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HAÏTI : « Les gangs contrôlent le pays en lieu et place des autorités »
CIVICUS échange sur l’augmentation de la violence des gangs et la situation politique en Haïti avec Nancy Roc, journaliste indépendante.
Avec 38 ans d’expérience, Nancy est une journaliste originaire d’Haïti, reconnue pour son travail en faveur de la liberté de la presse. Elle est récipiendaire de nombreux prix, dont le prix Jean Dominique pour la liberté de la presse décerné par l’UNESCO, entre autres.
Quelle est la situation actuelle d’Haïti en matière de sécurité ?
La situation est intenable, pour reprendre le terme exact du Haut-Commissaire des Nations Unies (ONU) aux droits de l’homme, Volker Türk. Malgré l’état d’urgence et la succession de couvre-feu déclarés par le gouvernement depuis le 4 mars pour regagner le contrôle de la capitale, Port-au-Prince, il n’y a pas une semaine qui ne s’écoule sans que des kidnappings aient lieu. La violence est quotidienne.
La population est cloitrée chez elle, la plupart des écoles sont fermées et les activités économiques sont gravement affectées. Il en est de même sur les routes où depuis plus de trois mois les gangs imposent leur loi et de nombreux chauffeurs sont au chômage. Pratiquement toutes les infrastructures de la capitale ont été ou détruites ou gravement affectées par les attaques des gangs.
L’attaque du Pénitencier national, le 2 mars, a été un grand choc pour les Haïtiens, même s’ils sont habitués à vivre sous la menace constante de la violence. Plus de 4.500 détenus se seraient évadés, parmi lesquels des membres éminents de gangs et des personnes arrêtées dans le cadre de l’assassinat du Président Jovenel Moïse en juillet 2021. Les pillages et les attaques ont été nombreux, notamment contre la Bibliothèque nationale, qui a été prise d’assaut le 3 avril.
La veille, dans la soirée du 2 avril, des bandits lourdement armés ont pillé des dizaines de maisons et emporté plusieurs véhicules privés aux villages Tecina et Théodat, dans la municipalité de Tabarre, au nord-est de Port-au-Prince. La grande majorité de la population, qui vivait déjà dans une misère extrême, est aujourd’hui plongée dans un véritable enfer et laissée pour compte.
Quant à la police, malgré certains efforts, elle n’est pas outillée ni assez nombreuse pour faire face à une telle situation de guérilla urbaine face à des gangs surarmés. Actuellement, environ 23 gangs opèrent dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, divisés en deux grandes coalitions : le G-Pèp, dirigé par Gabriel Jean Pierre, dit Ti Gabriel, et le G9 Famille et Alliés, dirigé par Jimmy Chérizier, alias Barbecue. Mais les experts de l’ONU estiment qu’il y en a entre 150 et 200 dans l’ensemble du pays.
Selon l’ONU, depuis le début de l’année, 1.193 personnes ont été tuées et 692 blessées à cause de la violence des gangs. Le système de santé est au bord de l’effondrement et les hôpitaux n’ont souvent pas la capacité de traiter les personnes blessées. L’économie est asphyxiée car les gangs imposent des restrictions aux mouvements de la population. Le principal fournisseur d’eau potable a cessé ses livraisons. Cette situation a entraîné une crise alimentaire majeure : près de la moitié des 11 millions d’habitants d’Haïti ont besoin d’une forme d’assistance alimentaire.
Comment les gangs sont-ils devenus si puissants ?
Les gangs disposent de puissants financeurs au sein du gouvernement et du secteur privé. Sous l’ancien premier ministre de facto Ariel Henry, qui a démissionné en mars, le gouvernement finançait 30% des membres du G9. Il ne serait pas étonnant que certaines personnalités tant du secteur privé que d’anciens hauts dignitaires de l’État continuent à les financer, en particulier ceux qui ont été sanctionnés par la communauté internationale.
Un rapport d’experts de l’ONU publié en 2023 a également pointé du doigt l’ancien président Michel Martelly, au pouvoir entre 2011 et 2016, ainsi que plusieurs hommes d’affaires et législateurs de premier plan, comme fournissant des ressources aux gangs armés, que ce soit en nature ou en espèces.
La prolifération des gangs a commencé sous Martelly et s’est accentuée après l’assassinat de Moïse. Déjà en 2019, environ 162 groupes armés avaient été répertoriés sur le territoire national dont plus de la moitié opérait dans l’aire métropolitaine. Au total, ils auraient un potentiel supérieur à 3.000 soldats armés d’armes à feu, dont des adolescents et même des enfants.
Sous Moïse, de nombreux massacres ont eu lieu, tels que le massacre de La Saline en 2018, le massacre du Bel Air en 2019 et le massacre de Cité Soleil en 2020. Tous ont eu lieu dans des quartiers à fort poids électoral et où résidaient des membres de l’opposition, et ces crimes sont tous restés impunis.
En 2020, la situation s’est aggravée lorsque Chérizier, ancien policier, a fédéré les gangs avec la « famille G9 » alliée aux neuf bandes les plus puissantes de la région. Cela lui a permis de contrôler une bonne partie de la capitale – tout en étant financé en sous-main par de hauts fonctionnaires de l’appareil d’État.
La fédération des gangs a même été saluée par la Représentante spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Haïti, qui a affirmé que fédérer les gangs avait fait baisser le nombre d’homicides de 12% en trois mois. Cela a provoqué un tel scandale qu’elle a dû revenir sur ses propos en les qualifiant de « mésinterprétation ».
Un an après l’assassinat du président Moïse, alors que la situation s’aggravait, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, à l’unanimité, une résolution établissant un régime de sanctions qui ciblait les chefs de gangs et ceux qui les finançaient. Chérizier était le seul chef de gang dont le nom figurait dans une annexe de la résolution mais, à ce jour, aucune mesure n’a été prise à son encontre.
Le 29 février 2024, la situation dans la capitale a pris un tournant décisif et pour le pire lorsque Chérizier a annoncé, à travers une vidéo sur les réseaux sociaux, la reconstitution de la coalition des groupes armés dénommée « Viv Ansanm » (Vivre ensemble). Il y revendiquait la responsabilité des tensions qui ont secoué Port-au-Prince et a déclaré que l’objectif premier des gangs était de renverser le gouvernement. Il a précisé aussi qu’une chasse aux ministres, au directeur général de la Police Nationale, était désormais ouverte. Il voulait les arrêter et empêcher Ariel Henry, qui se trouvait à Porto Rico, de rentrer au pays. Des policiers ont été tués, des commissariats attaqués, plusieurs vols annulés suite à un assaut des gangs à l’aéroport international Toussaint Louverture qui, depuis, est fermé.
Chérizier prétend lancer une révolution afin de libérer le peuple haïtien des autorités et des oligarques pourtant, ces gangs ont ciblé toutes les couches de la société, autant que les quartiers pauvres de la capitale et de nombreuses structures étatiques qui servaient aux pauvres comme le principal hôpital public. La destruction est telle que l’ONU parle d’Haïti comme « un État au bord de l’effondrement ».
En décembre 2023 plus de 310.000 personnes étaient déplacées à l’intérieur du pays. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 50.000 personnes ont quitté la capitale en trois semaines au mois de mars 2024. L’ampleur du désastre est stupéfiante et tous les pays qui avaient promis une aide policière ou militaire sont absents. Haïti est abandonnée à son triste sort et les gangs contrôlent le pays en lieu et place des autorités.
Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas réagi à la menace croissante des gangs ?
Il y a quatre ans, la Police Nationale d’Haïti disposait officiellement d’une force de 15.498 officiers de police (dont seulement 1.711 femmes), bien que le nombre d’officiers effectifs était estimé à beaucoup moins. En outre, le programme humanitaire mis en place par l’administration Biden-Harris pour faciliter le séjour des Haïtiens aux États-Unis a fait courir à la police le risque de perdre jusqu’à un tiers de ses effectifs en raison de l’émigration.
Dans un tel contexte, le chaos et la violence ont atteint un niveau sans précédent. Depuis l’assassinat du président Moïse, le gouvernement a été incapable d’instaurer l’ordre avec la police, et l’armée ne comptait qu’environ 2.000 soldats. De plus, aucune élection législative ou générale n’a été organisée depuis 2016. Il n’y a donc plus d’élus, le mandat des précédents étant expiré. Les critiques d’Henry, très impopulaire, considéraient son règne comme illégitime.
En octobre 2022, Henry a fait appel à la communauté internationale, sollicitant l’intervention d’une force étrangère. Vu son impopularité, cela a suscité la méfiance parmi la population qui redoutait que cette intervention vienne renforcer un gouvernement illégitime et accusé de connivence avec les gangs. De plus, la composition de cette mission a viré au casse-tête.
Près d’un an plus tard, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté une résolution autorisant le recours à la force par une mission internationale d’assistance à la sécurité en Haïti. Ni le Canada ni les États-Unis n’ont voulu intervenir directement en Haïti, soulignant que la solution devait venir des Haïtiens. Mais ces derniers n’ont jamais pu s’entendre et, de plus, ils redoutent une intervention étrangère, compte tenu des interventions catastrophiques de l’ONU, depuis 2004. Le Canada, qui avait été sollicité par Washington pour prendre le leadership de l’intervention, s’est retiré en mars 2023, pour laisser la direction au Kenya.
Le déploiement de la force d’intervention multinationale devait commencer le 1er janvier 2024. En juillet dernier, le Kenya avait proposé de diriger la mission avec un millier de policiers. Antigua et Barbuda, les Bahamas et la Jamaïque s’étaient engagés à envoyer du personnel de sécurité, et plus récemment le Belize et la Guyane. Le Canada s’était également engagé à participer à la mission. Pour sa part, le gouvernement américain s’était engagé à financer la mission à hauteur d’au moins 100 millions de dollars.
Alors que les gangs étendaient leur emprise sur Port-au-Prince et formaient une alliance dans le but déclaré de renverser le Premier ministre, Henry prévoyait de se rendre au Kenya pour signer un accord de réciprocité. Pendant son absence, les bandes criminelles de Chérizier ont attaqué des commissariats de police, l’aéroport de la capitale et des prisons. Ils ont brandi la menace d’une guerre civile si Henry revenait en Haïti. Il a démissionné le 11 mars 2024. Le lendemain, le Kenya a suspendu l’envoi de ses policiers en Haïti.
Qui est aux commandes aujourd’hui, et quelles sont les chances que la démocratie soit rétablie ?
Dans la foulée de la démission d’Henry, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence. Le même jour, la formation d’un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) chargé de rétablir l’ordre a été annoncée. Le conseil est constitué de neuf membres, soit sept votants et deux observateurs. Il intègre des représentants des principaux partis politiques, ainsi que du secteur privé et de la société civile. Son mandat de 22 mois prendra fin le 7 février 2026 après avoir organisé des « élections démocratiques, libres et crédibles ».
De nombreux obstacles se dressent déjà pour atteindre cette finalité. En premier lieu, comment rétablir la sécurité alors que les gangs continuent de recevoir des armes des États-Unis ? Dernier coup de théâtre : lorsque Ariel Henry a sorti le décret annonçant la formation du CPT, aucun nom des membres n’y figurait. Depuis, les organisations des représentants désignés du CPT ont exprimé leur désaccord avec le décret du Gouvernement publié dans le journal officiel le 12 avril 2024. Finalement, l’arrêté officialisant la nomination des membres du CPT a été publié le 16 avril.
De plus, le Conseil souhaite prêter serment au Palais National devant la nation alors même que le Palais a été la cible des gangs à plusieurs reprises. Qui assurera sa sécurité ? Comment rétablir la paix en Haïti dans un contexte d’incertitude politique et de fragilité économique ? Est-ce que les membres du Conseil, dont certains sont des frères ennemis, pourront dépasser leurs propres intérêts au profit de la nation ? D’autre part, qui reconstruira le pays après le départ de tant de jeunes ? Le pays fera-t-il enfin appel à sa diaspora ?
Par ailleurs, la possibilité d’une famine se dessine à l’horizon et le Programme Alimentaire Mondial craint que ses stocks alimentaires ne s’épuisent d’ici la fin du mois d’avril.
Enfin, comment convaincre les gangs de déposer leurs armes alors qu’ils accumulent des millions à travers les kidnappings et la vente des armes ? Il s’agit d’une activité très lucrative, tant pour les gangs que pour de simples citoyens qui font face à une grande pauvreté.
Comment aussi rétablir la justice et punir les criminels qui ont commis tant de crimes contre l’humanité ? L’adage ne dit-il pas qu’il n’y a pas de paix sans justice ? Enfin, que dire des ambitions politiques des gangs ? Le 11 mars, Chérizier a déclaré qu’il serait « l’alliance Viv Ansanm, avec le peuple haïtien, qui élira celui qui dirigera le pays ». Le CPT devra-t-il négocier avec les gangs ?
Les défis qui se dressent devant le CPT ne sont donc pas des moindres et l’un des plus ardus sera de trouver le moyen d’articuler une demande d’aide externe sans perdre la souveraineté d’Haïti.
L’espace civique en Haïti est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.
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NOUVELLE-CALÉDONIE : « Les élections législatives en France auront un impact sur notre avenir »
CIVICUS discute avec Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des Droits de l’Homme, desrécentes manifestations contre les changements électoraux imposés par le gouvernement français en Nouvelle-Calédonie.
En mai 2024, des manifestations ont éclaté en Nouvelle-Calédonie après l’adoption par le Parlement français d’une loi qui aurait permis à un plus grand nombre d’allochtones de voter. Le gouvernement français a présenté cette mesure comme une réforme démocratique, mais de nombreux Kanaks, qui représentent environ 40% de la population, ont vu s’éloigner les perspectives d’indépendance. Lorsque des affrontements entre manifestants indépendantistes et forces de l’ordre ont débouché sur des émeutes, les autorités françaises ont déclaré l’état d’urgence, déployé des troupes et interdit TikTok. Le gouvernement français a suspendu les changements électoraux, mais a récemment arrêté certains dirigeants indépendantistes, et la situation reste tendue.
Quel est le statut politique de la Nouvelle-Calédonie et comment cela affecte-t-il sa gouvernance ?
Les Accords de Matignon-Oudinot de 1988, l’Accord de Nouméa de 1998, et la loi organique de 1999 ont conféré à la Nouvelle-Calédonie un statut particulier au sein de la République française, transférant de nombreuses compétences à l’exception des compétences régaliennes -l’armée, la police, la justice et la monnaie- dans le cadre d’une « souveraineté partagée ». Un titre a été ajouté à la Constitution française concernant les « dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ».
Ce titre prévoyait un gel du corps électoral pour les trois référendums d’autodétermination et les élections provinciales, ces dernières déterminant la composition du Congrès qui élit le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Pour voter aux élections provinciales, il fallait être né avant 1998 et justifier de dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Les autres élections suivent les règles nationales françaises.
Qu’est-ce qui a déclenché les récentes manifestations ?
L’accord de Nouméa prévoyait un transfert progressif de souveraineté, ainsi que trois référendums d’autodétermination organisés en 2018, 2020 et 2021. La coalition indépendantiste, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), avait demandé le troisième référendum, mais a ensuite refusé la date en raison de la pandémie, qui a touché tardivement la Nouvelle-Calédonie. En 2021, de nombreuses familles étaient en deuil et la campagne électorale ne pouvait pas se tenir correctement en raison des restrictions.
Le gouvernement français a maintenu la date du référendum, que le FLNKS a appelé à boycotter. Cet appel a été largement suivi par les Kanaks, ce qui s’est traduit par un taux de participation de seulement 43,90%, contre 85,64% lors du deuxième référendum en 2020. Dans les îles Loyauté, la population, essentiellement kanake, s’est abstenue à 95,46%, et dans la province nord à 83,38%. Malgré cela, le gouvernement français a reconnu les résultats et a déclaré l’Accord de Nouméa caduc, incitant les responsables politiques locaux à trouver un nouvel accord, notamment sur le corps électoral.
En l’absence d’accord, le gouvernement a décidé de modifier le corps électoral par une réforme constitutionnelle, permettant à toute personne ayant dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie de voter aux élections provinciales. Cela a déclenché des tensions car le peuple Kanak, déjà minoritaire en raison de la colonisation et du boom du nickel des années 1970, voit cela comme une menace de dilution de leur représentativité dans les institutions et la fin du processus de décolonisation.
Depuis le référendum de 2021, l’Union calédonienne, membre du FLNKS, a créé la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), qui a organisé des manifestations contre cette réforme électorale. Le gouvernement français a ignoré nos alertes en cas de passage en force, et les manifestations ont dégénéré en barrages et en incendies à Nouméa, la capitale, et aux alentours, conduisant à un couvre-feu, l’état d’urgence, et le blocage de TikTok. L’armée a été déployée Des témoignages font état d’exactions des forces de l’ordre et de la formation de milices anti-kanaks.
Comment les dirigeants autochtones kanak ont-ils réagi ?
Les dirigeants kanaks ont appelé au calme, mais n’ont pas été écoutés, ni les coutumiers ou le président du gouvernement.
Le FLNKS a refusé de dialoguer avec les trois hauts fonctionnaires accompagnant le président français Emmanuel Macron lors de sa visite éclair, réclamant une résolution politique du conflit.
La présidente de la province Sud et l’un des ex-députés tiennent des propos enflammés sur le rattachement à la France. Un autre courant loyaliste, incarné par le second ex-député et la maire de Nouméa, prône le dialogue et la recherche d’un nouvel accord institutionnel. Certains indépendantistes sont favorables à un dialogue avec ce courant du parti loyaliste. Le parti Éveil océanien, représentant la communauté wallisienne et futunienne, juge le référendum de 2021 comme un « non-sens politique » et pourrait jouer un rôle dans une mission de dialogue si le gouvernement français adopte une position de neutralité, comme promis dans le préambule de l’Accord de Nouméa.
Comment la société civile promeut-elle la paix et la réconciliation en Nouvelle-Calédonie ?
La Ligue des Droits de l’Homme a contribué à la signature des Accords de Matignon, à un moment où la guerre civile avait fait plus de 90 morts. Toutefois, récemment, le ministre de l’Intérieur nous a critiqués et a ignoré nos avertissements. On espère que le prochain gouvernement écoutera les voix œuvrant pour la paix.
Jusqu’à présent, les troubles se sont essentiellement limités à Nouméa et aux communes avoisinantes, les provinces des Îles et du Nord étant peu affectées. Cela montre que le processus de paix a tissé des liens entre les communautés. En 2022, une statue symbolisant la poignée de main entre Jacques Lafleur (loyaliste) et Jean-Marie Tjibaou (indépendantiste) a été inaugurée sur la place de la Paix (Koo We Joka). Des femmes ont appelé à un rassemblement pour la paix sur cette place.
La société civile calédonienne, profondément attachée à ce pays, peut encore œuvrer à un destin commun si la France respecte ses engagements dans le processus de décolonisation acté par l’Accord de Nouméa.
La France doit mener des enquêtes impartiales pour rétablir la paix par des voies légales. Les responsables politiques indépendantistes et loyalistes doivent s’engager à reconstruire un destin commun et à lutter contre les inégalités sociales, causes profondes de la révolte des jeunes Kanaks.
La société civile doit influencer les élus pour œuvrer en ce sens et exiger une justice impartiale. La décision de transfert en détention provisoire des dirigeants de la CCAT en France, à plus de 17.000 km, au détriment de leur vie privée et familiale et des droits de la défense, a été suivie de nouvelles émeutes, y compris cette fois dans le Nord et dans une des îles Loyauté.
Les élections législatives en France auront un impact sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, et il est crucial que le dialogue et un accord pour un destin commun soient soutenus et recherchés.
Entrez en contact avec la Ligue des Droits de l’Homme via sonsite web et suivez@LDH_Fr et@nathalietehio sur Twitter.