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NOUVELLE-CALÉDONIE : « Les élections législatives en France auront un impact sur notre avenir »
CIVICUS discute avec Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des Droits de l’Homme, desrécentes manifestations contre les changements électoraux imposés par le gouvernement français en Nouvelle-Calédonie.
En mai 2024, des manifestations ont éclaté en Nouvelle-Calédonie après l’adoption par le Parlement français d’une loi qui aurait permis à un plus grand nombre d’allochtones de voter. Le gouvernement français a présenté cette mesure comme une réforme démocratique, mais de nombreux Kanaks, qui représentent environ 40% de la population, ont vu s’éloigner les perspectives d’indépendance. Lorsque des affrontements entre manifestants indépendantistes et forces de l’ordre ont débouché sur des émeutes, les autorités françaises ont déclaré l’état d’urgence, déployé des troupes et interdit TikTok. Le gouvernement français a suspendu les changements électoraux, mais a récemment arrêté certains dirigeants indépendantistes, et la situation reste tendue.
Quel est le statut politique de la Nouvelle-Calédonie et comment cela affecte-t-il sa gouvernance ?
Les Accords de Matignon-Oudinot de 1988, l’Accord de Nouméa de 1998, et la loi organique de 1999 ont conféré à la Nouvelle-Calédonie un statut particulier au sein de la République française, transférant de nombreuses compétences à l’exception des compétences régaliennes -l’armée, la police, la justice et la monnaie- dans le cadre d’une « souveraineté partagée ». Un titre a été ajouté à la Constitution française concernant les « dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ».
Ce titre prévoyait un gel du corps électoral pour les trois référendums d’autodétermination et les élections provinciales, ces dernières déterminant la composition du Congrès qui élit le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Pour voter aux élections provinciales, il fallait être né avant 1998 et justifier de dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Les autres élections suivent les règles nationales françaises.
Qu’est-ce qui a déclenché les récentes manifestations ?
L’accord de Nouméa prévoyait un transfert progressif de souveraineté, ainsi que trois référendums d’autodétermination organisés en 2018, 2020 et 2021. La coalition indépendantiste, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), avait demandé le troisième référendum, mais a ensuite refusé la date en raison de la pandémie, qui a touché tardivement la Nouvelle-Calédonie. En 2021, de nombreuses familles étaient en deuil et la campagne électorale ne pouvait pas se tenir correctement en raison des restrictions.
Le gouvernement français a maintenu la date du référendum, que le FLNKS a appelé à boycotter. Cet appel a été largement suivi par les Kanaks, ce qui s’est traduit par un taux de participation de seulement 43,90%, contre 85,64% lors du deuxième référendum en 2020. Dans les îles Loyauté, la population, essentiellement kanake, s’est abstenue à 95,46%, et dans la province nord à 83,38%. Malgré cela, le gouvernement français a reconnu les résultats et a déclaré l’Accord de Nouméa caduc, incitant les responsables politiques locaux à trouver un nouvel accord, notamment sur le corps électoral.
En l’absence d’accord, le gouvernement a décidé de modifier le corps électoral par une réforme constitutionnelle, permettant à toute personne ayant dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie de voter aux élections provinciales. Cela a déclenché des tensions car le peuple Kanak, déjà minoritaire en raison de la colonisation et du boom du nickel des années 1970, voit cela comme une menace de dilution de leur représentativité dans les institutions et la fin du processus de décolonisation.
Depuis le référendum de 2021, l’Union calédonienne, membre du FLNKS, a créé la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), qui a organisé des manifestations contre cette réforme électorale. Le gouvernement français a ignoré nos alertes en cas de passage en force, et les manifestations ont dégénéré en barrages et en incendies à Nouméa, la capitale, et aux alentours, conduisant à un couvre-feu, l’état d’urgence, et le blocage de TikTok. L’armée a été déployée Des témoignages font état d’exactions des forces de l’ordre et de la formation de milices anti-kanaks.
Comment les dirigeants autochtones kanak ont-ils réagi ?
Les dirigeants kanaks ont appelé au calme, mais n’ont pas été écoutés, ni les coutumiers ou le président du gouvernement.
Le FLNKS a refusé de dialoguer avec les trois hauts fonctionnaires accompagnant le président français Emmanuel Macron lors de sa visite éclair, réclamant une résolution politique du conflit.
La présidente de la province Sud et l’un des ex-députés tiennent des propos enflammés sur le rattachement à la France. Un autre courant loyaliste, incarné par le second ex-député et la maire de Nouméa, prône le dialogue et la recherche d’un nouvel accord institutionnel. Certains indépendantistes sont favorables à un dialogue avec ce courant du parti loyaliste. Le parti Éveil océanien, représentant la communauté wallisienne et futunienne, juge le référendum de 2021 comme un « non-sens politique » et pourrait jouer un rôle dans une mission de dialogue si le gouvernement français adopte une position de neutralité, comme promis dans le préambule de l’Accord de Nouméa.
Comment la société civile promeut-elle la paix et la réconciliation en Nouvelle-Calédonie ?
La Ligue des Droits de l’Homme a contribué à la signature des Accords de Matignon, à un moment où la guerre civile avait fait plus de 90 morts. Toutefois, récemment, le ministre de l’Intérieur nous a critiqués et a ignoré nos avertissements. On espère que le prochain gouvernement écoutera les voix œuvrant pour la paix.
Jusqu’à présent, les troubles se sont essentiellement limités à Nouméa et aux communes avoisinantes, les provinces des Îles et du Nord étant peu affectées. Cela montre que le processus de paix a tissé des liens entre les communautés. En 2022, une statue symbolisant la poignée de main entre Jacques Lafleur (loyaliste) et Jean-Marie Tjibaou (indépendantiste) a été inaugurée sur la place de la Paix (Koo We Joka). Des femmes ont appelé à un rassemblement pour la paix sur cette place.
La société civile calédonienne, profondément attachée à ce pays, peut encore œuvrer à un destin commun si la France respecte ses engagements dans le processus de décolonisation acté par l’Accord de Nouméa.
La France doit mener des enquêtes impartiales pour rétablir la paix par des voies légales. Les responsables politiques indépendantistes et loyalistes doivent s’engager à reconstruire un destin commun et à lutter contre les inégalités sociales, causes profondes de la révolte des jeunes Kanaks.
La société civile doit influencer les élus pour œuvrer en ce sens et exiger une justice impartiale. La décision de transfert en détention provisoire des dirigeants de la CCAT en France, à plus de 17.000 km, au détriment de leur vie privée et familiale et des droits de la défense, a été suivie de nouvelles émeutes, y compris cette fois dans le Nord et dans une des îles Loyauté.
Les élections législatives en France auront un impact sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, et il est crucial que le dialogue et un accord pour un destin commun soient soutenus et recherchés.
Entrez en contact avec la Ligue des Droits de l’Homme via sonsite web et suivez@LDH_Fr et@nathalietehio sur Twitter.
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PÉROU : « Le débat constitutionnel a pris une nouvelle importance depuis les manifestations »
CIVICUS parle des récentes manifestations au Pérou avec Rafael Barrio de Mendoza, chercheur sur les processus de transformation territoriale du Grupo Propuesta Ciudadana, un consortium de dix organisations de la société civile présentes dans 16 régions du Pérou. Propuesta Ciudadana cherche à contribuer à la formulation de propositions politiques pour un État inclusif et la gestion adéquate des ressources publiques. L´organisation promeut une vision de la gouvernance territoriale qui commence par l'identification et le respect des diversités et se concentre sur le développement démocratique.
Quel a été le déclencheur des protestations qui ont éclaté au Pérou en novembre 2020 ?
La cause immédiate a été la décision d'une majorité parlementaire de destituer le président Martín Vizcarra, en utilisant un mécanisme rarement utilisé dans le passé et dont le contenu et le processus disposent d'une large marge d'appréciation. La publication des accusations contre Vizcarra s'est déroulée selon une séquence qui s’est révélée planifiée, et la sensation de son instrumentalisation par la soi-disant « coalition d'expulsion » a prédominé. Si la qualité des preuves des crimes qui auraient été commis contre Vizcarra pendant son mandat de gouverneur de la région de Moquegua il y a cinq ans suscite une certaine controverse, l'opinion publique s'accorde à dire que ces allégations auraient pu être poursuivies de manière crédible à la fin de son mandat présidentiel, d'autant plus que des élections générales étaient déjà prévues pour avril 2021.
Mais d'un point de vue plus structurel, la crise politique a été l'expression de la maturation d'une crise de la représentation politique, avec peu de liens organiques entre l'offre politique et les sensibilités citoyennes et un système de représentation politique précaire et cartellisé, dans lequel maintes intérêts illégaux, informels et oligopolistiques ont résisté aux générations successives de réformes - éducatives, judiciaires, fiscales et politiques, entre autres - qui cherchent à les réguler. Les révélations d'affaires de corruption impliquant une grande partie de l'establishment politique, comme l'affaire Lava Jato/Odebrecht et l'affaire des Cols blancs, qui ont mis au jour un vaste réseau de corruption dans le système judiciaire, ont servi à installer le consensus d'une détérioration générale de la gestion du public. Au même temps, l'efficacité relative des mesures fiscales à l'encontre des dirigeants politiques impliqués a nourri la perspective d'un nettoyage de la classe politique et la possibilité de cultiver une transition vers un meilleur système de représentation. Dans une certaine mesure, le lien populiste établi par Vizcarra avec cette sensibilité - scellé avec la dissolution constitutionnelle du précédent Congrès, dans lequel le parti de l'ancien président Alberto Fujimori était majoritaire - a été le facteur qui a soutenu son gouvernement, manquant de soutien parlementaire, commercial, médiatique ou syndical. La vacance de Vizcarra a été vécue comme la restitution de la constellation d'intérêts qui jusqu'alors avait régressé avec le travail fiscal et les réformes éducatives, politiques et judiciaires.
Comment décririez-vous le conflit institutionnel qui a conduit à la destitution et au remplacement du président ?
Le conflit institutionnel est né de la précarité d'un système politique caractérisé par un nouveau Congrès avec de multiples bancs mais aucun officiel et un président populaire mais sans soutien institutionnel, dont la légitimité a été soutenue dans la gestion polyvalente du débat public par une combinaison de gestes politiques, le recrutement de techniciens compétents à des postes clés et un exercice calculé d'antagonisme avec le Congrès sur des questions clés telles que les réformes éducatives, politiques et judiciaires.
La coalition majoritaire au Congrès a largement repris l'agenda des intérêts de la précédente majorité « Fujiapriste » - ainsi désignée par l'alliance tacite entre le parti Aprista et le courant politique fondé par l'ancien président Fujimori - à laquelle elle a ajouté de nouvelles revendications populistes qui mettent en péril la gestion budgétaire et macroéconomique autour de laquelle il y avait un consensus technocratique. Dans ce cadre, les acteurs qui ont survécu à la dissolution du précédent Congrès ont réussi à se réinstaller dans le nouveau et à mener, avec certains médias, une campagne qui visait à détériorer la popularité de Biscaye en lançant des accusations de corruption dans des affaires peu claires. Telles sont les dynamiques qui ont nourri le conflit institutionnel.
Pour sa part, la société civile a eu une réponse unifiée à la vacance de poste et au nouveau régime qui a été mis en place. Leur réponse allait de l'expression d'inquiétudes et de l'exigence de responsabilité à la condamnation ouverte de la mise en place de la nouvelle administration. Les manifestations et la répression massives auxquelles ils ont été confrontés ont alimenté cette transition dans une grande partie de la société civile. De nombreuses organisations de la société civile ont joué un rôle actif dans l'encadrement du conflit, la production d'un récit destiné à un public international et la pression exercée sur les acteurs publics avec lesquels elles interagissent.
Qui s'est mobilisé, et qu'ont-ils réclamé ?
Au début, les manifestants contestaient la vacance du poste de président Vizcarra et la prise de fonction du président du Congrès, Manuel Merino, comme nouveau président. Un sondage ultérieur réalisé par Ipsos a montré qu'un peu plus des trois quarts de la population était d'accord avec la manifestation contre la destitution du président Vizcarra, et qu'au moins deux millions de personnes se sont mobilisées d'une manière ou d'une autre ou ont pris une part active aux manifestations.
Les manifestations ont été principalement menées par des jeunes de 16 à 30 ans, qui ont constitué l'épine dorsale de l'organisation et ont généré les répertoires et les tactiques de manifestation. Le sentiment général de lassitude a été mobilisé par la génération dite « du bicentenaire », née après la fin du fujimorisme, originaire du numérique et, pour la plupart, mécontente de la politique conventionnelle. C'est aussi une génération mésocratique - tant dans les segments traditionnels de la classe moyenne que dans les secteurs populaires – qui participe à des communautés virtuelles médiatisées par des plateformes numériques. Cela explique en partie la rapidité avec laquelle apparaissent des architectures organisationnelles suffisamment efficaces pour produire des répertoires, coordonner des actions, documenter des manifestations et générer des mouvements d'opinion publique. La médiation des réseaux sociaux et l'utilisation des applications de microtransferts monétaires ont favorisé une organisation décentralisée de la contestation, avec de multiples manifestations dans différents lieux, des appels convergents différents, une diversité de répertoires et des canaux pour le transfert rapide de ressources.
La mobilisation menée par les jeunes a été alimentée par une classe moyenne prête à assumer le coût de la manifestation. Autour de ce noyau, d'autres secteurs de la population, plus ou moins habitués aux stratégies de manifestation conventionnelles, ou simplement éloignés de toute expression publique, se sont articulés sociologiquement et territorialement.
Les manifestations ont commencé le 9 novembre, se sont succédées de jour en jour et ont atteint leur apogée le 14 novembre, date de la deuxième marche nationale. La mobilisation massive de ce qu'on appelle le 14N a été alimentée par l'expression soudaine d'un sentiment de ras-le-bol qui a traversé la société et a été particulièrement intense chez les jeunes. D'où son caractère exceptionnel dû à son ampleur, sa portée et son organisation, ainsi qu'à la mise en place rapide d'une identité citoyenne non partisane, qui ne s'explique que partiellement par le soutien apporté à Vizcarra, puisqu'elle l'a dépassé.
Le 14N a culminé avec la mort de deux jeunes manifestants sous une grenaille de plomb. Merino avait pris le pouvoir le 10 novembre et avait formé un gouvernement radicalement conservateur. Le vrai visage de son cabinet a été rapidement révélé dans l'autorisation de la répression sévère de la manifestation, surtout à Lima, la capitale. Après les premiers jours de violence policière, le président du Conseil des ministres a félicité les brigades de police impliquées et leur a garanti une protection. La mort du 14N a déclenché une cascade de désaffection chez les quelques partisans politiques qui ont soutenu le régime en réponse à la pression écrasante des citoyens, et à midi le 15 novembre, Merino avait démissionné.
L'espace généré par la mobilisation a été peuplé d'un certain nombre de revendications hétérogènes, allant du rétablissement de Biscarrosse à la demande d'un changement constitutionnel qui cimenterait la sortie du néolibéralisme, en passant par des propositions plus clairement citoyennes axées sur la défense de la démocratie, la continuité des réformes, l'injustice de la répression et l'insensibilité de la classe politique à l'urgence sanitaire de la pandémie. Ces revendications demeurent ferventes, et il reste à voir comment elles finiront par prendre forme dans le scénario électoral de 2021.
En quoi ces manifestations diffèrent-elles des autres qui ont eu lieu dans le passé ? Y a-t-il eu des changements liés au contexte de la pandémie ?
Les mécanismes de coordination fournis par les réseaux sociaux avaient déjà été testés lors de précédentes mobilisations urbaines, mais ces manifestations avaient été menées par des acteurs conventionnels, tels que des mouvements sociaux, des partis politiques et des syndicats. À cette occasion, de nouveaux groupes d'activistes ont été formés, tels que les brigades de gaz lacrymogènes et de secours médical, à l'instar des techniques de mobilisation testées dans d'autres contextes, comme les manifestations de Hong Kong et les manifestations du Black Lives Matter aux États-Unis. Cela témoigne de l'émergence d'espaces d'apprentissage de la manifestation au niveau mondial.
C'est en partie l'urgence sanitaire qui a conditionné la composition des manifestations, majoritairement composées de jeunes, tout en favorisant, chez les plus réticents à sortir à la rue, la diffusion de nouveaux répertoires, tels que les « cacerolazos » (casserolades), « bocinazos » (klaxons) et l'activisme numérique. En même temps, la nature massive des protestations peut s'expliquer par le fait que les indicateurs de santé de l'époque suggéraient l'arrêt de la première vague de COVID-19, et par le fait que les manifestations de Black Lives Matter n'avaient été liées à aucun cluster épidémique constatable, ce qui a encouragé un sentiment de sécurité pour les marches.
Pourquoi les manifestants ont-ils fini par exiger une réforme constitutionnelle ? Quel type de réforme constitutionnelle demandent-ils ?
Les propositions de modifications constitutionnelles faisaient partie des revendications de la mobilisation, mais elles n'ont pas fini par en être les principaux protagonistes. En tout état de cause, ils ont pris un nouvel élan dans le débat public. La généalogie de ces demandes peut être pensée de deux manières. Le changement constitutionnel par le biais d'une assemblée constituante est l'une des principales revendications de la gauche depuis la fin du fujimorisme. Immédiatement après la chute du régime de Fujimori (1990-2001), un Congrès a été convoqué avec un mandat constitutif incapable de produire un nouveau texte constitutionnel, et depuis lors, cette aspiration a fini par habiter le champ du progressisme, perdant du terrain parmi les autres acteurs centristes et de droite. La gauche revendique souvent la mythique Constitution de 1979 comme une alternative, propose un nouveau texte inspiré des processus bolivien et équatorien, et pointe le caractère illégitime de la Constitution actuelle, née après un coup d'État. La croissance économique soutenue des décennies post-Fujimori et les réformes spécifiques de certains mécanismes constitutionnels ont donné une légitimité à la Constitution, mais nombre des institutions et des principes qu'elle consacre ont été épuisés par les changements sociologiques et économiques qu'ils ont contribué à provoquer.
Le deuxième aspect provient d'une demande plus organique suite à la prise de conscience des limites du modèle de marché, évidente surtout dans la persistance de l'absence de protection sociale, du travail précaire et informel et des abus des oligopoles dans la prestation de services, ainsi que dans la crise du système de représentation politique. Vizcarra a inauguré une étape réformiste dans les domaines judiciaire et politique, ainsi que dans les cadres juridiques régissant les secteurs extractifs et le système de retraite. Elle a également donné une continuité à la réforme de l'éducation. L'esprit réformiste - considéré par les secteurs modérés comme la voie d'une transition « responsable » - a été attaqué par la lutte politique alimentée par les secteurs concernés, créant un espace pour que les aspirations à la réforme commencent à être prêchées dans le langage du changement constitutionnel.
Cependant, ce débat a pris une nouvelle importance depuis les protestations du 14 novembre, et les termes de la conversation, le contenu des changements les plus significatifs et, surtout, l'offre d'acteurs politiques mûrs capables de les interpréter et de les mettre en œuvre, ne sont toujours pas clairs. Le danger réside dans le fait que, dans un contexte de forte indétermination, le processus finit par être défini par des acteurs dont les motivations ne participent pas à l'esprit du changement.
L'espace civique au Pérou est décrit comme « obstrué » par leCIVICUS Monitor.
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RDC : « La mission de maintien de la paix des Nations Unies a échoué »
CIVICUS échange avec les activistes sociaux Espoir Ngalukiye et Sankara Bin Kartumwa à propos des manifestations en cours contre la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).
Espoir et Sankara sont membres de LUCHA (Lutte Pour Le Changement), une organisation de la société civile (OSC) qui défend la dignité humaine et la justice sociale en RDC, et qui a joué un rôle dans les manifestations pacifiques contre la MONUSCO.
Qu’est-ce qui a déclenché les manifestations anti-MONUSCO ?
La région de l’est de la RDC est confrontée à des problèmes de sécurité depuis plus de trois décennies. Les gens réclament le départ de la MONUSCO car sa stratégie de maintien de la paix a échoué.
La MONUSCO a été déployée pour restaurer la paix en RDC. A ce titre elle devait protéger les civils, faciliter des processus électoraux sûrs, et lutter contre les groupes rebelles. Mais elle est présente dans le pays depuis près de 20 ans et tout le contraire s’est produit : le nombre de groupes armés a augmenté, les gens continuent de vivre dans des conditions dangereuses et, malgré sa présence, des vies innocentes sont encore perdues.
La mission de maintien de la paix avait pour mission d’empêcher tout cela, mais elle a manqué de diligence et s’est avéré inutile. À l’heure actuelle, les niveaux de violence extrêmement élevés poussent de nombreuses personnes à migrer en quête de sécurité. Ce seul fait suffit à prouver que la mission de maintien de la paix a échoué.
De nombreuses personnes dans les communautés locales n’ont pas de bonnes relations avec la MONUSCO parce qu’elles pensent que la mission n’a pas assumé son rôle de protection. Le manque de confiance des civils, à son tour, rend difficile l’exécution du mandat de la MONUSCO. Mais si elle était efficace, les gens ne l’opposeraient pas par le biais de manifestations.
Comment les autorités ont-elles répondu aux demandes des manifestants ?
La réponse immédiate a été la violence, tant de la part de la MONUSCO comme des autorités congolaises. Nous avons vu des personnes blessées et tuées simplement parce qu’elles faisaient partie des manifestations. Les gens sont en colère parce que les problèmes de sécurité durent depuis des années, et la MONUSCO aurait dû s’en douter : ce n’était qu’une question de temps avant que les gens ne commencent à exprimer leur colère envers la mission. La MONUSCO aurait dû trouver des moyens de gérer la situation sans que des personnes perdent la vie.
Quant aux autorités congolaises, elles ont procédé à des arrestations illégales. La plupart des personnes sont détenues dans de terribles conditions. Nous nous soucions de ce qu’elles obtiennent toutes justice. Nous ne voulons pas qu’elles soient torturées pour s’être battues pour leurs droits.
Le secrétaire général des Nations unies a condamné les violences et a demandé au gouvernement congolais de mener une enquête. Mais les demandes de départ de la MONUSCO n’ont pas été adressées, et les manifestants affirment qu’ils ne cesseront pas de manifester jusqu’au départ de la MONUSCO.
Malheureusement, les autorités congolaises n’ont pas non plus répondu à nos préoccupations. Étant donné qu’elles sont élues et payées pour nous protéger, c’est à elles que nous nous adresserons prochainement. Si elles ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités elles seront tenues redevables. Elles doivent joindre leur voix à la nôtre et demander à la MONUSCO de partir.
Que fait la société civile en général, et la LUCHA en particulier, pour contribuer à l’amélioration de la situation ?
La LUCHA est une OSC qui plaide pour le changement de manière non violente. Nous avons essayé de montrer qu’il est possible de plaider pour le changement sans recourir à la violence. Nos membres ont participé à des manifestations contre la MONUSCO, que nous estimons légitimes et constitutionnelles, et nous exigeons donc également la non-violence et le respect de la loi de la part du gouvernement. Notre pays a une histoire violente, et nous voudrions changer cette trajectoire.
Nous sommes une organisation dirigée par des jeunes qui ont connu la guerre et les conflits et qui veulent voir naitre une société meilleure, ainsi qu’un meilleur avenir pour tous. Nous luttons pour les Congolais et leur accès aux besoins fondamentaux, à commencer par leur droit à un environnement sûr. Nous avons des membres sur le terrain, dans les zones où se déroulent les manifestations, et leur rôle est de surveiller la situation et d’informer sur les événements qui se déroulent.
LUCHA utilise ses réseaux sociaux pour informer les gens en RDC et à l’étranger sur la situation et son impact sur tant de vies innocentes. Nous espérons que cela créera une prise de conscience et poussera les autorités à répondre à nos demandes.
Nos observateurs sur le terrain veillent également à ce que les manifestants ne recourent pas à la violence, mais cela s’est avéré difficile car la plupart des gens sont fatigués et, à ce stade, ils sont prêts à faire tout ce qu’il faut pour obtenir le départ de la MONUSCO, même si cela implique l’usage de la violence.
Que devrait faire la communauté internationale ?
La communauté internationale a été hypocrite et a toujours donné la priorité à leurs propres besoins. Il est regrettable que les événements récents se produisent dans une région de notre pays riche en minerais. De nombreuses personnes puissantes y ont des intérêts et sont prêtes à faire n’importe quoi pour s’assurer qu’ils soient protégés. C’est pour cette raison que si peu de pays se soulèvent contre ce qui se passe.
La géographie nous place également dans une situation désavantageuse. Peut-être que si nous étions en Ukraine, nos voix auraient compté, mais nous sommes en RDC et les acteurs internationaux ne s’intéressent qu’à nos ressources et non à notre peuple. Mais les personnes tuées en RDC sont des êtres humains qui ont des familles, des vies et des rêves, tout comme ceux tués en Ukraine.
La communauté internationale doit comprendre que nous avons besoin de paix et de sécurité, et que la MONUSCO n’a pas tenu ses promesses et doit quitter notre pays. Elle doit écouter la voix du peuple qui est souverain. Écouter le peuple sera le seul moyen de mettre fin aux manifestations. Essayer de les arrêter d’une autre manière conduira à plus de violence et plus de morts.
L’espace civique en RDC est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.
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RDC : « La société civile est ciblée par certains politiciens qui trouvent en elle un obstacle à leur pouvoir »
CIVICUS échange sur la récente élection présidentielle en République Démocratique du Congo (RDC) avec le journaliste et activiste des droits humains Jonathan Magoma.
Jonathan Magoma est le Directeur des Programmes Pays et Directeur Exécutif ad intérim de Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI), une organisation de la société civile qui œuvre pour la paix et la protection des défenseurs des droits humains en RDC et dans la région.
Dans quelle mesure les récentes élections en RDC ont-elles été libres et équitables ?
L’élection présidentielle du 20 décembre 2023 a été organisée pour montrer à la face du monde que le pouvoir en place l’organisait dans le délai constitutionnel, mais a été émaillée de fraudes et d’irrégularités.
Le processus électoral n’a pas été libre et moins encore équitable. Dans plusieurs circonscriptions, les groupes rebelles ont imposé leurs choix. Dans la province de l’Ituri, au Nord-Est du pays, le groupe armé Chini ya Tuna a contraint la population de voter pour un candidat de leur communauté. Les milices ont même ravi deux machines à voter pour procéder, eux-mêmes, au vote.
Vers le centre du pays, dans la province du Sankuru, le frère d’un dignitaire congolais a mis en place une milice pour perturber les élections et molester les agents de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), tout simplement parce qu’il n’a pas été aligné comme candidat député national quand son parti n’est pas parvenu à atteindre le seuil exigé. Ses hommes armés ont emporté des kits électoraux en toute quiétude, sous les regards impuissants des observateurs.
Par ailleurs, des candidats ont distribué des présents dans des centres de vote pour influencer le vote en leur faveur. Certains, et/ou leurs représentants, ont été attrapés en train de distribuer de l’argent aux électeurs le jour de vote, ce qui est illégal. Certains ont été interpelés par les éléments de l’ordre dans quelques centres, tandis que d’autres n’ont pas été inquiétés.
Dans la circonscription de Kabare, au Sud-Kivu, par exemple, des matériels électoraux, pour être remis au centre de vote, ont été transportés dans les véhicules d’un parti politique membre du présidium de l’Union Sacrée pour la Nation (USN), la coalition qui a porté la candidature du président Félix Tshisekedi. Voyant cela, les observateurs et les électeurs dans ce centre ont crié à la tricherie.
Sur quoi se fondent les allégations de fraude formulées par l’opposition ?
Les allégations de fraude formulées par l’opposition congolaise sont légitimes. Elles se fondent sur le fait que plusieurs politiciens proches du pouvoir ont eu dans leurs domiciles des kits électoraux complets pour y effectuer des votes de manière frauduleuse. Des machines à voter ont été découvertes dans des maisons de particuliers avec des bulletins de vote déjà signés et complétés. C’est ainsi que dans la plupart de centres de vote, il y a eu carence en machines à voter, conduisant la population dans certaines circonscriptions au soulèvement.
Le 31 décembre, la CENI avait rendu publics les résultats provisoires de l’élection présidentielle, proclamant ainsi Tshisekedi, candidat à sa propre succession, comme vainqueur. Mais cinq jours après cette publication, soit le 5 janvier, la CENI a procédé à l’invalidation des suffrages de 82 candidats députés ayant postulé aux législatives nationales, provinciales et à l’élection municipale du 20 décembre. Ces députés ont été invalidés après nombreuses accusations de détention illégale des machines à voter, fraudes, destruction du matériel électoral, bourrage des urnes et incitation à commettre des actes de violence contre les agents de la CENI. Parmi les invalidés figurent trois ministres en fonction, quatre gouverneurs de province, six sénateurs et un membre du bureau de l’Assemblée nationale. La quasi-totalité des personnes sur la liste étaient membres de l’USN.
La centrale électorale avait, à la même occasion, annoncé l’annulation des résultats des élections dans les circonscriptions de Masimanimba dans la province du Kwilu et de Yakoma dans la province du Nord-Ubangi pour « fraudes massives et exagérées ». Malheureusement, la décision a laissé intacte l’élection présidentielle hautement contestée. Mais comment ces irrégularités ont pu se produire seulement à d’autres niveaux des scrutins et non à l’élection présidentielle tenue le même jour et avec les mêmes bulletins de vote ?
Cette question a suscité du débat au sein de la société civile et, dans l’opposition politique, elle a suscité plusieurs manifestations pour contester ce « simulacre » d’élection et en exiger l’annulation. En vain : le 20 janvier, Tshisekedi a été investi Président de la RDC par « sa » Cour Constitutionnelle.
Comment la société civile, et PPI en particulier, a-t-elle tenté de rendre les élections libres, équitables et pacifiques ?
En période préélectorale, nous avons entamé des campagnes de sensibilisation pour promouvoir des élections apaisées. Nous avons tenu des actions de plaidoyer avec des parties prenantes aux élections, les amenant à adhérer aux valeurs démocratiques garantissant les élections équitables, libres, transparentes, inclusives et à la nécessité de garantir l’espace civique, avant, pendant et après les élections. Nous avons également formé des acteurs de la société civile et des journalistes sur l’observation électorale et la couverture médiatique des élections.
En outre, nous avons observé le déroulement des scrutins et contribué au rapport de la société civile qui en a résulté. Ce rapport n’a toutefois pas été pris en compte par les entités compétentes.
J’ai personnellement fait l’observation dans un village situé à environ 35 km au Nord de la ville de Bukavu, où les « observateurs en gilet » sont plus ou moins respectés et la plupart des agents de la CENI me connaissaient. Mais sans motif, il m’a été interdit de passer plus de 15 minutes dans un bureau de vote. Dans des centres environnants, les gens se sont plaints du manque d’accès aux bureaux de vote. Certains observateurs se sont également plaints. Dans mon bureau de vote, la machine à voter devait ouvrir à 6 heures du matin mais n’a été mise en marche qu’après midi, aux mécontentements des électeurs et électrices.
Enfin, nous continuons à suivre de près la situation et assistons les défenseurs des droits humains, les journalistes et d’autres personnes menacés ou poursuivis pour avoir joué un rôle important ou pour avoir dénoncé des irrégularités lors des élections. PPI assiste actuellement deux journalistes et un activiste de la société civile poursuivis en justice par le parquet général de la province du Sud-Kivu pour avoir dénoncé les fraudes électorales perpétrés par un politicien proche du pouvoir. Les activistes sous menaces bénéficient de l’assistance juridique et judiciaire de PPI, de l’accompagnement psychosocial et des conseils sur la sécurité physique et numérique. Le cas échéant, la prise en charge médicale ou l’assistance financière, voire la délocalisation, est offerte à l’activiste en danger.
Il sied de rappeler que nous sommes toujours en période électorale car les élections des sénateurs et des gouverneurs n’ont pas encore eu lieu. Initialement prévues en février, elles ont été reportées par la CENI et auront lieu fin mars et début avril. Pendant ce temps, les acteurs de la société civile continueront à être la cible de certains politiciens qui trouvent en eux un obstacle à leur pouvoir.
Quelles étaient les revendications des manifestants le jour des élections, et comment le gouvernement a-t-il répondu ?
Le 20 décembre, certains habitants de Beni et de Goma n’ont pas supporté l’attente. Arrivés tôt le matin aux bureaux de vote, ils n’ont pas retrouvé leurs noms sur les listes affichées à l’extérieur. De plus, certains bureaux de vote n’étaient pas ouverts. Dans certains centres, seuls deux bureaux de vote sur dix étaient ouverts, ou un sur huit. Des rumeurs ont circulé sur la possession illégale de machines à voter par certains candidats. Tout cela a donné lieu à des manifestations spontanées, notamment à Beni, où un centre a été vandalisé.
Dans plusieurs circonscriptions, le vote s’est poursuivi au-delà du délai prévu. Le gouvernement a reconnu des « difficultés logistiques » mais a loué la CENI pour l’organisation « réussie » des élections. Evidemment la CENI n’était pas prête à gérer la logistique des élections. Il a ensuite été annoncé que les électeurs pourraient voter le lendemain, et le vote a repris dans presque tous les centres du pays. Dans la province du Bas Uélé, il a duré trois jours, du 20 au 22 décembre.
Quelles sont vos attentes pour la période post-électorale ?
Je reste pessimiste car je suis convaincu que les élections n’ont pas été transparentes, libres, crédibles et indépendantes. En outre, moins de la moitié des électeurs potentiels se sont rendus aux urnes. C’est un message fort pour un président censé avoir été élu avec plus de 73% de ceux qui sont dits avoir voté.
Dans un tel contexte, la légitimité du pouvoir en place sera toujours remise en cause. D’ailleurs, l’ancien président de la CENI, Corneille Nanga, a initié en décembre un mouvement politico-militaire allié au mouvement terroriste M23, soutenu par le gouvernement du Rwanda et qui fait la guerre dans l’Est du pays.
En période post-électorale, il se passerait plutôt de violations graves des droits humains comme ça a été documenté au cours du premier quinquennat de Tshisekedi qui avait, pourtant, promis faire du respect des droits humains et de la démocratie son cheval de bataille.
Alors que la coalition au pouvoir s’est arrogée la majorité absolue des parlementaires, il est fort possible que pour son intérêt, cette majorité se mette à changer des lois, voire certains articles verrouillés de la constitution. Cela créerait le chaos et torpillerait la démocratie chèrement acquise.
Que faudrait-il faire pour renforcer la démocratie en RDC ?
Actuellement, l’espace civique est réprimé ou presque fermé en RDC. Les discours politiques se contredisent avec les actes sur terrain. Des opposants sont poursuivis et d’autres emprisonnés pour leurs opinions. Des manifestations sont réprimées de manière sanglante. Des journalistes tel que Stanis Bujakera, Blaise Mabala, Philémon Mutula et Rubenga Shasha et de nombreux activistes sont persécutés et jetés en prison pour avoir fait leur travail. Nous sommes intimidés et parfois menacés et même assassinés.
Pour espérer renforcer la démocratie en RDC, il va falloir appeler le gouvernement devant ses responsabilités et engagements internes et externes pris. Le quatrième cycle de l’Examen Périodique Universel au Conseil des droits de l’homme des Nations unies est une grande opportunité au cours de laquelle les dirigeants congolais doivent renouveler leur engagement en faveur de la démocratie et du respect des droits fondamentaux.
La société civile mondiale et la communauté des défenseurs des droits humains devront rester aux côtés des activistes congolais dans la quête de démocratie. Cela se passera par des actions conjointes de plaidoyer et de lobby ainsi que celles de renforcement des capacités et d’échanges d’expérience.
L’espace civique en RDC est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.
Contactez PPI sur sonsite web, et suivez@PPIREGIONALE et@JonathanMagoma sur Twitter.
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SÉNÉGAL : « Après avoir été un exemple de démocratie en Afrique, on tend de plus en plus vers l’autoritarisme »
CIVICUS échange avec Abdou Aziz Cissé, chargé de plaidoyer d’AfricTivistes, au sujet de la décision du Président Macky Sall de reporter l’élection présidentielle prévue le 25 février et de ses implications pour la démocratie au Sénégal.
AfricTivistes est une organisation de la société civile (OSC) panafricaine qui promeut et défend les valeurs démocratiques, les droits humains et la bonne gouvernance à travers la civic tech. Elle vise à autonomiser les citoyens africains afin qu’ils deviennent des acteurs actifs dans la construction de leurs sociétés et puissent demander des comptes à leurs gouvernements.
Pourquoi le Président Sall a-t-il reporté l’élection présidentielle du 25 février ?
Cette nouvelle crise au Sénégal est partie d’une allocution solennelle du président Sall le 3 février dernier, la veille du jour prévu pour le lancement de la campagne pour l’élection du 25 février, au cours de laquelle son successeur devait être élu. Il a abrogé le décret convoquant le corps électoral qui avait fixé l’élection présidentielle le 25 février.
Il a invoqué trois raisons : une supposée crise institutionnelle entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel concernant une présumée affaire de corruption de juges, la nécessité de mettre en place une commission parlementaire pour enquêter sur des suspicions d’irrégularités dans le processus de vérification des parrainages en vue de l’élection, et la révélation de la binationalité d’un des candidats retenus par le Conseil constitutionnel.
Il est à noter que Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade et candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS) ne figurait pas sur la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle annoncée le 20 janvier. Pour contester cette décision du Conseil Constitutionnel, les députés du PDS ont demandé la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour éclairer sur le processus de vérification des candidatures. Ils ont également accusé de corruption deux magistrats du Conseil constitutionnel. La mise en place de cette commission a été approuvée au parlement le 31 janvier.
Le 5 février, une proposition de loi visant à reporter l’élection présidentielle au 15 décembre a été adopté après l’évacuation des députés de l’opposition par des gendarmes à l’intérieur de l’hémicycle. Pour rappel, le 3 juillet 2023, après avoir renoncé à un troisième mandat, M. Sall avait promis de remettre le pouvoir le 2 avril à la suite d’élections libres, inclusives et transparentes.
Pourquoi cette décision a-t-elle été qualifiée de « coup d’État constitutionnel » ?
Cet acte du président a été décrit comme un coup d’État constitutionnel parce que le président ne peut pas interrompre un processus électoral déjà enclenché. En effet, le report d’une élection est une prérogative exclusive du Conseil constitutionnel.
La décision du président viole également d’autres articles de la Constitution, notamment l’article 27, qui prévoit un mandat présidentiel de cinq ans et une limitation à deux mandats consécutifs donc ne peut de lui-même proroger son mandat. Il y’a également l’article 103, qui dispose que « la forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ».
Je tiens à souligner que conformément à l’article 52 de la Constitution, le président peut interrompre le processus seulement « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate… ». Hors toutes les institutions de la république marchent de manière régulière. L’établissement d’une commission d’enquête parlementaire et le vote d’une proposition de loi en sont les preuves patentes.
En prenant cette décision illégale, M. Sall est devenu le premier président de l’histoire du Sénégal à ne pas organiser une élection présidentielle à date échue depuis 1963.
Quelle a été la réaction de la société civile ?
La réaction de la société civile a été spontanée. Plusieurs OSC dont AfricTivistes ont condamné cet acte antidémocratique soit par des communiqués ou des déclarations médiatiques. Les autres forces vives de la nation, comme les syndicats de tous les secteurs, ont aussi marqué leur désaccord.
Sur les réseaux sociaux, les citoyens ont aussi fait montre de leur indignation, internationalisant du coup leur colère face à la décision.
Le 4 février, 19 candidats ont tenu un point de presse pour réaffirmer leur volonté de faire campagne ensemble, rejoints par des membres de la société civile.
Une autre manifestation a été déclarée pour le 5 février, le jour du vote parlementaire, mais n’a pas pu se tenir car toutes les artères stratégiques menant à l’Assemblée nationale ont été quadrillées. Depuis juin 2023, les autorités administratives interdisent systématiquement les manifestations, même pacifiques.
La plateforme « Aar Sunu Election » (« Protégeons notre élection ») a rassemblé plus de 100 OSC rejetant le report de l’élection. Les pressions ont payé car le 15 février au soir, le Conseil constitutionnel a invalidé le décret présidentiel du 3 février et la loi votée par l’Assemblée nationale le 5 février.
Comment le gouvernement a-t-il réagi ?
Le gouvernement a commencé par réprimer les manifestations du 4 février, au lendemain de l’annonce du président et le jour où la campagne électorale était censée commencer. La censure a également été imposée ce jour-là, lorsque l’internet via les données mobiles a été coupé, selon le ministre de tutelle, pour arrêter « la diffusion de messages haineux et subversifs ». Les mêmes raisons ont été invoquées pour justifier les actes de censure au cyberespace en juin, juillet et août 2023. Les données mobiles ont été rétablies le 7 février, puis à nouveau restreintes le 13 février avec des plages horaires.
Les coupures d’Internet et autres formes de restrictions en ligne constituent des violations à la constitution et à plusieurs conventions internationales ratifiées par le Sénégal. Ce sont des violations de la liberté d’expression, de l’accès à l’information et des libertés économiques. Selon les syndicats des opérateurs télécoms sénégalais, la censure a causé des pertes s’élevant à 3 milliards de francs CFA (environ 4.9 millions de dollars).
En ce sens, AfricTivistes et deux journalistes sénégalais portent plainte contre l’Etat du Sénégal devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, l’organisation régionale, pour mettre fin aux coupures intempestives des données mobiles d’internet.
De plus, la suspension de la licence de la télévision Walfadjri, l’objet d’un acharnement de la part des autorités, a survenu en pleine couverture des protestations consécutives à l’annonce de l’annulation de l’élection. Leur signal a été rétabli le 11 février.
Le 9 février, un rassemblement pacifique appelé par les forces vives du Sénégal sur la Place de la Nation à Dakar a été dispersé dès le départ par la police. Les gens se sont mobilisés dans tout le pays, notamment à Saint-Louis, dans le nord. Les manifestants pacifiques ont été violemment réprimés avec un usage disproportionné de la force, faisant trois morts, plusieurs blessés, dont certains ne participaient pas à la manifestation, et plus de 200 arrestations
La presse a aussi été empêchée de couvrir les manifestations afin de fournir une information juste et vraie aux citoyens. Au même titre que les manifestants classiques, des journalistes, la plupart des femmes ont été gazés, arrêtés et brutalisés. Au moins 25 journalistes ont été attaqués, détenus ou aspergés de gaz lacrymogène lors des manifestations selon le Comité de Protection des Journalistes. La journaliste Absa Anne, du site d’informations générales Seneweb, a été traînée dans un véhicule de police et battue jusqu’à perdre connaissance, devenant le symbole de cette répression aveugle sur la presse ce jour-là.
La marche silencieuse déclarée par la plateforme « Protégeons notre élection » a été interdite le 13 février par l’autorité administrative. Toutefois celle du 17 février a été autorisée et a vu une participation massive des Sénégalais pour communier et jouir de leur liberté constitutionnelle longtemps confisquée. Cette communion nationale est la preuve que lorsqu’elles sont autorisées par l’autorité administrative, les manifestations se passent paisiblement.
Comment voyez-vous l’avenir de la démocratie au Sénégal ?
Après avoir été un exemple de démocratie et de stabilité politique en Afrique, avec des alternances démocratiques et pacifiques en 2000 et 2012, le Sénégal tend de plus en plus vers l’autoritarisme, symbolisé par la confiscation des droits et libertés fondamentaux.
Même si la libération depuis le 15 février de plus de 600 détenus politiques arrêtés pour des délits d’opinion ou appartenance à l’opposition participe de la décrispation du climat politique, la crise que vit le pays actuellement ne présage pas d’un avenir radieux pour la démocratie sénégalaise.
Mais je suis optimiste, car même si la classe politique est engagée dans une lutte acharnée pour le pouvoir, la société civile est forte et jouit d’une force de contestation considérable dans tous les secteurs de la vie sociale du pays. Sans oublier la nouvelle force de contestation qui a vu le jour avec l’avènement des technologies civiques. Les réseaux sociaux amplifient les voix citoyennes et leur donnent une dimension internationale, d’où les tentatives des autorités de faire taire les voix qui s’expriment à travers l’outil numérique.
Le Sénégal a aussi une justice et une administration qui ont toujours joué leur rôle de contre-pouvoir. Il faut aussi prendre en compte la non-linéarité de tout système démocratique. Comme tous les systèmes démocratiques, celui du Sénégal est à parfaire. Il a connu des avancées notables bien que des soubresauts comme ceux que nous vivons actuellement. Et il faut prendre en considération que c’est à partir des crises que les opportunités émergent.
Que devrait faire la communauté internationale pour contribuer à la résolution de cette crise ?
La résolution d’une crise politique interne est souvent complexe, La communauté internationale peut jouer un rôle important pour soutenir un processus démocratique transparent et équitable en envoyant des missions d’observation électorale.
Outre le soutien à la société civile, les partenaires internationaux peuvent aussi exercer une pression diplomatique, comme l’ont fait Antony Blinken, secrétaire d’État des États-Unis, Joseph Borell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui a demandé des enquêtes indépendantes pour faire la lumière sur les manifestants tues. Toutes ces bonnes volontés peuvent aussi contribuer à encourager un dialogue inclusif. Cela pourrait favoriser la recherche de solutions consensuelles.
La communauté internationale doit aussi condamner toute violence politique et rappeler l’importance du respect des droits humains fondamentaux comme la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté de manifestation.
Comment voyez-vous la situation de la démocratie en Afrique de l’Ouest, et comment AfricTivistes travaille-t-elle pour aider les activistes dans les pays touchés par des coups d’État ?
La démocratie a reculé dans la région au cours des trois dernières années. De 2020 à 2022, l’Afrique de l’Ouest a vécu cinq coups d’État dans un double contexte de terrorisme dans le Sahel et sur un fond de discours anti-impérialiste. La société civile joue un rôle crucial dans le façonnement de la démocratie, mais l’espace civique est étouffé dans les pays où les militaires ont pris le pouvoir.
Toutefois, chaque pays a ses propres dynamiques historiques et politiques. Les tendances démocratiques varient considérablement en fonction de facteurs historiques, culturels et socio-économiques. Les pays qui ont réussi à mettre en œuvre des réformes institutionnelles pour lutter contre la corruption ont généralement vu la qualité de leur démocratie s’améliorer, comme le montre le Cap-Vert, champion de la bonne gouvernance en Afrique de l’Ouest.
Plusieurs pays ont maintenu une stabilité politique relative, comme le Sénégal avant les derniers développements. Le dernier pays à avoir organisé une élection présidentielle c’est la Côte d’Ivoire, après des incidents post électorales et la violation de la constitution ivoirienne, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels.
Forte d’une large communauté qui nous permet d’internationaliser nos plaidoyers, AfricTivistes apporte du soutien moral aux militants prodémocratie en publiant des communiqués pour rappeler l’illégalité de leur arrestation et leur censure.
Nous leur apportons aussi un soutien technique afin qu’ils puissent contourner les censures auxquelles ils font face dans leur pays. À ce jour, nous avons soutenu sept activistes pro démocratie et journalistes en danger.
L’espace civique au Sénégal est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.
Contactez AfricTivistes sur sonsite web ou sa pageFacebook, et suivez@afric_tivistes et@frican_excellency sur Instagram et@AFRICTIVISTES et@AbdouJCisse sur Twitter.
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SÉNÉGAL : « La restriction de l’espace civique demeure la plus grande préoccupation de la société civile »
CIVICUS échange avec Malick Ndome, conseiller sénior en politique et membre du conseil d’administration au Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement (CONGAD), sur les récentes élections au Sénégal.
La CONGAD a été fondée en 1982 par des organisations de la société civile (OSC) travaillant au Sénégal pour coordonner les relations avec l’État et d’autres partenaires. La CONGAD offre des formations pour les OSC, les autorités locales et les médias. Il plaide également en faveur d’une société civile plus forte, capable d’influencer les politiques publiques.
Quelle est l’importance de la victoire du candidat de l’opposition Bassirou Diomaye Faye lors de la récente élection présidentielle ?
La victoire de M. Faye au premier tour était difficile à prévoir. Cependant, il est important de reconnaître l’impact de sa sortie de prison, ainsi que celle d’Ousmane Sonko, leader de son parti, les Patriotes du Sénégal (PASTEF), à peine dix jours avant l’élection.
M. Sonko avait été empêché de se présenter à la suite d’une condamnation controversée pour corruption de la jeunesse et diffamation en 2023. M. Faye a été désigné comme candidat à sa place, mais il a également été envoyé en prison pour avoir critiqué la décision du tribunal dans l’affaire Sonko. Leur libération a notablement galvanisé le soutien des sympathisants et des militants de PASTEF, et plus généralement des jeunes, qui ont apprécié leur message de changement et leur aura anti-corruption. En revanche, il semble que la coalition gouvernementale ait suscité un manque d’enthousiasme notable.
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SÉNÉGAL : « La situation devient plus tendue au fur et mesure qu’on s’approche des élections de 2024 »
CIVICUS échange sur la dégradation de l’espace civique à l’approche des élections sénégalaises de l'année prochaine avec Sadikh Niass, Secrétaire Général de laRencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme(RADDHO), etIba Sarr, Directeur des Programmes de la RADDHO.
La RADDHO est une organisation de la société civile (OSC) nationale basée à Dakar, Sénégal. Elle travaille pour la protection et la promotion des droits humains au niveau national, régional et international par le biais de la recherche, de l’analyse et du plaidoyer afin de fournir des alertes d’urgence et de prévenir les conflits.
Quelles sont les conditions pour la société civile au Sénégal ?
La société civile sénégalaise reste très active mais est confrontée à plusieurs difficultés liées à la restriction de l’espace civique. Elle subit beaucoup d’attaques verbales de la part de certaines lobbies proches du pouvoir qui les considèrent comme des opposants ou faisant la promotion de « contre valeurs » comme l’homosexualité. Elle est aussi confrontée aux restrictions de libertés de manifestations. La société civile travaille dans des conditions difficiles avec peu de moyens financiers et matériels. En effet les organisations de défense des droits humains ne reçoivent aucun soutien financier de l’Etat.
La situation devient plus tendue au fur et mesure qu’on s’approche des élections de février 2024. Depuis mars 2021, l’opposition la plus radicale et le gouvernement ont tous opté pour la confrontation. Le gouvernement tente d’affaiblir l’opposition en la réduisant au minimum. Il s’attaque particulièrement à l’opposition la plus dynamique, la coalition Yewi Askan Wi (« Libérer le peuple »), dont le principal leader, Ousmane Sonko, est aujourd’hui en détention.
Toutes les manifestations de l’opposition sont systématiquement interdites. Les manifestations spontanées sont violemment réprimées et se soldent par des arrestations. Le judiciaire est instrumentalisé pour empêcher la candidature du principal opposant au régime, Sonko, et les principaux dirigeants de son parti sont arrêtés.
Nous avons également assisté ces dernières années à une recrudescence des menaces verbales, physiques et judiciaires envers les journalistes, ce qui constitue un vrai recul du droit à l’information.
Quels seront les enjeux de l’élection présidentielle de 2024 ?
Avec la découverte du pétrole et du gaz, le Sénégal devient une destination attrayante pour les investisseurs. La gestion transparente de ces ressources reste un défi dans un contexte marqué par la recrudescence des actes terroristes. Les populations confrontées à la pauvreté voient en cette découverte un moyen d’améliorer leur niveau de vie. Avec la percée de l’opposition lors des élections locales et législatives de 2022 on sent que l’électorat exprime de plus en plus fortement son désir de transparence, de justice et d’amélioration des conditions socio-économiques.
Le 3 juillet 2023 le président sortant a déclaré qu’il ne participera pas aux prochaines élections. Cette déclaration pourrait constituer une lueur d’espoir d’une élection libre et transparente. Mais le fait que l’État soit tenté d’empêcher certains ténors de l’opposition d’y prendre part constitue un grand risque de voir le pays sombrer dans des turbulences.
La société civile reste alerte et veille à ce que l’élection de 2024 soit une élection inclusive, libre et transparente. A cet effet elle a beaucoup multiplié des actions en faveur du dialogue entre les acteurs politiques. Également les OSC s’activent à travers plusieurs plateformes pour accompagner les autorités dans l’organisation des élections apaisées par la supervision du processus avant, pendant et après le scrutin.
Qu’est-ce qui a déclenché les récentes manifestations ? Quelles sont les revendications des manifestants et comment le gouvernement a-t-il réagi ?
Les récentes manifestations ont été déclenchées par la condamnation de Sonko à deux ans de prison le 1er juin 2023. Ce jour-là, un tribunal s’est prononcé sur l’affaire dite « Sweet Beauty », dans laquelle une jeune femme employée dans un salon de massage accusait Sonko de l’avoir violée et d’avoir proféré des menaces de mort à son encontre. Sonko a été acquitté des menaces de mort, mais les accusations de viol ont été requalifiées en accusations de « corruption de la jeunesse ».
Est venu se greffer à cette condamnation l’arrestation de Sonko le 31 juillet 2023 et la dissolution de son parti politique, le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).
Les manifestations sont animées par le sentiment que leur leader fait l’objet de persécutions et que les affaires pour lesquelles il a été condamné ne servent qu’à l’empêcher de participer aux prochaines élections. La principale revendication des manifestant est la libération de leur leader et des personnes illégalement détenus.
Face aux manifestations le gouvernement a opté pour la répression. En effet les autorités considèrent qu’elles font face à des actes de défiance de l’Etat et ont appelé les forces de sécurité à faire usage de la force.
La répression s’est soldée par la mort de plus de 30 personnes et de plus 600 blessés depuis mars 2021, quand les premières repressions ont commencé. En plus de ces pertes en vies humaines et de blessés on dénombre aujourd’hui plus de 700 personnes arrêtées et croupissent dans les prisons du Sénégal. Nous avons aussi noté l’arrestation de journalistes mais aussi de coupure de signal de chaines de télévisions et de restriction de certaines d’internet.
Comment la société civile sénégalaise, y compris la RADDHO, travaille-t-elle à la défense des droits humains ?
La RADDHO travaille au niveau national en aidant les victimes de violations de droits humains, et mène des activités de sensibilisation, d’éducation aux droits humains et de renforcement de capacités.
La RADDHO collabore avec les mécanismes régionaux et internationaux, notamment la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, le Comité Africain des Experts sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. A cet effet elle mène plusieurs activités de vulgarisations des Instruments juridiques de protection et de promotion des droits humains. En tant que membre observateur de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, elle participe régulièrement aux forums de la société civile lors des sessions de celle-ci. Également la RADDHO coordonne la coalition des OSC pour le suivi et la mise en œuvre des recommandations de l’Examen Périodique Universel des Nations unies pour le Sénégal.
Quel soutien international la société civile sénégalaise reçoit-elle et de quel soutien supplémentaire aurait-elle besoin ?
Dans le cadre de leurs missions, les OSC sénégalaise reçoivent des appuis de la part d’institutions internationales telles que l’Union Européenne, les agences de coopération bilatérale des États-Unis et de la Suède, USAID et SIDA, et des organisations et fondations tels qu’Oxfam NOVIB des Pays Bays, le NED des États-Unis, la NID de l’Inde et la Fondation Ford, entre autres. Cependant, du fait que le Sénégal a longtemps été considéré comme un pays stable, l’appui reste insuffisant.
Compte tenu des restrictions de l’espace civique constatées depuis quelques années et de la crise politique, la société civile a besoin d’être soutenue pour mieux assister les victimes de violations de droits humains, pour contribuer à l’avènement d’une véritable culture des droits humains, et pour travailler à l’élargissement de l’espace civique et le renforcement de l’Etat de droit, de la démocratie et de la bonne gouvernance.
L’espace civique au Sénégal est classé « entravé » par leCIVICUS Monitor.
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THAILANDE : « Les jeunes remettent en question le fait que le gouvernement sape leurs droits et compromette leur avenir »
CIVICUS s’entretient avec la directrice exécutive d’Amnesty International Thaïlande, Piyanut Kotsan, sur le mouvement démocratique et la répression des manifestations en Thaïlande. Fondée à Bangkok en 1993, Amnesty International Thaïlande compte plus de 1 000 membres dans tout le pays. Son travail se concentre sur la promotion de la liberté d’expression en ligne et hors ligne, la liberté de réunion pacifique, l’éducation aux droits humains, le droit à l’avortement, les droits des migrants et des réfugiés, et la dénonciation de la torture, des disparitions forcées et de la peine de mort.
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TUNISIE : « La nouvelle Constitution confèrera au président des pouvoirs étendus et ouvrira les portes à de nouvelles violations »
CIVICUS échange sur le référendum constitutionnel du 25 juillet en Tunisie avec Amine Ghali, directeur du Centre de transition démocratique Al Kawakibi (KADEM).
KADEM est une organisation de la société civile (OSC) qui, à travers la sensibilisation, le renforcement des capacités et la documentation, promeut la participation de la société civile dans la démocratie et la justice transitionnelle tant en Tunisie comme plus largement dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Pourquoi le président Kais Saied organise-t-il un référendum constitutionnel le 25 juillet ?
Le changement ou la révision constitutionnelle relèvent du projet privé du président, qu’il n’a annoncé ni lors de sa candidature à la présidence en 2019 ni pendant ses deux premières années au pouvoir. Cela a commencé lorsque le président Saied a révoqué le premier ministre et dissout le Parlement en juillet 2021.
À cette époque, il n’avait même pas annoncé la révision constitutionnelle. Ce n’est qu’en mi-décembre que, sous pression internationale et locale, le président a dû énoncer un plan d’action. En son sein se trouvait une nouvelle Constitution.
Contrairement à la Constitution de 2014, qui reposait sur un consensus large, le processus menant à un référendum constitutionnel n’a pas obtenu le soutien du public. Lors d’une consultation en ligne organisée en début 2022 pour recueillir les avis sur la révision de la Constitution, seul environ le 30 % des interrogés la soutenait. Pourtant, le président a poursuivi le processus de révision constitutionnelle, avec une campagne de référendum encourageant les Tunisiens à voter « oui » pour « corriger le cours de la révolution ».
Dans quelle mesure la société civile a-t-elle participé au processus menant au référendum ?
La société civile a vécu des moments sans précédent ces derniers mois. En ce qui concerne sa position sur la question, elle s’est généralement montrée silencieuse ou favorable.
En juillet 2021, au début de l’abus de pouvoir du président, certains militants de la société civile mécontents à cause des problèmes rencontrés ces dernières années dans le cadre d’une démocratie inefficace, ont vu dans la démarche de Saied une tentative politique de corriger la trajectoire de notre démocratie. L’une des premières promesses de Saied était de lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance.
Mais dès que le président a révélé son intention de modifier la constitution, les partis politiques, les personnes influentes et certains groupes de la société civile ont commencé à s’y opposer.
La société civile n’est pas constituée d’un seul groupe ou d’une seule position - il existe bien sûr une certaine diversité. Les groupes les plus visibles et les plus influents le critiquent, surtout depuis que le projet de nouvelle Constitution a été communiqué au public ; ils ont compris que son objectif n’est pas de « restaurer la démocratie », mais plutôt de l’attaquer. Maintenant beaucoup tentent d’empêcher le processus de référendum.
Comment la société civile s’est-elle organisée contre le référendum ?
Bien que la réponse de la société civile ait été tardive, elle a récemment utilisé une série de moyens pour s’opposer au référendum. Des coalitions ont été créées, la société civile a publié des prises de position, des conférences ont été organisées.
Certains groupes appellent au boycott du référendum tandis que d’autres tentent de porter une affaire devant les tribunaux, mais celle-ci se mène contre les atteintes à la justice menées par le président : en juin, il a révoqué 57 juges, les accusant de corruption et de protection des « terroristes ». En mode de proteste les juges tunisiens se sont mis en grève et n’ont repris le travail que très récemment.
La Ligue tunisienne des droits de l’homme, une importante OSC, a fait appel au président à retirer sa proposition et à entamer un dialogue plus large avec la société tunisienne.
Dans quelle mesure le référendum pourrait-il être libre et équitable ?
Lors de la transition démocratique en 2011, notre pays s’est efforcé de créer des institutions indépendantes telles que la commission électorale et l’organisme de lutte contre la corruption, entre autres. La Constitution proposée dissout presque tous ces organes indépendants.
Le seul conservé est la commission électorale, dont le président Saied a pris le contrôle en mai en renvoyant ses membres et en en nommant de nouveaux. En février, il a dissout le Conseil supérieur de la magistrature, dont il a licencié les juges en juin.
Dans ce contexte, l’indépendance de cette « commission indépendante » chargée d’organiser le référendum, ainsi que l’intégrité de l’ensemble de l’élection, doivent être remises en question.
Quelles sont vos attentes quant à ses résultats, et quel impact auront-ils sur la qualité de la démocratie ?
Si l’on examine les derniers sondages sur la cote de popularité du président Saied, on constate qu’il bénéficie toujours d’un énorme soutien public. Mais cela n’est que le résultat de sa politique populiste : le populisme - du moins pendant ses premiers stades- compte de nombreux partisans. Mais une fois que le président populiste ne parvient pas à tenir ses promesses, il perd sa popularité et son soutien. En Tunisie, nous en sommes encore aux premiers stades du populisme.
Malgré sa popularité, je pense que son prochain référendum aura un taux de participation très faible, d’où la légitimité du résultat sera remise en question.
Mais le président et son régime ne se soucient pas de la légitimité. Par exemple, lorsque la consultation nationale a eu lieu il y a plusieurs mois, elle a constitué un échec total en termes de taux de participation. Pourtant, le président Saied s’en est servi pour justifier l’organisation de ce référendum.
Si le référendum est approuvé, il sera suivi d’élections parlementaires en décembre, conformément à son plan d’action ; le parlement a été dissout en avril. Entre-temps, il y aura probablement plusieurs « réformes » et de nouvelles lois. Je crains que la prochaine phase soit assez effrayante car le président a le pouvoir ultime de changer les lois sans aucun contrôle, en l’absence d’un système judiciaire, d’une Cour constitutionnelle et d’un Parlement indépendant.
La démocratie signifie la séparation des pouvoirs, des poids et contrepoids, et la participation, mais tout cela a été annulé par le président depuis juillet 2021. Il a resserré son emprise sur l’ensemble de l’organe exécutif, l’ensemble de l’organe législatif, et même une partie de l’organe judiciaire. Avec une telle attaque contre le pouvoir judiciaire, nous pouvons moins compter sur les juges pour être les ultimes défenseurs des droits et des libertés. La qualité de notre démocratie est vraisemblablement à son pire niveau depuis la révolution de 2010 qui a chassé l’autocrate Zine al-Abidine Ben Ali.
La situation des droits humains s’aggrave avec le déclin de la démocratie. Nous avons été témoins de plusieurs violations des droits humains, dont certaines nous ont rappelé le type d’abus commis pendant les premières années de la révolution. La différence entre cette époque et aujourd’hui est l’absence de toute responsabilité. Le président n’a été tenu responsable d’aucune des décisions qu’il a prises au cours de cette dernière année.
De notre côté, la société civile a condamné ces violations, mais ce n’a pas été suffisant. Nous avons donc essayé de créer un réseau avec divers défenseurs de la démocratie en Tunisie et à l’étranger. Dans la prochaine phase, la société civile continuera sa pression et se mobilisera contre toute déviation de la démocratie, étant donné que la nouvelle Constitution confèrera au président des pouvoirs étendus et ouvrira les portes à de nouvelles violations.
Quelle a été la réaction de la communauté internationale ?
Le sentiment partagé est que la communauté internationale a abandonné la Tunisie. Elle a offert une réponse vacillante face à cette attaque contre la démocratie et la perte d’un pays démocratique. La communauté des pays démocratiques ne fait pas beaucoup d’efforts pour garder la Tunisie entre eux.
Beaucoup d’entre nous sommes très déçus par leurs réactions face à la dissolution du Parlement et tout ce qui a suivi, dont le résultat a été un projet de Constitution qui va vraisemblablement annuler la démocratie tunisienne. Mais il n’y a pas eu de réponse solide de la part des amis démocratiques de la Tunisie.
Par ces moyens, ils encouragent le président à commettre davantage de violations. Ces pays font un pas en arrière envers leurs politiques des dernières décennies, donnant la priorité à la sécurité et à la stabilité et les faisant primer sur la démocratie et les droits humains dans notre région.
L’espace civique en Tunisie est considéré comme « obstrué » par leCIVICUS Monitor.
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TUNISIE : « La société civile n’est pas encore directement menacée, mais nous pensons que notre tour arrivera »
CIVICUS s’entretient des perspectives de démocratie en Tunisie après le coup de force du président de juillet 2021 avec Amine Ghali, directeur du Centre de transition démocratique Al Kawakibi (KADEM). KADEM est une organisation de la société civile (OSC) qui vise à promouvoir la contribution de la société civile à la démocratie et à la justice transitionnelle en Tunisie et dans la région, par la sensibilisation, le renforcement des capacités et la documentation.
Quelle a été la position de la société civile tunisienne face au coup de force du président Kais Saied ?
En juillet dernier, le président Saied a limogé le premier ministre et suspendu le parlement, tout en promettant un processus de révision constitutionnelle. Depuis lors, il s’est octroyé des pouvoirs étendus et a supprimé les contrôles sur ce pouvoir.
Les réactions ont été variées, car la société civile tunisienne a toujours été très diverse. Une partie a soutenu les actions de Saied, ou du moins les a vues d’un bon œil, tandis qu’une autre s’y est complètement opposée. D’autres personnes ont été plus sélectives au sujet de ce à quoi elles s’opposent : peut-être n’étaient-elles pas satisfaites de l’arrangement politique précédent ou même de l’actuel, mais pensaient néanmoins que les actions de Saied ouvriraient de plus grandes opportunités de changement et de réforme.
Une diversité similaire a été visible dans la société en général, mais nous n’avons pas connu de polarisation malsaine parce que les gens ne se sont pas divisés entre des positions aux deux extrémités du spectre.
Et bien que je ne dispose pas de véritables chiffres ou statistiques, j’ai récemment remarqué une opposition croissante de la société civile face aux événements de juillet. Au début, il y avait une sorte d’euphorie, mais maintenant, la société civile est plus critique sur ce qui s’est passé, peut-être parce que les gens ont commencé à remarquer que Saied n’a pas encore tenu ses promesses.
Qu’est-ce qui a fait évoluer les positions de la société civile ?
L’une des premières promesses de Saied était de lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance, ce qui ne s’est pas encore produit. En outre, il a pris des mesures et des décisions qu’il n’a pas annoncées le 25 juillet. Ses actions - principalement contre le parti Ennahda et d’autres partis politiques importants - étaient initialement conformes à la Constitution, mais il a ensuite commencé à agir contre la Constitution et à inverser les étapes de notre transition démocratique.
Selon le discours officiel, repris par certains acteurs politiques, notre Constitution actuelle est si mauvaise que nous en nécessitons une nouvelle. Mais à mon avis - et à celui de la société civile - elle n’est pas si mauvaise. Plus important encore, le processus d’élaboration de la Constitution à la suite des soulèvements de 2010 a fait l’objet d’un large consensus, et la nouvelle Constitution a été approuvée par beaucoup plus que la majorité requise des deux tiers de l’Assemblée nationale constituante - elle a reçu les voix de 200 députés sur 217. Mais maintenant, nous semblons passer d’un processus participatif à un processus restrictif.
En termes de gestion électorale, il est difficile de savoir si les prochaines élections et le référendum seront organisés par un organisme indépendant. De plus, Saied a remis en question un autre acquis démocratique majeur, l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Comment la société civile a-t-elle réagi à la feuille de route que le Président Saied a dévoilée en décembre 2021 ?
Je pense que c’est la pression exercée par la société civile, les partis politiques et la communauté internationale qui a poussé le président à définir une feuille de route à la mi-décembre. Pendant les trois ou quatre premiers mois qui ont suivi la suspension du Parlement, il s’y était opposé.
Une partie au moins de la société civile continuera à plaider pour que des mesures plus nombreuses et plus efficaces soient incluses dans la feuille de route, notamment une élection présidentielle, que nous pourrions être amenés à organiser puisque la feuille de route prévoit la rédaction d’une nouvelle Constitution, qui entraînera une nouvelle répartition des pouvoirs entre le président et le chef du gouvernement. Nous ferons également pression pour une approche plus participative, car l’organisation d’un référendum sur la Constitution n’est pas suffisante, dans la mesure où elle ne permettra aux gens que de répondre à une question par oui ou non.
Ce sont des points qui seront probablement soulevés dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Nous avons des OSC fortes travaillant sur les élections, qui se réunissent déjà pour discuter de la manière de maintenir la commission électorale comme acteur principal, et de celle d’aborder le passage du vote pour des listes au vote pour des individus, comme annoncé par les partisans du président.
Je m’attends à ce que nous assistions bientôt à la formation de nouvelles coalitions pour agir sur le nouvel agenda politique. En fait, certaines de ces coalitions se sont déjà formées, incluant des éléments de la société civile et politique, comme Citoyens contre le coup d’État. D’autres coalitions de la société civile travaillent à l’amélioration des mécanismes de protection des droits humains. À mon avis, cette nouvelle dynamique va se développer au cours des prochains mois.
Y a-t-il des possibilités d’engagement de la société civile autour du prochain référendum constitutionnel ?
Malheureusement, l’une des principales caractéristiques de ce nouveau système de gouvernance est le manque de consultation, non seulement avec la société civile mais aussi avec les partis politiques. Jusqu’à présent, l’espace réservé au processus de consultation n’a pas été assez large. L’une de ses caractéristiques est la consultation en ligne, qui n’est pas le type de consultation auquel nous nous sommes habitués ces dix dernières années.
Même si beaucoup de choses n’ont pas fonctionné comme elles étaient censées le faire, il y avait au moins une forme de consultation, une forme de donnant-donnant, entre les politiques et la société civile, les experts et la communauté internationale. Cet écosystème que nous avions autrefois n’existe plus. Les OSC feront pression pour obtenir de meilleures formes de coopération entre les décideurs et la société civile.
Quelle pression subit l’espace civique en Tunisie ?
L’espace civique se réduit. Bien que la société civile ne soit pas encore directement menacée, nous pensons que notre tour va arriver. Nous avons remarqué que les décideurs tunisiens détestent les corps intermédiaires. Ils ont donc fermé le parlement, attaqué le système judiciaire et boycotté les médias. Nous sommes probablement les prochains sur leur liste, nous devons donc être très vigilants. Des rumeurs circulent selon lesquelles les politiciens introduiront des changements juridiques qui affecteront les OSC, ce que nous n’accepterons pas. Nous devons défendre l’espace civique tant que nous avons encore un peu d’espace pour interagir avec les décideurs en l’absence du parlement, le corps intermédiaire traditionnel.
Les récentes arrestations d’opposants politiques s’inscrivent-elles dans une tendance inquiétante ?
Nous n’avons pas connu d’arrestations massives d’opposants politiques - en fait, il y en a eu très peu. Pour autant que nous le sachions, ces arrestations n’étaient pas fondées sur des raisons politiques, mais plutôt sur des activités illégales commises par des politiciens pendant leur mandat. Nous avons condamné les procédures et les circonstances des arrestations, qui n’étaient pas appropriées, mais personne n’est au-dessus de la loi, alors s’il existe des preuves suffisantes contre ces personnes, arrêtons-les et traduisons-les en justice selon les procédures judiciaires et non sur la base de décisions de l’exécutif.
Quelles sont les perspectives de consolidation démocratique en Tunisie, et comment la communauté internationale peut-elle y contribuer ?
Je pense que si nous la livrons à elle-même, le sort de la démocratie en Tunisie sera plutôt sombre. La société civile, la société politique, la communauté internationale et les amis de la Tunisie devront donc intensifier leurs efforts de plaidoyer, non pas pour restaurer la démocratie mais pour la maintenir. Nous avons besoin des efforts de tous les acteurs pour maintenir la pression afin de s’assurer que la Tunisie est sur la voie de la démocratie. Si nous ne nous engageons pas et nous contentons de regarder le spectacle, cela ne nous mènera probablement pas vers plus de démocratie et une meilleure démocratie, mais bien dans la direction opposée.
Tant que les acteurs internationaux reconnaissent qu’il y a une menace pour la démocratie et s’engagent, cela nous aidera. La communauté internationale ne doit pas nous traiter comme elle l’a fait avec l’Égypte en 2013 - c’est-à-dire qu’elle ne doit pas privilégier la sécurité et la stabilité au détriment de la démocratie. Nous avons besoin que la communauté internationale maintienne la pression sur les décideurs en Tunisie pour s’assurer que l’achèvement de la transition démocratique est notre objectif commun. De cette façon, la Tunisie deviendra un exemple majeur de transition démocratique réussie dans la région arabe.
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