Il ne peut y avoir de développement durable sans respect des droits humains

Communiqué de presse - Il ne peut y avoir de développement durable sans respect des droits humains

  • La société civile mondiale appelle les gouvernements à placer les droits humains au cœur des questions de développement
  • Les États qui n'établissent pas de liens entre le développement durable et la législation visant à restreindre la société civile vont à l'encontre de l'esprit de l'Agenda 2030.
  • Les gouvernements doivent ouvrir des voies de communication avec les groupes de la société civile pour en faire un partenaire équitable dans la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable.

Les groupes de la société civile à travers le monde apportent des contributions significatives au développement et les Objectifs de Développement Durable ne peuvent être pleinement atteints si les attaques contre la société civile et les défenseurs des droits humains se poursuivent.

Tel est le franc message des représentants des organisations de la société civile du monde entier. En mai 2019, plus de 60 représentants de la société civile de 25 pays se sont réunis à Johannesburg, en Afrique du Sud, pour discuter des répercussions sur le développement durable des restrictions de la liberté de réunion et d'association. Les réflexions issues de la réunion de Johannesburg résonnent avec celles de beaucoup d'autres de par le monde.

En prévision du Forum politique de haut niveau (HLPF) - la plateforme centrale des Nations Unies pour le suivi et l'examen de l'Agenda 2030 pour le développement durable et des Objectifs de Développement Durable (ODD) - qui se tiendra du 9 au 18 juillet à New York, les représentants de la société civile soussignés appellent les gouvernements à placer les droits humains au cœur des questions de développement.

Le HLPF 2019 a lieu à un moment où les attaques contre les représentants de la société civile ont atteint des proportions alarmantes. Les rapports révèlent que la société civile fait l'objet de graves attaques dans 111 pays, y compris dans ceux qui présenteront les progrès réalisés en ce qui concerne les Objectifs du Millénaire pour le Développement, dans le cadre de l'examen national volontaire (VNR), avec une recrudescence de cas de meurtres de défenseurs des droits humains qui exercent leur droit à se réunir et à se rassembler de manière pacifique.

En examinant la relation entre la liberté de réunion et d'association, le développement socio-économique et les droits humains, les participants à la réunion de Johannesburg ont exprimé leur vive préoccupation face aux attaques qu'ils subissent régulièrement de la part d'acteurs étatiques et non étatiques, et face au degré élevé d'impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes.

En tant que représentants de la société civile, nous notons avec inquiétude que nos gouvernements font une distinction entre les droits humains et le développement - considérant souvent les militants et les dirigeants communautaires qui s'engagent dans des activités en faveur des droits humains comme inutilement perturbateurs et éloignés des questions de développement. En effet, les autorités les ont accusés d'avoir des tendances anti-développement alors que les acteurs de la société civile ont un intérêt dans le progrès sociétal et sont des partenaires pour le développement à part entière.

Ce décalage signifie souvent que les gouvernements exercent un trop grand contrôle sur les Objectifs de Développement Durable, qu'ils sont en connivence avec les acteurs non étatiques, y compris les entreprises privées, pour mettre en œuvre leur stratégie privilégiée pour la réalisation de ces objectifs, et qu'ils ignorent souvent les avis de la société civile lors du lancement des projets de développement. Alors que la plupart des défenseurs des droits humains sont ciblés pour leurs campagnes, ceux qui défendent les droits fonciers, environnementaux et autochtones sont les plus ciblés et donc les plus susceptibles d'être réduits au silence.

En amont du HLPF, deux défenseurs des droits humains - Ryan Hubilla et Nelly Bagasala du groupe de défense des droits humains philippin Karapatan - ont été brutalement tués pour leur travail. Avant les meurtres, le personnel de Karapatan avait été surveillé par des militaires et des policiers.

Le HLPF analysera six des ODD, notamment ceux qui visent à promouvoir la réduction des inégalités au sein des pays et entre eux, la lutte contre le changement climatique, une éducation inclusive, équitable et de qualité, et l'accès à la justice pour des institutions inclusives et responsables. Malheureusement, les questions qui doivent faire l'objet d'un examen sont au cœur des restrictions et des représailles constantes de la part des acteurs étatiques et non étatiques.

Pour la seule année 2019, des manifestations pacifiques contre l'augmentation du coût de la vie et les inégalités croissantes ont été violemment réprimées au Soudan, au Zimbabwe, au Nicaragua et au Venezuela ; des manifestations d'étudiants ont été empêchées au Libéria; des manifestations contre des processus judiciaires viciés ont été réprimées de manière violente au Cameroun. En Russie, le 12 juin 2019, 530 manifestants ont été arrêtés et détenus après avoir demandé des comptes à la suite de l'arrestation arbitraire, de la détention et de la libération du journaliste Ivan Golunov.

En Amérique latine et dans les Caraïbes, les attaques, le harcèlement et la persécution des défenseurs des droits environnementaux ont connu une recrudescence. En Colombie, par exemple, les forces paramilitaires continuent de cibler les militants qui travaillent dans les domaines de la terre, de l'environnement et des droits des autochtones et certains, comme Robinson López, ont été tués. Ce ne sont là que quelques-uns des exemples du véritable malaise politique que l'on observe dans de nombreuses régions du monde, et qui a des conséquences très graves pour les personnes concernées.

Les États ont souvent une vision étroite du développement lorsqu'ils le considèrent comme la construction d'infrastructures et l'exploitation des ressources naturelles. Ils ciblent donc particulièrement ceux qui expriment des préoccupations quant à l'absence de consultation communautaire sur les projets d'infrastructure ou à l'impact sur l'environnement lorsque les entreprises font passer les profits avant les intérêts des communautés en exploitant les ressources naturelles. Les gouvernements n'établissent pas non plus de liens entre le développement durable et l'utilisation de lois restrictives pour saper le travail de la société civile, de différentes manières antidémocratiques.

Le Forum de Haut Niveau sur les Politiques de Développement est l'occasion d'inverser ces tendances, car il met en lumière la complémentarité et l'interdépendance entre les partenaires de développement. Son thème de 2019 "Autonomiser les personnes et assurer l'inclusion et l'égalité" réaffirme le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives (CBDR-RC) à un moment où il est clair que les gouvernements ne peuvent réaliser seuls les ODD. Nous devons donc insister sur le fait qu'il ne peut y avoir de développement significatif sans droits humains. Les groupes de la société civile travaillant sur différents domaines thématiques apportent des contributions significatives au développement et les ODD ne peuvent être pleinement réalisés si les attaques contre la société civile et les défenseurs des droits humains continuent en toute impunité. Les législateurs doivent comprendre que les défenseurs des droits humains ne sont pas des opposants au gouvernement, mais qu'ils soutiennent et font respecter les lois qui ne contreviennent pas aux droits humains.

Sept défenseurs des droits humains travaillant sur des questions telles que le développement économique, le développement communautaire, les initiatives de lutte contre la corruption et les droits des femmes et des filles vivent actuellement dans des conditions strictes de liberté sous caution au Zimbabwe, après avoir été arrêtés à leur retour des Maldives pour avoir participé à un atelier de renforcement des capacités.

La liberté de réunion et d'association est cruciale pour le travail de tous les groupes de la société civile, y compris les associations formelles et informelles, et permet à des personnes d'origines diverses de collaborer efficacement. Bien que les gouvernements changent parfois pour le mieux, et n'appliquent pas toujours pleinement les lois restrictives, il est essentiel que ces lois répressives soient modifiées pour garantir le plein exercice des droits fondamentaux à tout moment.

Compte tenu de ces restrictions, nous appelons les États à :

  • Amender, abroger et modifier les lois et règlements restrictifs qui visent la société civile et les libertés d'association et de réunion et veiller à ce que ces lois soient conformes aux normes internationales relatives aux droits humains;
  • Signer, ratifier ou adhérer à des accords qui protègent les défenseurs des droits humains et leur garantissent un environnement propice à l'exercice de leurs activités ;
  • Mettre fin à la pratique consistant à cibler les défenseurs des droits humains, les militants communautaires et autres représentants de la société civile, s'abstenir de leur attribuer de fausses étiquettes et veiller à ce que, comme tout autre citoyen, leurs droits soient respectés et protégés ;
  • Établir des voies de communication entre l'État et la société civile en ce qui concerne la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable afin que la société civile soit considérée comme un partenaire à part entière dans la réalisation des objectifs et traitée comme tel ;
  • Veiller à ce qu'à tous les niveaux, les droits humains soient au centre de toutes les initiatives de développement et garantissent des sociétés pacifiques et inclusives, l'accès à la justice et à des institutions responsables et la réduction des inégalités.

 

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