Afrique de l’Est
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BURUNDI : « L’activisme en faveur des droits humains ne peut pratiquement plus être mené ouvertement »
CIVICUS s’entretient avecCarina Tertsakian, co-fondatrice de l’Initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB), à proposde la répression au Burundi de la société civile et des défenseurs des droits humains, ainsi que des droits des personnes LGBTQI+.
L’IDHB était une initiative indépendante qui, depuis la mi-2019 jusqu’en décembre 2023, travaillait en coopération avec un éventail de personnes à l’intérieur comme à l’extérieur du Burundi pourdocumenter la situation des droits humains et plaider en faveur des droits humains.
La situation des droits humains au Burundi s’est-elle améliorée ?
Le bilan global du Burundi en matière de droits humains n’a guère évolué depuis l’entrée en fonction du président Évariste Ndayishimiye en 2020. À l’époque, les gens avaient de grands espoirs parce que le nouveau président avait un passé moins sanglant que son prédécesseur. Mais la protection des droits civils et politiques n’a pas progressé. Les autorités ont continué d’arrêter, de poursuivre, de maltraiter et parfois de torturer des personnes pour des raisons politiques. Parmi les personnes arrêtées figurent des activistes, des journalistes et des membres de l’opposition.
Alors même que les formes les plus graves de violations des droits, telles que les assassinats politiques et les disparitions forcées, ont diminué, des défenseurs des droits humains et des journalistes se font arrêter arbitrairement seulement en raison de leur participation à des activités de défense des droits humains ou de leur affiliation à des organisations de la société civile (OSC) indépendantes. Ils sont généralement accusés de porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État ou à l’intégrité territoriale, entre autres accusations sans fondement.
Quelles sont les conditions de vie des personnes LGBTQI+ au Burundi ?
En août 2023, 24 personnes ont été arrêtées pour leur présumée implication dans des organisations d’aide aux personnes LGBTQI+. Certaines ont été acquittées ou mises en liberté, tandis que d’autres ont été condamnées. Un des activistes acquittés est décédé avant d’être libéré. L’affaire est en cours et attire l’attention sur le problème sous-jacent plus large de la criminalisation de l’homosexualité au Burundi.
Il est pratiquement impossible de s’identifier ouvertement en tant qu’activiste LGBTQI+ au Burundi. Si certaines organisations mènent des activités de soutien aux personnes LGBTQI+, elles évitent de s’identifier explicitement comme des organisations LGBTQI+. Les 24 personnes arrêtées, par exemple, avaient participé à une formation sur la sensibilisation et la prévention du VIH/sida.
Dans son récent discours de fin d’année, le président Ndayishimiye a vilipendé les personnes LGBTQI+, qualifiant l’homosexualité de péché et encourageant la lapidation publique de ceux qui sont perçus comme des « homosexuels ». Cette horrible déclaration a alimenté la rhétorique de la haine en ligne mais, au moins, elle a été vivement critiquée par une OSC burundaise et plusieurs éminents activistes en exil – ce qui est extrêmement difficile à faire à l’intérieur du Burundi.
Dans quelle mesure les organisations de défense des droits humains peuvent-elles effectuer leur travail au Burundi ?
En 2015, une importante crise politique et des droits humains a éclaté au Burundi, marquée par une violente répression de la société civile, en particulier des détracteurs et des personnes soupçonnées de s’opposer au gouvernement. En conséquence, des dirigeants de grandes organisations de défense des droits humains ont fui le pays et demeurent en exil. Certains ont été inculpés et condamnés par contumace, notamment à l’emprisonnement à perpétuité.
L’activisme en faveur des droits humains ne peut pratiquement plus être mené ouvertement au Burundi. Depuis 2015, les activistes qui s’attaquent à des questions politiquement sensibles font l’objet de menaces directes et ne peuvent pas travailler librement dans le pays. Même ceux qui étaient auparavant affiliés à des organisations de défense des droits humains qui n’opèrent plus au Burundi continuent de faire l’objet d’arrestations.
Les activistes qui défendent les droits économiques et sociaux subissent comparativement moins de pressions. Certaines OSC travaillant sur les questions de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance ont été plus ou moins autorisées à fonctionner, bien que le gouvernement ait parfois entravé leurs activités, par exemple en perturbant ou en interdisant les conférences de presse.
Les activistes burundais ont-ils trouvé la sécurité dans l’exil ?
Les activistes en exil basés en Europe ou au Canada sont relativement en sécurité, tandis que ceux qui se trouvent au Rwanda peuvent subir des pressions supplémentaires. En 2015, alors que de nombreux journalistes et défenseurs des droits humains ont fui, le gouvernement burundais a interdit ou suspendu leurs organisations et fermé plusieurs stations de radio indépendantes. Certains journalistes en exil ont créé des stations de radio à l’étranger, principalement au Rwanda.
Le gouvernement burundais a profité de l’amélioration récente des relations avec le Rwanda pour faire pression sur le pays hôte afin qu’il fasse taire ces journalistes ou qu’il les renvoie. Le gouvernement rwandais a lancé un ultimatum à certains de ces journalistes, leur imposant de se taire ou de partir, ce qui a contraint certains d’entre eux à cesser leurs activités au Rwanda et à se réinstaller ailleurs. Certains de ces journalistes, comme d’autres défenseurs des droits humains plus largement, étaient entre ceux qui ont été jugés et condamnés par contumace.
Quelles sont vos principales demandes au gouvernement burundais ?
La société civile burundaise demande au gouvernement de lever les restrictions sur l’espace civique, afin de permettre aux défenseurs des droits humains, aux journalistes et aux autres voix indépendantes de s’exprimer librement sans harcèlement. Nous soutenons ces demandes.
Tout d’abord, le gouvernement doit libérerFloriane Irangabiye, une journaliste condamnée à 10 ans de prison en mai 2023. Cinq autres défenseurs des droits humains avaient été inculpés et jugés avant cela, en avril. Ils avaient été ciblés par le gouvernement en raison de leur association avec une organisation internationale non approuvée par le régime, et accusés de recevoir illégalement des fonds. Bien qu’ils aient été mis en liberté au bout de deux mois grâce à la pression internationale, certains d’entre eux ont reçu des condamnations de peine avec sursis. On appelle donc à ce que toutes les poursuites à leur encontre soient abandonnées.
La sécurité des activistes exilés doit également être assurée avant qu’ils ne puissent rentrer, ce qui nécessite la levée de leur peine. Tant que les défenseurs des droits humains continueront à faire l’objet de condamnations par contumace, il y aura des obstacles importants à toute forme d’activisme en faveur des droits humains au Burundi. Nous demandons également au gouvernement de révoquer les interdictions et les suspensions imposées aux OSC depuis 2015.
Bien que le gouvernement prétende que le Burundi est une démocratie, ce n’est certainement pas le cas. S’il l’était, les critiques seraient permises et les activités des défenseurs des droits humains ne seraient pas criminalisées.
Quel soutien les activistes burundais des droits humains reçoivent-ils de la part de leurs alliés internationaux, et de quoi ont-ils encore besoin ?
Lorsque les pays de l’Union européenne, les États-Unis et d’autres gouvernements font part de leurs préoccupations concernant les violations flagrantes des droits humains au Burundi, notamment par l’intermédiaire de leurs ambassades dans le pays, cela fait vraiment la différence. Bien qu’il faille parfois des années pour obtenir la libération d’un défenseur des droits humains, l’intensification de la pression internationale s’est avérée efficace.
Il reste trop peu de groupes indépendants de défense des droits humains au Burundi, et il est difficile d’apporter un soutien international à des entités pratiquement inexistantes. Ceux qui sont encore actifs sont pour la plupart des activistes individuels, qui peuvent difficilement être soutenus par les donateurs. Une exception notable est le journal indépendant Iwacu, qui poursuit son travail malgré les contraintes qui lui sont imposées. Nous encourageons les donateurs à maintenir leur soutien à ce média, qui représente l’une des dernières voix indépendantes au Burundi.
Les organisations de défense des droits humains opérant depuis l’exil ont besoin d’un soutien continu et pourraient développer leur travail si elles disposaient d’un financement plus durable. Il est difficile de travailler depuis l’étranger. Après plusieurs années d’exil, les activistes commencent à se sentir déconnectés et démotivés car ils ne voient pas les choses changer.
L’espace civique au Burundi est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.
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COP26 : « Face à la pression de la base, nous devons répondre par une action climatique équitable »
À la veille de la 26ème Conférence des Parties des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), qui se tiendra à Glasgow, au Royaume-Uni, du 31 octobre au 12 novembre 2021, CIVICUS a interrogé des militants, des dirigeants et des experts de la société civile sur les défis environnementaux auxquels ils sont confrontés dans leur contexte, les actions qu’ils entreprennent pour y faire face et leurs attentes pour le sommet à venir.
CIVICUS s’entretient avec Caroline Owashaba, chef d’équipe d’Action for Youth Development Uganda et coordinatrice bénévole de l’Alliance Girls Not Brides en Ouganda.
Quel est le problème environnemental de votre pays sur lequel vous travaillez ?
Un problème majeur en Ouganda est l’utilisation de grandes quantités de sacs en plastique à usage unique, qui ont des effets extrêmement néfastes sur l’environnement. Les sacs en plastique mettent de nombreuses années à se décomposer ; ils libèrent des substances toxiques dans le sol et, lorsqu’ils sont brûlés, dans l’air ; ils bouchent les canalisations et peuvent provoquer des inondations ; et ils tuent les animaux qui les mangent, en les prenant pour de la nourriture ou en s’y empêtrant.
Une mesure visant à interdire la fabrication, la vente et l’utilisation des sacs en plastique a été adoptée en 2018, mais les fabricants ont exercé un lobbying intense pour obtenir un délai supplémentaire avant l’entrée en vigueur de l’interdiction, si bien que la mise en œuvre a été lente et largement inefficace. Ainsi, début 2021, le gouvernement a décidé de mettre en œuvre de nouvelles mesures allant dans le même sens, ainsi qu’un ensemble plus large de mesures environnementales.
Alors que le gouvernement s’efforce de faire respecter l’interdiction des sacs en plastique à usage unique, nous travaillons sur une initiative visant à produire des matériaux alternatifs, écologiques et biodégradables. Il est urgent de le faire, car à l’heure actuelle, si l’interdiction des sacs en plastique était réellement appliquée, l’offre d’emballages biodégradables ne serait pas du tout suffisante.
Action for Youth Development Uganda (ACOYDE) développe un projet appelé CHACHA (Children for Alternative Change), qui utilise la fibre de banane pour fabriquer une variété d’articles utiles tels que des napperons et des sets de table, des oreillers, des articles de décoration intérieure et, bien sûr, des sacs. Les déchets générés par l’extraction de la fibre de banane et la fabrication de ces articles sont recyclés pour produire des briquettes de charbon de bois de haute qualité que les jeunes et les femmes participant au projet utilisent comme source de chaleur à la fois chez eux et sur leur lieu de travail, réduisant ainsi la consommation de carburant tout en augmentant le revenu de leur foyer.
Toute la communauté participe au processus de production, car elle fournit les tiges de bananes. Et le projet permet aux jeunes, notamment aux jeunes femmes, de soutenir leur famille. Nous avons des possibilités d’expansion, car l’émergence des éco-hôtels a créé une plus grande demande de produits durables.
Quel lien entretenez-vous avec le mouvement international pour le climat ?
Nous avons établi des liens avec le mouvement international par le biais d’échanges régionaux sur le changement climatique, tels que la Semaine africaine du climat, et dans le cadre du Climate Smart Agriculture Youth Network (CSAYN). Nous suivons également les discussions du groupe des pays les moins avancés (PMA) sur l’adaptation, l’atténuation et le financement.
Cela a également fonctionné dans l’autre sens : ACOYDE a soutenu les efforts visant à intégrer au droit national le cadre climatique international et a fait pression en faveur du projet de loi national sur le changement climatique, qui a été adopté en avril 2021. Cette initiative a donné force de loi à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et à l’Accord de Paris, dont l’Ouganda est signataire. Ensuite, nous avons travaillé à faire appliquer la loi au niveau local. Il est essentiel que la législation soit effectivement mise en œuvre au niveau local, car elle nous aidera à surmonter les injustices du changement climatique dans nos communautés.
Nous nous connectons également au mouvement climatique plus large dans une perspective de genre. Je m’intéresse personnellement aux intersections entre le genre et le changement climatique. Lors des précédentes COP, j’ai pu contribuer au Plan d’action sur le genre (PAG), qui a orienté et influencé les questions de genre et de jeunesse dans les processus de négociation de la CCNUCC. J’ai participé à des discussions sur l’avancement du PAG en ce qui concerne l’équilibre entre les sexes, la cohérence, la mise en œuvre sensible au genre, le suivi et les rapports. J’ai également participé activement au groupe de travail national sur le genre de l’Ouganda et à d’autres processus nationaux sur le changement climatique afin d’assurer l’intégration au niveau national des normes et des financements mondiaux en matière de genre, conformément à l’Accord de Paris, notamment en rendant compte de la mise en œuvre des dispositions du PAG en Ouganda.
Quelles sont vos attentes pour la COP26 ?
La COP26 devrait offrir des espaces pour porter les questions de genre au niveau mondial et offrir plus de possibilités de discussion. Elle devrait accroître la participation des femmes, entreprendre l’intégration de la dimension de genre et assurer la mise en œuvre du PAG. Elle devrait contribuer à amplifier la voix des femmes dans les négociations sur le changement climatique. Les femmes font une grande partie du travail au niveau de la base, mais elles reçoivent très peu en retour, non seulement parce que très peu de revenus parviennent à leurs poches, mais aussi parce qu’elles restent sous-représentées et que leurs voix ne sont donc pas entendues.
Les forums internationaux tels que la COP26 doivent fournir des espaces pour la participation de la base et, en réponse à ces pressions de la base, doivent développer des interventions fortes pour une action climatique juste qui respecte les droits humains, y compris les droits des peuples autochtones et la promotion de l’égalité des sexes.
L’espace civique enOuganda est classé« réprimé »par leCIVICUS Monitor.
Contactez Action for Youth Development Uganda via leursite webet leur pageFacebook. -
COP26 : « Nous attendons des obligations plus strictes en vertu du principe de responsabilité commune et différenciée »
À la veille de la 26ème Conférence des parties des Nations unies sur le changement climatique (COP26), qui se tiendra à Glasgow, au Royaume-Uni, du 31 octobre au 12 novembre 2021, CIVICUS a interrogé des militants, des dirigeants et des experts de la société civile sur les défis environnementaux auxquels ils sont confrontés dans leur contexte, les actions qu’ils entreprennent pour y faire face et leurs attentes pour le sommet à venir.
CIVICUS s’entretient avecCharles Wanguhu, activiste social et coordinateur de la Plateforme de la société civile pour le pétrole et le gaz kényans, un forum où les organisations de la société civile (OSC) participantes partagent des informations, planifient et élaborent ensemble des stratégies pour un plaidoyer commun, s’engagent auprès des agences gouvernementales, des entreprises et des médias, et informent et sensibilisent le public.
Quel est le problème environnemental de votre pays sur lequel vous travaillez ?
La Plateforme de la société civile pour le pétrole et le gaz kényans est une organisation à but non lucratif qui œuvre pour la durabilité du secteur pétrolier et gazier au Kenya, et pour des transitions énergétiques justes. Avec la découverte de pétrole dans le comté de Turkana au Kenya, notre travail s’est orienté vers le plaidoyer en faveur de cadres politiques et juridiques garantissant la justice environnementale et la prise en compte du climat dans l’exploitation pétrolière. Nous effectuons ce travail en examinant les politiques et les réglementations et en renforçant les capacités afin que les communautés locales puissent participer efficacement aux processus d’évaluation de l’impact environnemental et social (ESIA) pour sauvegarder leur environnement.
Nous sommes également directement impliqués dans l’examen des ESIA, en plaidant toujours pour l’inclusion des considérations relatives au changement climatique et à la protection de l’environnement au niveau du projet. Par exemple, alors que le projet pétrolier de Turkana se dirigeait vers la phase de production, nous avons participé aux forums de consultation des parties prenantes du projet, où nous avons soulevé la nécessité que l’ESIA du projet intègre des évaluations de l’impact sur le changement climatique. Nous avons également plaidé pour la transparence du secteur par la divulgation des accords et des licences pétrolières, afin que les citoyens puissent comprendre les obligations des compagnies pétrolières en matière d’environnement et de changement climatique, ce qui entraînera une plus grande responsabilité de la part de l’État et de ces compagnies.
Avez-vous été confronté à des réactions négatives face au travail que vous faites ?
Le rétrécissement de l’espace civique reste un défi dans l’environnement dans lequel nous travaillons. Les groupes de la société civile sont confrontés à des réactions négatives de la part du gouvernement lorsqu’ils abordent les questions d’actualité. Les restrictions prennent souvent la forme d’un refus d’autorisation d’organiser des manifestations ou des réunions liées à des projets qui les intéressent. Dans certains cas, des organismes gouvernementaux tels que le Conseil de coordination des organisations non gouvernementales et l’Autorité fiscale du Kenya ont été utilisés pour cibler les OSC.
Nous sommes également confrontés à des restrictions de la part des entreprises, telles que l’exclusion délibérée des OSC des événements de participation publique. Ceux de nos membres qui ont soulevé des préoccupations ou se sont exprimés sur des questions liées à l’extraction des ressources pétrolières et gazières ont constaté qu’ils ne sont plus invités à participer ou autorisés à faire des commentaires lors des audiences publiques.
Quel lien entretenez-vous avec le mouvement international pour le climat ?
Nous développons un programme panafricain pour une transition juste qui impliquera une collaboration avec d’autres groupes régionaux et internationaux, afin de garantir que la transition énergétique mondiale soit juste pour l’Afrique et reflète les impacts de la crise climatique sur le continent.
Quels sont vos espoirs pour la COP26, et dans quelle mesure pensez-vous que ces processus internationaux soient utiles ?
L’inclusion des considérations relatives au changement climatique au niveau des projets a déjà un fondement juridique au Kenya grâce à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, à l’Accord de Paris et à la loi sur le changement climatique adoptée au Kenya en 2016. Le retard dans la mise en œuvre de la loi a été un défi, mais nous avons connaissance de plusieurs projets de réglementation qui sont en cours d’examen pour une éventuelle promulgation.
En ce qui concerne la transition énergétique équitable, nous attendons l’imposition d’obligations plus fortes, conformes au principe de responsabilité commune mais différenciée, qui reconnaît que les différents pays ont des responsabilités et des capacités différentes pour faire face aux problèmes transfrontaliers tels que le changement climatique. Cela permettrait de s’assurer que l’Afrique n’est pas laissée pour compte dans la transition ou, pire, que la transition ne se fait pas à ses dépens.
Les processus internationaux ont été utiles dans la mesure où ils ont en partie facilité l’intégration dans le droit national de cadres juridiques et politiques sur le changement climatique, mais nous attendons certainement plus d’engagement de la part des États.
Quel changement souhaiteriez-vous voir se produire pour contribuer à résoudre la crise climatique ?
Nous aimerions voir une mise en œuvre accélérée des cadres et obligations juridiques en matière de changement climatique, tant au niveau local qu’international. En outre, nous aimerions que les pays développés du Nord s’engagent à respecter leurs promesses de financement du climat faites dans le cadre de l’Accord de Paris. Cela contribuera grandement à financer des transitions énergétiques justes en Afrique.
L’espace civique auKenya est classé« obstrué »par leCIVICUS Monitor.
Contactez la Plateforme de la société civile pour le pétrole et le gaz kényans via sonsite web et suivez@KCSPOG et@CharlesWanguhu sur Twitter. -
COP26 : « Nous devons donner aux communautés et aux femmes les moyens de gérer les ressources climatiques »
À la veille de la 26ème Conférence des Parties des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), qui se tiendra à Glasgow, au Royaume-Uni, du 31 octobre au 12 novembre 2021, CIVICUS a interrogé des militants, des dirigeants et des experts de la société civile sur les défis environnementaux auxquels ils sont confrontés dans leur contexte, les actions qu’ils entreprennent pour y faire face et leurs attentes pour le sommet à venir.
CIVICUS s’entretient avec Nyang’ori Ohenjo, directeur général du Minority Rights Development Centre (CEMIRIDE), une organisation de la société civile kenyane qui milite pour la reconnaissance des minorités et des peuples autochtones dans les processus politiques, juridiques et sociaux et s’efforce de donner aux communautés les moyens d’assurer des moyens de subsistance durables.
Quel est le problème climatique dans votre pays qui est au centre de votre travail ?
Nous nous concentrons sur l’aggravation des effets du changement climatique, notamment sur les groupes les plus vulnérables tels que les populations autochtones. Malgré un grand nombre de programmes climatiques, le Kenya n’atteint pas les objectifs souhaités. Par exemple, le nord du pays connaît une augmentation des sécheresses, avec les conséquences désastreuses habituelles, et le président a déjà déclaré catastrophe nationale la sécheresse de cette année.
La principale difficulté réside dans le fait que les cadres politiques ne tiennent pas compte des circonstances des communautés autochtones, qui comprennent les communautés pastorales, les habitants des forêts et les communautés de pêcheurs. Cela rend ces communautés et leurs systèmes économiques vulnérables et ne fournit pas de solutions pour renforcer leur résilience. Les programmes et les politiques ignorent souvent les éléments culturels.
Les éleveurs, par exemple, diversifient leurs troupeaux en termes de sexe, d’âge et d’espèces pour répartir les risques et maximiser les pâturages disponibles. La taille du troupeau est équilibrée avec la taille de la famille, et la composition du troupeau cherche à répondre aux besoins de la famille. Parfois, les troupeaux sont divisés comme une stratégie de survie, surtout en période de sécheresse, et pour permettre une utilisation innovante des ressources disponibles. Grâce à des systèmes de soutien mutuel, les éleveurs veillent les uns sur les autres afin de pouvoir se remettre rapidement des catastrophes. Chaque groupe pastoral a une façon différente de soutenir ses membres, par exemple en leur permettant de gagner de l’argent et de diversifier leurs moyens de subsistance. Cependant, l’aide alimentaire et les allocations sont devenues la norme politique en temps de crise, comme durant la sécheresse actuelle, ce qui n’a de sens économique pour personne, et surtout pas pour les communautés pastorales.
Les 50 années d’une approche axée principalement sur l’aide alimentaire n’ont pas permis d’apporter une solution durable, d’où la nécessité d’un véritable changement de politique pour passer d’une réponse réactive aux catastrophes à une préparation proactive. Cela signifie qu’il faut disposer de ressources de base, y compris d’argent liquide si nécessaire, avant qu’une crise ne survienne, pour aider les communautés à traverser les périodes difficiles, tout en se concentrant sur les investissements et le développement à long terme afin d’accroître la résilience des communautés pour absorber les chocs futurs.
Quel lien entretenez-vous avec le mouvement international pour le climat ?
Nous établissons des liens par le biais de notre travail avec de nombreux réseaux mondiaux de la société civile, dont CIVICUS, et avec des organisations kenyanes de défense du développement, des organisations de base et des groupes réclamant une action en faveur du climat, ainsi qu’avec des institutions universitaires, des organes des Nations unies et des institutions régionales et internationales de défense des droits humains. L’objectif principal de ces liens est de faire en sorte que les voix des communautés autochtones du Kenya soient entendues au sein du mouvement de lutte contre le changement climatique et puissent influencer les discussions internationales.
La participation des peuples autochtones au mouvement international pour le climat, et le fait que les peuples autochtones fassent partie d’une conversation qui, en tenant compte de la dimension de genre, reconnaît leurs droits et valorise leurs connaissances traditionnelles, ainsi que leurs pratiques innovantes en matière de résilience climatique, sont essentiels pour concevoir et mettre en œuvre des politiques et des actions climatiques efficaces.
Au niveau national, par le biais de la Direction du changement climatique, un département du ministère kenyan de l’Environnement et des Forêts, et de la Plateforme multisectorielle pour une agriculture intelligente face au climat, le CEMIRIDE a été impliqué dans le processus d’établissement de la position du gouvernement kenyan pour la COP26 et au sein de la Plateforme des communautés locales et des peuples autochtones (Plateforme CLPA).
Comment les communautés autochtones interagissent-elles avec le gouvernement kenyan ?
L’initiative relative aux situations d’urgence liées à la sécheresse, qui prend fin en 2022, a permis d’élaborer une politique climatique, mais a peu progressé dans la résolution du problème de la sécheresse. Il existe également le Plan d’action national sur le changement climatique (2018-2022), qui prévoit la participation et l’inclusion effectives des communautés autochtones marginalisées, mais là encore, les progrès sont très limités pour ce qui est de garantir une participation structurée et significative de ces communautés à la mise en œuvre et au suivi du Plan d’action national.
Le gouvernement met également en œuvre le projet Kenya Climate-Smart Agriculture, dont l’un des éléments clés est l’atténuation du changement climatique. Cependant, sa mise en œuvre manque de mécanismes structurés d’engagement avec les communautés autochtones, qui ont donc une présence et une capacité minimales pour contribuer à sa conception et à sa mise en œuvre.
Dans quelle mesure espérez-vous que la COP26 fera des progrès sur ces questions et quelle est, selon vous, l’utilité de ces processus internationaux ?
Les processus internationaux tels que la COP26 sont importants pour donner une visibilité aux peuples autochtones dans les négociations sur le changement climatique. S’il a fallu du temps aux gouvernements, et notamment à ceux d’Afrique, pour reconnaître le rôle des peuples autochtones et la nécessité de faire entendre leur voix à la table des décisions internationales sur le changement climatique, ils ont désormais compris que les peuples autochtones peuvent réellement influencer l’orientation de ces processus. Plus précisément, la Plateforme CLPA a été créée pour promouvoir l’échange d’expériences et de bonnes pratiques, renforcer les capacités de participation des parties prenantes à tous les processus liés à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, et exploiter les divers systèmes de connaissances et leurs innovations pour la conception et la mise en œuvre des politiques et actions climatiques.
Le CEMIRIDE espère que la voix des peuples autochtones occupera le devant de la scène et que les gouvernements s’engageront à mettre en œuvre des solutions locales pour lesquelles ils seront tenus responsables, plutôt que de faire de grandes promesses mondiales qui ne sont jamais tenues et pour lesquelles personne ne leur demande de rendre des comptes. En particulier, nous attendons des gouvernements qu’ils s’engagent à soutenir et à faciliter la mise en œuvre d’un cadre national pour l’engagement des communautés autochtones dans l’action contre le changement climatique.
Quel changement voudriez-vous voir - dans le monde ou dans votre communauté - qui aiderait à résoudre la crise climatique ?
Nous voulons voir une réelle dévolution de pouvoir aux communautés, et en particulier aux femmes, dans la gestion des ressources climatiques. Les peuples autochtones sont des collectifs uniques, non seulement en raison des impacts que le changement climatique a sur eux, mais aussi en raison du rôle qu’ils jouent pour assurer le succès des mesures d’intervention, et des perspectives et expériences qu’ils apportent grâce à leurs connaissances autochtones et locales. Personne ne connaît mieux une communauté que les personnes qui y vivent et dépendent de ses ressources.
Les communautés autochtones marginalisées ont depuis longtemps développé des connaissances et une expertise spécifique pour préserver et conserver les environnements naturels dont elles tirent leurs moyens de subsistance et autour desquels elles ont développé leurs systèmes et structures sociaux, culturels et religieux. Leur gestion directe des ressources climatiques leur permettra donc d’influencer positivement le développement, l’examen, l’adoption et la mise en œuvre des politiques et des réglementations concernant le changement climatique, en se concentrant spécifiquement sur l’amélioration de leur résilience face aux impacts du changement climatique.
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Contactez le Minority Rights Development Centre via sonsite web et suivez@CEMIRIDE_KE sur Twitter.
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COP26 : « Nous espérons que les mots se traduiront par des engagements qui changeront les comportements »
À la veille de la 26ème Conférence des Parties des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), qui se tiendra à Glasgow, au Royaume-Uni, du 31 octobre au 12 novembre 2021, CIVICUS a interrogé des militants, des dirigeants et des experts de la société civile sur les défis environnementaux auxquels ils sont confrontés dans leur contexte, les actions qu’ils entreprennent pour y faire face et leurs attentes pour le sommet à venir.
CIVICUS s’entretient avec Theophile Hatagekimana, secrétaire exécutif de Rwanda Environment Awareness Organization (REAO), une organisation de la société civile rwandaise qui œuvre à la sensibilisation au changement climatique et aux questions environnementales et promeut la mise en œuvre de politiques de gestion environnementale rationnelle.
Quel est le principal problème environnemental de votre communauté sur lequel vous travaillez ?
Nous travaillons sur la résilience et l’atténuation du changement climatique dans le respect des droits humains. Ces dernières années, nous avons commencé à collaborer aux efforts du gouvernement pour réduire la quantité de combustible utilisée pour la cuisine des ménages. Nous avons uni nos forces sur cette initiative et d’autres, car le gouvernement rwandais est très proactif en matière d’atténuation du changement climatique.
Dans le cadre de ce projet, nous enseignons aux personnes vulnérables, notamment les jeunes femmes, les femmes pauvres, les mères adolescentes célibataires et les victimes d’abus sexuels, à utiliser des méthodes de cuisson améliorées telles que les cuisinières au lieu du bois de chauffage, ce qui permet non seulement d’éviter l’abattage de nombreux arbres et de réduire leur exposition aux émissions toxiques dans leur maison, mais aussi de gagner beaucoup de temps. Nous les encourageons à consacrer le temps ainsi gagné à des activités d’épanouissement personnel, d’éducation et d’interaction sociale, et à s’engager dans des activités génératrices de revenus.
Nous plantons également des arbres pour restaurer les forêts, et plantons et distribuons des arbres agroforestiers, qui rendent le sol plus résilient et capable de faire face à des événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses et les fortes pluies, tout en fournissant de la nourriture, du fourrage, des matières premières industrielles, du bois, du combustible et du paillis, contribuant ainsi à diversifier les régimes alimentaires et les revenus. L’un de nos projets consiste à acheter des graines et à les planter dans les écoles, dans le cadre d’un programme qui comprend l’éducation environnementale, la démonstration des principes environnementaux en développant des pratiques vertes dans la vie quotidienne, et le développement d’une éthique environnementale.
Bien qu’il puisse sembler que nous ne travaillons que sur la protection de l’environnement, nous sommes en réalité très préoccupés par la dimension « droits humains » de la protection de l’environnement. C’est pourquoi nous nous opposons à la pratique consistant à déplacer des personnes sans leur accorder une compensation adéquate. Nous sensibilisons les personnes aux droits que leur confère la loi et les aidons à les faire valoir si nécessaire. Nous leur fournissons les outils nécessaires pour qu’ils apprennent à connaître leurs droits tels qu’ils sont définis par le droit international et le droit rwandais.
Quel lien entretenez-vous avec le mouvement international pour le climat ?
De nombreux militants, dont je fais partie, entretiennent des liens personnels avec des organisations internationales et avec leurs pairs dans le monde entier. Mais aussi au niveau organisationnel, nous essayons d’entrer en contact avec d’autres groupes qui ont une mission similaire à la nôtre et de participer à des réseaux et coalitions sur le climat et l’environnement. Le REAO est membre du Rwanda Climate Change and Development Network, une association nationale d’organisations environnementales. Au niveau international, nous travaillons en réseau avec d’autres organisations impliquées dans la protection et l’atténuation du changement climatique, et avons collaboré avec l’Union internationale pour la conservation de la nature et le Programme des Nations unies pour le développement, entre autres.
Dans quelle mesure espérez-vous que la COP26 fera des progrès en matière d’atténuation du changement climatique ?
Nous saluons tous les efforts internationaux visant à prendre des décisions coordonnées pour protéger l’environnement et améliorer le bien-être des communautés, et nous espérons que la COP26 débouchera sur des actions concrètes pour lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement. Au niveau du discours, bien sûr, tout ce que les dirigeants des pays disent sur la scène mondiale est exactement ce que nous voulons entendre ; rien de tout cela ne va à l’encontre de notre mission, de notre vision et de nos valeurs. Nous espérons qu’à la COP26, ces paroles se traduiront par des engagements qui entraîneront un changement positif dans le comportement de leurs pays en matière de climat.
Quel changement voudriez-vous voir - dans le monde ou dans votre communauté - pour aider à résoudre la crise climatique ?
Au niveau mondial, nous voulons que les plus gros pollueurs agissent pour réduire considérablement leurs émissions. Des pays comme la Chine, l’Inde, les États-Unis et d’autres doivent prendre des décisions claires et agir sur le changement climatique, ou nous subirons tous les conséquences de leur inaction. Nous attendons des grands pollueurs qu’ils assument le coût des solutions pour le climat et que la facture soit réglée.
Au niveau local, nous espérons que les conditions de vie des communautés défavorisées s’amélioreront et s’adapteront au changement climatique avec le soutien de politiques publiques appropriées et de financements gouvernementaux.
L’espace civique auRwanda est classé « réprimé »par leCIVICUS Monitor.
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