Reconstruire pour de Bon

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Rebuilding for good FRN

La pandémie du COVID-19 a eu des impacts économiques, sociaux et politiques extraordinaires. Il nous faut ainsi de plans de relance pour accorder plus de droits, rendre les économies plus équitables, niveler les inégalités, inverser la crise climatique et mettre en place des institutions internationales pratiques. La société civile - qui comprend la gamme complète d'organismes civiques, y compris les ONG, les organisations caritatives, les groupes bénévoles, les trusts, les fondations et les associations, les syndicats, les entreprises sociales, les prestataires de soins et les services de protection sociale - doit être considérée comme une force vitale pour sortir le monde de la crise et ce d'une manière qui marque une rupture avec les politiques économiques, politiques et sociales qui déçoivent déjà tant de personnes. C'est le moment où les gouvernements doivent respecter leurs obligations internationales (anglais) et investir dans un effort civique constant pour la reconstruction.

Ce document sert de guide pratique pour les actions que les gouvernements peuvent et devraient entreprendre pour soutenir et renforcer la société civile dans le cadre des efforts de relance et de reconstruction après le COVID-19. Il se base sur des données provenant d'initiatives qui ont été prises à travers le monde et il présente d'autres propositions pour soutenir ces efforts sur la base des informations fournies par les réseaux de la société civile dans plus de 80 pays, y compris les évaluations entreprises par le Groupe d'Affinité des Associations Nationales (AGNA), la Charities Aid Foundation (CAF) et CIVICUS. Pour les décideurs politiques et les agences gouvernementales, nous espérons que cette ressource servira d'invitation à revoir et à améliorer les mesures prises à l’égard de la société civile. Pour les groupes de la société civile, nous prévoyons que cela encouragera les initiatives visant à obtenir les mesures de soutien dont nous avons besoin dans différents pays.

Nous recommandons les mesures suivantes pour soutenir et renforcer la société civile dans le cadre des plans de réponse et de relance au COVID-19:

  1. Supprimer les restrictions; valoriser davantage la société civile ainsi que les contributions de celle-ci.
  2. Aider la société civile à couvrir et à réduire les coûts de fonctionnement
  3. Faire preuve de flexibilité dans les exigences réglementaires
  4. Inclure la société civile dans les fonds de relance ainsi que dans les subventions au COVID-19
  5. Mettre en place l’infrastructure nécessaire pour renforcer les actions de la société civile
  6. Donner à la société civile les moyens de développer des alternatives durables

 

1. Supprimer les restrictions; valoriser davantage la société civile ainsi que les contributions de celle-ci

La société civile a été en première ligne de la réponse mondiale à la pandémie. Elles (OSC) ont fourni des services vitaux, échangé des informations et coordonné les actions nécessaires au renforcement de la redevabilité et à la recherche de résultats mieux adaptés des politiques. Et pourtant, dans plusieurs pays, la pandémie a été utilisée pour légitimer un large éventail de restrictions injustifiées aux libertés civiques et/ou pour empêcher délibérément la société civile de planifier et de mettre en œuvre leurs activités. Il s'agit notamment des niveaux de censure sans précédent, des attaques contre des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme, le recours à une violence d'État pour limiter les critiques ainsi qu’à des violations généralisées du droit à la vie privée.

Il est important que les gouvernements reconnaissent qu'une société civile diversifiée, dynamique et résiliente est plus que jamais nécessaire pour garantir que les mesures d'urgence passent le test de la proportionnalité et de la nécessité. Même en cas de proclamation officielle de l'état d'urgence, les droits fondamentaux tels que le droit à la vie et à la protection contre la torture et les traitements dégradants doivent être respectés, tout comme le droit d'exprimer démocratiquement son désaccord. Dans ce contexte, les gouvernements peuvent et doivent faire davantage pour souligner le rôle de la société civile dans les efforts en matière de riposte et de relance. Travailler avec la société civile permet aux gouvernements et aux entreprises de mieux comprendre les réalités du terrain et de planifier des interventions qui répondent de manière significative aux facteurs à l’origine des inégalités et des troubles sociaux. En Équateur, par exemple, un site internet officiel fournit des informations sur les initiatives prises par la société civile à travers le pays, et des plateformes similaires ont également été mises en place en Italie, en France et en Ukraine. On a également mentionné en Éthiopie des initiatives visant à montrer les efforts de la société civile par le biais de la télévision.

Les gouvernements locaux peuvent se montrer particulièrement efficaces en invitant la société civile à partager son travail à travers les plateformes disponibles et en fournissant des moyens à d'autres segments de la société pour soutenir et intensifier ces efforts. Cela comprend la suppression des restrictions imposées aux médias locaux ainsi que de leur permettre de travailler avec d'autres groupes de la société civile pour renforcer la confiance et l'engagement du public. Une compréhension incomplète des organisations de la société civile affecte directement l'appropriation par les acteurs locaux (en anglais) des causes et limite le secteur en ce qu’il a de stratégique et de durable.

2. Aider la société civile à couvrir et à réduire les coûts de fonctionnement

Le soutien aux dépenses de fonctionnement est un moyen direct de renforcer la société civile, en particulier les groupes travaillant en première ligne. Une prise en charge flexible et sans restriction des coûts d'exploitation permet aux organisations d'investir dans l'infrastructure et les fonctions qui aideront à faire évoluer l'impact et la durabilité. L'existence d'un soutien opérationnel leur permet également de s'adapter et de réagir rapidement en situation de crise.

En Lituanie, par exemple, les associations et fondations qui louent leur propriété à la municipalité ou à des entités contrôlées par la municipalité ont eu droit à une dispense ou à une réduction des loyers et des pénalités imposées en cas de retard de paiement. Des mesures similaires ont été signalées en Lettonie et au Liban. Au Zimbabwe, une réglementation gouvernementale a demandé aux propriétaires et aux banques d'accorder un délai de grâce adapté au confinement étalonné sur le paiement des loyers et des hypothèques ainsi qu’une dérogation sur les importations liées au COVID-19 telles que les EPI, les kits de test. On a également signalé l'approvisionnement en fournitures essentielles et en biens matériels au Malawi et en Namibie. L'existence de telles mesures doit cependant s'accompagner d'informations appropriées et transparentes sur des telles initiatives. Mettre en place des mesures d’assistance mais ne pas les communiquer correctement empêche les groupes qui en ont le plus besoin d'apprendre en quoi elles consistent et d'accéder à ces avantages.

C'est également un moment important pour les gouvernements d'aller plus loin et d’élaborer de nouveaux mécanismes financiers innovants pour soutenir la société civile. La révision des régimes de TVA, l'octroi d'exonérations fiscales et l'amélioration des incitations fiscales en faveur des dons - non seulement spécifiques aux interventions liées à la crise, mais à toutes les causes - sont des initiatives qui doivent être mieux encouragées à l'heure actuelle. La réaffectation des différents prélèvements, fonds et outils d'investissement pour soutenir les interventions de la société civile est une autre option. L'affectation d'impôts indirects tel que l'utilisation de l'argent de la TVA pour l’achat d'équipements de protection individuelle dans le cadre des efforts visant à soutenir les personnels de santé de première ligne au Royaume- Uni en est un exemple. Au Moyen-Orient, certains gouvernements auraient proposé des prêts plutôt qu'une assistance directe à la société civile. Dans plusieurs endroits, la présence d’une boîte à outils de financement, à caractère à la fois financier et non financier, inspirée par la demande et qui aide la société civile à accroître sa résilience financière est essentielle.

3.  Faire preuve de flexibilité dans les exigences réglementaires

Dans un certain nombre de pays, on a signalé des mesures visant à offrir aux associations et fondations enregistrées une plus grande souplesse dans les procédures administratives, y compris des changements concernant les achats, les dépenses, l’établissement des rapports, l'octroi de subventions et l’élaboration des contrats. L'ajustement des exigences en matière de rapports administratifs et de projets, par exemple, peut être un moyen rapide mais efficace de fournir un répit aux groupes de la société civile. En exemple, nous avons notamment les mesures au Malawi et au Mexique pour mettre à jour le financement des projets, la coopération ainsi que les arrangements en matière de délégation.
Des dispositions permettant une flexibilité dans les exigences comptables et fiscales ont également été prises dans certains pays. L'Allemagne, par exemple, a accordé une certaine souplesse dans la gestion des dons ainsi que dans la comptabilisation des pertes et des diminutions de capital. Ailleurs, on a mis en place des exonérations partielles sur les taxes à payer par les ONG.

4. Inclure la société civile dans les fonds de relance et les subventions au COVID-19

La société civile est cruellement absente des mesures conçues pour soutenir de façon systématique la reprise sociale et économique face à la pandémie. Dans la plupart des cas, ces mesures semblent avoir été élaborées uniquement pour les entreprises, bien que la société civile de tous les pays ait un besoin urgent d'un soutien fiscal adapté, y compris des mesures d'aide au revenu ainsi que des subventions. Les mesures existantes visant à la relance des entreprises doivent être étendues pour inclure la société civile, et accompagnées d'interventions qui répondent aux besoins particuliers des petits et grands groupes, formels et informels, qui existent dans l'ensemble de la société civile.
Les exemples de mesures de relance pour la société civile se limitent au plan de relance (en anglais) de 750 millions de livres sterling du gouvernement britannique et au plan de soutien (en allemand) de 700 millions d’euros à la société civile, aux arts et au secteur culturel en Autriche. À plus petite échelle, un fonds de stabilité (en anglais) de 35 millions d'euros pour répondre aux besoins de financement urgents a été instauré en Irlande et, en Russie, un fonds présidentiel de subventions de 3 milliards de roubles (environ 39 millions d'euros) pour les ONG. En outre, des programmes de subventions salariales et d'accès au crédit ont été introduits en Argentine, en Australie, en France et aux Pays-Bas. Des allocations spéciales pour les services aux groupes vulnérables tels que les femmes et les personnes âgées ont été accordées au Canada, tandis que l'Irlande a lancé un fonds pour l'innovation sociale dans les projets de relance.

Les rapports de l'Afrique du Sud indiquent une série de mesures initiées par le gouvernement, les fondations privées et les entreprises pour soutenir la société civile. Des organisations telles que la CAF Afrique australe (en anglais), le Groupe Mergon (en anglais) et la province du Cap Occidental (Département du Développement Social) ont lancé un fonds en faveur des ONG qui inclue des opportunités pour le public d'appuyer des objectifs de financement. La Commission Nationale des Loteries (NLC) (pdf en anglais) a débloqué 150 millions de rands comme mesure d’assistance pour les ONG, tandis que le Fonds de solidarité du président devrait aider les ONG qui mettent en œuvre des services conformes aux objectifs du fonds à savoir prévenir, détecter, soigner et soutenir. Dans l'ensemble, un éventail plus large d'actions visant à encourager les entreprises, les institutions philanthropiques et le grand public à soutenir les efforts de la société civile est à la fois possible et nécessaire.

5. Mettre en place l’infrastructure nécessaire pour renforcer les actions de la société civileociedad civil 

C'est précisément le moment où les gouvernements doivent créer des mécanismes plus larges pour soutenir et renforcer la société civile, y compris le financement à moyen et long terme de réseaux ou d'organisations faîtières et le développement de plateformes pour partager les connaissances, les stratégies et les ressources de manière à promouvoir la cohésion et la collaboration, plutôt que la concurrence. Les entreprises transnationales peuvent soutenir les activités de la société civile en offrant des plateformes et des contributions salariales, tout comme les institutions philanthropiques peuvent (et sont en train) de mobiliser des actifs et des dotations (en anglais) pour créer de nouveaux flux de ressources à la fois de base et flexibles en faveur de la société civile.

À cet effet, au Portugal et en Italie, des services nationaux de volontariat et de jeunesse ont été mis à profit pour mobiliser du soutien en faveur des activités de la société civile. En Belgique, un Fonds de Solidarité COVID-19 permet aux employés de l'UE de contribuer en faveur des organisations de la société civile. Dans plusieurs pays, dont la Lettonie et les Pays- Bas, des exonérations fiscales sur les dons faits à la société civile ont été introduites. En Sierra Leone, une plate-forme dirigée par le gouvernement a permis à la société civile d'interagir avec le président et les ministres responsables en matière d'efforts face au COVID-19, permettant aux représentants de la société civile d'accéder directement et de coordonner avec les ministères de la Santé, des Finances et de l'Equipe d'Intervention d'Urgence du COVID-19. Au Malawi, l'équipe spéciale de travail sur le COVID-19 a inclus des représentants d'ONG, du monde universitaire, du gouvernement et des organismes religieux, entre autres, profitant ainsi de l'expertise et des réseaux que différentes parties de la société civile peuvent apporter aux différentes actions entreprises.

Dans plus de pays, il est nécessaire que les gouvernements mettent en place de mesures qui encouragent davantage les sociétés à investir dans la société civile. Les gouvernements doivent être des partenaires actifs dans le renforcement de l'engagement du public avec la société civile en se faisant le champion de son impact et en partageant des informations sur la façon dont les fonds publics sont alloués et utilisés. Plus généralement, nous avons besoin que cela soit un moment catalyseur pour des partenariats et des campagnes intersectoriels visant à favoriser des mouvements de générosité locaux (en anglais) à l'intérieur et entre les pays.

6.  Donner à la société civile les moyens de développer des alternatives durables

La société civile est essentielle aux approches de reconstruction centrées sur l’être humain qui satisfont la demande de changement positif. De véritables partenariats entre le gouvernement et la société civile permettent des réponses mieux coordonnées dans les moments critiques, permettant aux deux acteurs de travailler ensemble pour évaluer et atténuer les risques de crise au sein de différentes populations. Pour cela, nous avons besoin que la société civile fasse partie intégrante des consultations multipartites et des espaces de prise de décision qui conçoivent des alternatives sociales et économiques pour un monde post-COVID. Une société civile habilitée, en réseau et dotée de ressources suffisantes doit être reconnue comme une force oeuvrant pour le progrès.

Le rééquilibrage du pouvoir et l'instauration de la solidarité seront les clés des réformes structurelles que nous devons réaliser dans l'économie mondiale. Cela comprend un effort systématique pour réduire l'importance accordée à la croissance du PIB en tant qu'indicateur clé de performance et privilégier le bien-être comme paramètre essentiel. Les changements en profondeur tant attendus, tels que l'arrêt des sorties nettes de capitaux et d'autres ressources des pays du Sud vers les pays du Nord afin que les premiers puissent disposer de plus de ressources disponibles pour assurer l’exercice du droit au développement durable de leurs populations, nécessitent un large soutien du monde politique et du public. Le renforcement de la société civile et l'expansion des libertés civiques doivent faire partie de la relance à la fois mondiale et intégrale dont nous avons besoin pour sortir de la pandémie.

CAF AGNA CIVICUS


Pour plus d'informations:

AGNA: https://www.civicus.org/index.php/what-we-do/strengthen/agna
Charities Aid Foundation: https://www.cafonline.org
CIVICUS: https://www.civicus.org

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