation de discours ou de l’expression en ligne, ce qui aurait des conséquences négatives sur les droits humains et les libertés fondamentales.
De nombreux États susceptibles d’être futurs signataires du traité utilisent ce type de langage pour faire taire les dissidents. Toutefois, il y a un soutien général pour l’inclusion d’un nombre limité d’exceptions concernant les crimes facilités par la technologie, tels que l’exploitation sexuelle des enfants et les abus sexuels en ligne, ainsi que la fraude informatique.
Il est impossible de parvenir à une délimitation large des crimes cybernétiques si elle n’est pas accompagnée de garanties très strictes en matière de droits humains. En l’absence de garanties, le traité ne devrait porter que sur un nombre limité de crimes. Mais il n’y a pas d’accord sur les garanties et leur mise en place, en particulier en ce qui concerne la protection des données personnelles.
Or tant pour les victimes comme pour les auteurs de crimes, il n’y a aucune différence entre les crimes cybernétiques et les crimes cyberdépendants. Une victime de l’un est victime des deux. De nombreux groupes criminels – tout comme des acteurs étatiques - utilisent les mêmes outils, infrastructures et processus pour mener les deux types d’attaques.
Même s’il est nécessaire d’inclure davantage de crimes cybernétiques, la manière dont cela est fait n’est pas la bonne, car il n’y a pas de garde-fous ou de définitions claires. La plupart des États qui font pression en ce sens ont abondamment démontré qu’ils ne respectent ni ne protègent les droits humains, et certains - dont la Chine, l’Égypte, l’Inde, l’Iran, la Russie et la Syrie - ont même proposé de supprimer toute référence aux obligations internationales en matière de droits humains.
Un autre défi est l’absence d’accord sur la manière dont les mécanismes de coopération internationale devraient assurer le suivi pour garantir la mise en œuvre pratique du traité. Les modalités de coopération entre les États et les types d’activités qu’ils mèneront ensemble pour lutter contre ces crimes restent floues.
Pour éviter que les régimes répressifs n’abusent du traité, nous devrions nous concentrer à la fois sur la portée des infractions passibles d’être poursuivies et sur les conditions de la coopération internationale. Par exemple, les dispositions relatives à l’extradition devraient inclure le principe de la double incrimination, ce qui signifie qu’un acte ne peut donner lieu à extradition que s’il constitue un crime à la fois dans le pays qui fait la demande et dans celui qui la reçoit. Ce principe est essentiel pour empêcher les États autoritaires d’utiliser l’extradition pour poursuivre les dissidents et commettre d’autres violations des droits humains.
Qu’apporte la société civile aux négociations ?
L’élaboration du traité devrait être un effort collectif visant à prévenir et à réduire le nombre de cyberattaques. En tant qu’organes indépendants, les OSC y contribuent en fournissant des informations sur les incidences sur les droits humains et les menaces potentielles, et en plaidant en faveur de garanties pour les droits fondamentaux.
Par exemple, l’Institut CyberPeace analyse depuis deux ans les cyberattaques perturbatrices contre les établissements de santé dans le cadre de la COVID-19. Nous avons découvert au moins 500 cyberattaques ayant entraîné le vol des données de plus de 20 millions de patients. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.
L’Institut CyberPeace soumet également au Comité des recommandations dont l’approche est centrée sur les victimes. Elles comprennent des mesures préventives, la redevabilité des auteurs sur la base de preuves, l’accès à la justice et à la réparation pour les victimes, et tendent à prévenir la revictimisation.
Nous plaidons également en faveur d’une approche intrinsèquement fondée sur les droits humains, qui garantirait le plein respect des droits humains et des libertés fondamentales par le biais de protections et de garanties solides. Le langage de la Convention devrait faire référence à des cadres spécifiques de droits humains tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est important que la lutte contre la cybercriminalité n’oppose pas la sécurité nationale aux droits humains.
Ce cadre est d’autant plus important que les gouvernements exploitent depuis longtemps les mesures de lutte contre la cybercriminalité pour étendre le contrôle de l’État, élargir les pouvoirs de surveillance, restreindre ou criminaliser les libertés d’expression et de réunion et cibler les défenseurs des droits humains, les journalistes et l’opposition politique au nom de la sécurité nationale ou de la lutte contre le terrorisme.
Pour résumer, l’objectif de la société civile est de démontrer l’impact humain des cybercrimes et de s’assurer que les États en tiennent compte lors de la négociation du régime et des réglementations - qui doivent être créés pour protéger les citoyens. Nous faisons entendre la voix des victimes, les plus vulnérables, dont la cybersécurité quotidienne n’est pas correctement protégée par le cadre international actuel. En ce qui concerne l’Institut CyberPeace, nous plaidons pour l’inclusion d’un champ limité de cybercrimes avec des définitions claires et étroites afin d’empêcher la criminalisation de comportements qui constituent l’exercice des libertés fondamentales et des droits humains.
Où en sommes-nous dans le processus de négociation du traité ?
Un document de négociation consolidé a servi de base à la deuxième lecture effectuée lors des quatrième et cinquième sessions tenues en janvier et avril 2023. La prochaine étape consistera à publier un avant-projet à la fin du mois de juin, qui sera négocié lors de la sixième session qui se tiendra à New York entre août et septembre 2023.
Le processus aboutit normalement à une consolidation par les États, ce qui va être difficile car il y a beaucoup de divergences et un délai serré : le traité devrait être soumis au vote lors de la 78ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2024.
Il y a un bloc d’États qui souhaitent un traité au champ d’application le plus large possible, et un autre bloc qui penche pour une convention au champ d’application très limité et aux garanties solides. Mais même au sein de ce bloc, des désaccords subsistent en ce qui concerne la protection des données, l’approche en termes de sécurité, et des questions éthiques portant sur des technologies spécifiques telles que l’intelligence artificielle.
Quelles sont les chances que la version finale du traité respecte les normes internationales en matière de droits humains tout en remplissant son objectif ?
Compte tenu de la manière dont le processus s’est déroulé jusqu’à présent, je ne suis pas très optimiste, en particulier sur la question du respect des normes en matière de droits humains. Il manque encore les définitions cruciales des garanties en matière de droits humains. Nous ne devons pas oublier que les négociations se déroulent dans un contexte de confrontation géopolitique tendue. L’Institut CyberPeace a retracé les attaques déployées depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Nous avons témoigné de plus de 1 500 campagnes d’attaques avec près de 100 acteurs impliqués, dont de nombreux États, et des impacts sur plus de 45 pays. Cette réalité géopolitique complique encore les négociations.
Le texte qui est actuellement sur la table ne permet pas d’améliorer la vie des victimes dans le cyberespace. C’est pour cette raison que l’Institut CyberPeace reste engagé dans le processus de rédaction, afin d’informer et de sensibiliser les discussions en vue d’un résultat plus positif.
Contactez l’Institut CyberPeace sur sonsite web ou sa pageFacebook, et suivez@CyberpeaceInst et@DuguinStephane sur Twitter.
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TRAITÉ DES NATIONS UNIES SUR LA CYBERCRIMINALITÉ : « La société civile vérifie la véracité des arguments avancés par les États »
CIVICUS s’entretient avec Ian Tennant sur l’importance de la sauvegarde des droits humains dans le processus en cours d’élaboration d’un traité des Nations Unies sur la cybercriminalité.
Ian estle président de l’Alliance des ONG pour la prévention du crime et la justice pénale, un vaste réseau d’organisations de la société civile (OSC) qui fait progresser les questions de prévention du crime et de justice pénale en s’engageant dans les programmes et processus pertinents de l’ONU. Il dirige la représentation multilatérale de Vienne et le Fonds de résilience de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, une OSC mondiale dont le siège se trouve à Genève et qui se consacre à la recherche, à l’analyse et à l’engagement sur toutes les formes de criminalité organisée et de marchés illicites. Les deux organisations participent en tant qu’observateurs aux négociations du traité des Nations Unies sur la cybercriminalité.
Pourquoi un traité des Nations Unies sur la cybercriminalité est-il nécessaire ?
Il n’y a pas de consensus sur la nécessité d’un traité des Nations Unies sur la cybercriminalité. Depuis que la question a été soulevée officiellement pour la première fois lors du Congrès des Nations Unies sur la criminalité en 2010, les organes de l’ONU qui prennent par consensus des décisions liées à la cybercriminalité, notamment la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale (CCPCJ), n’ont pas pu s’accorder sur la nécessité de ce traité. En 2019, cette question a fait l’objet d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU. La résolution lançant le processus vers un traité a été adoptée avec un soutien minoritaire, en raison d’un grand nombre d’abstentions. Néanmoins, le processus progresse maintenant et des États membres de tous bords participent au débat.
La polarisation des positions sur la nécessité du traité s’est traduite par une polarisation des points de vue sur l’étendue du traité : les pays favorables au traité demandent l’inclusion d’un large éventail de crimes cybernétiques, tandis que les pays opposés au traité demandent un traité étroitement ciblé sur les crimes cyberdépendants.
Comment faire pour que le traité ne soit pas utilisé par des régimes répressifs pour réprimer la dissidence ?
L’équilibre entre les mesures efficaces contre la cybercriminalité et les garanties en matière de droits humains est la question fondamentale qui doit être résolue dans le cadre du processus de négociation de ce traité et, pour l’instant, on ne sait pas très bien comment on y parviendra. Le moyen le plus efficace de s’assurer que le traité ne soit pas utilisé pour réprimer la dissidence et d’autres activités légitimes est de veiller à ce qu’il porte sur un ensemble clair de crimes cyberdépendants avec des garanties adéquates et claires en matière de droits humains présentes dans l’ensemble du traité.
En l’absence d’un traité sur les droits numériques, ce traité doit fournir ces garanties et sauvegardes. Sinon, il existe un risque réel qu’en établissant un vaste régime de coopération sans garanties adéquates, le traité soit utilisé par certains États comme un outil d’oppression et de suppression de l’activisme, du journalisme et d’autres activités de la société civile. Or, celles-ci sont essentielles dans toute stratégie efficace de réponse et de prévention de la criminalité.
Dans quelle mesure la société civile peut-elle contribuer au processus de négociation ?
Les négociations du traité ont été ouvertes aux OSC pour qu’elles puissent contribuer au processus par le biais d’une approche qui ne permet pas aux États d’opposer leur veto à des OSC individuelles. Les OSC ont la possibilité d’apporter leur contribution à chaque point de l’ordre du jour, ainsi qu’aux réunions intersessions lors desquelles elles peuvent présenter et mener des discussions avec les États membres. Ce processus est, d’une certaine manière, un modèle que d’autres négociations de l’ONU pourraient suivre comme meilleure pratique.
Les OSC, ainsi que le secteur privé, apportent des perspectives essentielles sur les impacts potentiels des propositions faites dans le cadre des négociations du traité, sur les questions pratiques, sur la protection des données et sur les droits humains. Fondamentalement, les OSC vérifient les faits et fournissent des preuves pour étayer ou contester les arguments avancés par les États membres lorsque des propositions sont faites et que des compromis potentiels sont discutés.
Quels sont les progrès réalisés jusqu’à présent et quels ont été les principaux obstacles aux négociations ?
Officiellement, le comité ad hoc n’a plus que deux réunions à tenir avant l’adoption du traité : une réunion aura lieu en août et l’autre au début de 2024. Le Comité a déjà tenu cinq réunions, au cours desquelles l’ensemble des questions et des projets de dispositions à inclure dans le traité ont été discutés. La prochaine étape consistera en l’élaboration d’un projet de traité par le président, qui sera ensuite débattu et négocié lors des deux prochaines réunions.
Le principal obstacle a été l’existence de différences assez fondamentales dans les visions du traité, qui vont d’un traité large permettant l’incrimination et la coopération pour une gamme variée d’infractions à un traité étroit axé sur les crimes cyberdépendants. À cause de ces différences d’objectifs, le Comité a jusqu’à présent manqué d’une vision commune. Dans les mois à venir, c’est à cette vision que les négociations devront parvenir.
Quelles sont les chances que la version finale du traité respecte les normes internationales en matière de droits humains tout en remplissant son objectif ?
Cela dépend des négociateurs de toutes les parties et de la distance qu’ils sont prêts à parcourir pour parvenir à un accord : c’est cela qui déterminera si le traité a un impact significatif sur la cybercriminalité tout en restant fidèle aux normes internationales en matière de droits humains et à l’éthique générale des Nations Unies en matière de droits humains. Ce serait le résultat optimal, mais compte tenu de l’atmosphère et des défis politiques actuels, il sera difficile à atteindre.
Il est possible que le traité soit adopté sans garanties adéquates et que, par conséquent, seul un petit nombre de pays le ratifie. Cela non seulement diminuerait son utilité, mais également ferait porter les risques en matière de droits sur les seuls pays signataires. Il est également possible que le traité contienne des normes très élevées en matière de droits humains, mais que, là encore, peu de pays le ratifient, ce qui limiterait son utilité pour la coopération mais neutraliserait les risques qu’il présente pour les droits humains.
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