RDC : « Défendre l’environnement, c’est devenir la cible des politiciens et des hommes d’affaires »
CIVICUS échange sur les espoirs et les rôles de la société civile lors du prochain sommet climatique COP28 avec Guillaume Kalonji, jeune activiste climatique et fondateur de Rise Up Movement DRC.
Rise Up Movement DRC est un mouvement citoyen fondé et dirigé par des jeunes en République démocratique du Congo (RDC), visant à aider les communautés à lutter contre le changement climatique et à s’adapter à ses effets. Le mouvement amplifie les voix et les expériences des jeunes activistes du Sud global, fournit une éducation climatique dans les écoles et les communautés et promeut l’utilisation durable des terres ainsi que le développement et l’utilisation des énergies renouvelables.
Pourquoi êtes-vous devenu un activiste climatique ?
J’ai obtenu un diplôme en biologie générale et j’ai suivi une formation d’enseignant. J’ai vite compris que je ne pourrais pas exercer mes compétences en biologie sur une planète morte, ni enseigner quoi que ce soit à des personnes affamées.
La RDC est un pays en proie à la guerre, surtout dans la région orientale. Elle connaît également une grave crise économique et alimentaire. Les gens ont faim et passent une grande partie de leur temps à chercher de quoi manger. Ils n’ont donc pas le temps de penser au climat, même s’ils sont gravement touchés par les effets du changement climatique causé par les pays du Nord. Une grande partie de leurs souffrances est liée au climat.
J’ai donc décidé de commencer ce processus d’organisation et de mobilisation contre le changement climatique. Je me suis rendu compte que je devais être prêt à agir à tous les niveaux, tant dans ma communauté locale comme dans les forums internationaux. C’est pour cette raison que j’ai appris l’anglais - ma langue maternelle est le français - en moins d’un an, étant donné que les sommets de la COP sur le climat et les autres grandes conférences internationales sur le climat se tiennent en anglais.
Sur quelles questions environnementales travaillez-vous ?
En réalisant que tant de gens ne sont pas conscients des causes profondes des problèmes auxquels ils sont confrontés, j’ai commencé à me concentrer sur l’éducation relative au changement climatique. Je me rends dans des écoles et des universités pour sensibiliser les jeunes, dans l’espoir qu’ils se joindront à moi d’une manière ou d’une autre pour demander à ceux qui ont provoqué le changement climatique de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, de cesser de nuire au climat et de payer des réparations pour les dommages qu’ils ont déjà causés.
La RDC est une victime directe du dérèglement des saisons et du cycle des pluies qui caractérise le changement climatique. Cela est à l’origine de la baisse de la production agricole, source majeure de l’insécurité alimentaire qui touche aujourd’hui plus de 25 millions de Congolais.
En outre, j’accueille le projet Vash Green School, qui installe des fourneaux de cuisine propres dans les écoles afin de réduire la déforestation causée par l’utilisation excessive du bois comme source d’énergie et d’améliorer les conditions de cuisson dans les écoles.
Avez-vous fait l’objet de restrictions ou de représailles en raison de votre travail ?
En RDC, et plus généralement dans la plupart des pays d’Afrique, défendre l’environnement, c’est devenir la cible de certains politiciens et hommes d’affaires, car nous remettons en cause leurs intérêts. Derrière chaque hectare de forêt abattu illégalement par des entreprises chinoises ou européennes se cache un politicien congolais. Lorsque j’ai commencé à militer, j’ai reçu des messages menaçants m’avertissant de ne pas chercher des ennuis en me mêlant des politiciens. Des amis et des membres de ma famille élargie ont exercé une forte pression sur moi lorsque j’ai commencé à protester contre l’exploitation pétrolière dans la forêt tropicale congolaise. Mais je ne peux pas arrêter de défendre l’environnement, car je pense que si je reste silencieux face à un crime, je deviendrais complice.
Comment vous situez-vous par rapport au mouvement climatique mondial ?
Cela n’a pas été facile, mais ça s’est fait assez rapidement. Quand j’ai compris qu’il existait une possibilité réelle d’exprimer sa révolte contre le changement climatique et la destruction de la nature, j’ai voulu faire entendre ma voix. Le problème, c’est que lorsque je m’exprimais en français, ma voix n’allait pas loin, elle restait à proximité, ne faisant que créer de l’insécurité pour moi et pour les autres.
Mais grâce à Twitter, j’ai découvert l’équipe du mouvement ougandais Rise up, dirigée par Vanessa Nakate, qui est devenue mon amie. Elle est très active en Afrique et dans le monde entier. Afin de les rejoindre et de défendre les intérêts du peuple congolais, j’ai décidé d’apprendre l’anglais - et grâce aux bonnes motivations, j’ai pu le faire très rapidement. J’ai téléchargé les discours de Vanessa et je les ai écoutés tous les jours, ce qui m’a permis d’en apprendre davantage sur le changement climatique en même temps que j’apprenais l’anglais. Plus je tweetais en anglais, plus j’avais de followers et de nouveaux contacts. Aujourd’hui, j’ai plus de 3.000 followers et des contacts sur tous les continents. Je suis en train de réussir à devenir la voix des Africains francophones qui demandent de l’aide pour s’adapter aux effets du changement climatique.
Quelles sont les questions prioritaires que vous souhaitez voir abordées lors de la COP28 ?
La COP28 doit être l’occasion de prendre une décision claire sur les combustibles fossiles dans le monde entier, car c’est la principale cause du changement climatique que nous connaissons. Dans mon pays, la forêt tropicale est en danger imminent. Elle va être sacrifiée au profit de l’exploitation pétrolière, en choisissant d’ignorer que cette forêt stocke un niveau de CO2 équivalent à plus de 10 ans d’émissions mondiales.
L’abandon progressif des combustibles fossiles doit s’accompagner de dispositions prévoyant une transition équitable, de sorte que les coûts ne retombent pas sur ceux qui ont le moins contribué au problème dans lequel nous nous trouvons.
La COP28 devrait également revenir sur la question des pertes et dommages, en décidant de faire payer ceux qui ont le plus pollué, aujourd’hui et non dans le futur, afin que les pays victimes puissent survivre.
Une autre grande question qui devrait être abordée est celle de la migration. Les personnes qui réagissent aux catastrophes climatiques en empruntant la voie de la migration doivent retrouver leur droit à la vie, qu’elles n’ont pas actuellement dans les faits. Les pays du Nord ont transformé la Méditerranée et le désert tunisien en cimetières où ils enterrent les migrants par milliers.
Parce que ces questions doivent être traitées de toute urgence, il est essentiel d’impliquer la société civile dans la COP28. La société civile est composée de membres des communautés oubliées, les vraies victimes du changement climatique. Une COP à laquelle seuls les présidents et les ministres sont invités ne fonctionnera pas, car ceux-ci pourront faire face à la hausse des températures en allumant leurs climatiseurs et en important de la nourriture en cas de pénurie locale, tandis que les gens ordinaires meurent de faim parce que leurs terres ne reçoivent pas de pluie. Seules les victimes peuvent présenter la réalité du changement climatique et expliquer comment cela se manifeste réellement dans leurs communautés.
L’espace civique en RDC est classé « réprimé » par le CIVICUS Monitor.
Contactez Rise Up Movement DRC par email et suivez @Guillaume0905Kl et @RiseUpMovt_DRC1 sur Twitter.