droits des femmes

  • MALAWI : « Les filles doivent être protégées non seulement contre la COVID-19, mais aussi contre la violation endémique de leurs droits »

    Ephraim Chimwaza pictureCIVICUS s’entretient avec Ephraim Chimwaza, directeur exécutif du Centre for Social Concern and Development (CESOCODE), une organisation de la société civile (OSC) qui travaille sur les questions de santé reproductive et promeut les droits des femmes au Malawi. Le CESOCODE s’emploie à mettre fin à toutes les formes de violence fondée sur le genre subies par les filles, les adolescents et les jeunes femmes et promeut leurs droits humains et leur bien-être par le biais du plaidoyer, de la recherche, de l’éducation, de la formation et de la fourniture de services de santé reproductive de base.

    Quelle est la situation des filles et des jeunes femmes au Malawi ?

    Au Malawi, la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les filles rencontrent plus d’obstacles que les garçons dans l’accès à l’éducation et à l’emploi, et beaucoup d’entre elles ne connaissent pas leurs droits. Le manque d’accès aux opportunités favorise également le mariage des enfants, ce qui compromet également dans une large mesure la réalisation des droits des filles.

    Le Malawi s’est engagé à mettre un terme aux mariages d’enfants, aux mariages précoces et aux mariages forcés d’ici 2030, conformément à la cible 5.3 des Objectifs de développement durable, et a également ratifié plusieurs instruments internationaux à cette fin. Pourtant, 42 % des filles au Malawi sont mariées de force avant l’âge de 18 ans, et près de 10 % sont mariées avant l’âge de 15 ans. Dans certains groupes ethniques, les mariages arrangés sont couramment utilisés pour créer des alliances entre les familles. Dans tout le pays, les familles les plus pauvres donnent souvent leurs filles en mariage pour réduire la charge économique que représente leur entretien, ou dans l’espoir de leur offrir une vie meilleure. Dans d’autres cas, elles les forcent à se marier si elles tombent enceintes, afin qu’elles ne déshonorent pas leur famille. Certains parents qui se trouvent dans des situations désespérées, obligent également leurs filles à avoir des rapports sexuels en échange d’argent ou de nourriture.

    La violence contre les adolescentes et les jeunes femmes est monnaie courante. Une jeune femme sur quatre a récemment subi des violences de la part de leur conjoint, mais peu d’entre elles cherchent de l’aide. La violence sexuelle et les autres formes de violence à l’encontre des femmes et des filles sont largement acceptées par la société, même par les jeunes. Il n’est pas surprenant que les adolescentes continuent de faire les frais de l’épidémie de VIH. Le nombre de filles âgées de 10 à 19 ans qui vivent avec le VIH est en augmentation, et près de trois nouveaux cas d’infections sur quatre concernent des adolescentes.

    Comment le CESOCODE contribue-t-il à relever ces défis ?

    Depuis 2009, nous nous efforçons de promouvoir les droits des filles et l’éradication du mariage des enfants. À cette fin, nous coopérons avec les communautés et leurs dirigeants pour encourager les filles à rester à l’école. Nous offrons aux adolescentes un espace sûr où elles peuvent accéder à des services de santé sexuelle et reproductive, et nous offrons des conseils aux victimes de violences sexistes.

    Nous faisons également partie d’une initiative mondiale appelée « Girls Not Brides», qui regroupe plus de 1 300 OSC dans plus de 100 pays, et dont l’objectif est de mettre fin au mariage des enfants et d’aider les filles à réaliser pleinement leur potentiel en leur donnant accès aux services de santé, à l’éducation et à de meilleures opportunités. Grâce à ce partenariat, nous attirons l’attention du monde sur le mariage des enfants et les violations concomitantes des droits des filles, nous aidons à faire comprendre le problème et appelons à des changements dans les lois et à la mise en œuvre de politiques et de programmes qui feront la différence dans la vie de millions de filles.

    Quelle incidence la pandémie de COVID-19 a-t-elle eu sur les filles au Malawi, et comment avez-vous réussi à continuer à travailler dans ce contexte ?

    La pandémie de COVID-19 a des répercussions sur les filles au Malawi. Nous le constatons déjà dans les communautés où nous travaillons. Les mesures de distanciation sociale imposées par le gouvernement ont entraîné la fermeture d’écoles. L’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, qui était déjà limité, s’est encore réduit, étant donné que les centres de santé et les cliniques mobiles ont également suspendu leurs soins. Pendant le confinement, les cas de violence sexiste et d’abus sexuels ont augmenté, mais leur signalement a diminué. La plupart des filles ne sont pas en mesure de dénoncer les violences sexistes qu’elles subissent et doivent continuer à vivre avec leurs agresseurs en craignant pour leur vie.
    Nos programmes et activités ont été affectés par les mesures de distanciation sociale imposées par le gouvernement visant à réduire le risque d’infection par la COVID-19. Nous n’avons pas été en mesure de rencontrer physiquement les filles et de leur fournir des services essentiels, tels que des préservatifs et des contraceptifs. Les filles ne peuvent pas quitter leur domicile pour assister à des réunions, des ateliers ou des conférences, car tous les rassemblements publics ont été interdits afin de respecter les mesures de distanciation.

    Cependant, nous avons continué à être à l’écoute des filles par différents moyens.

    Premièrement, nous les informons en diffusant par exemple des messages sur la santé publique et la prévention de la violence domestique sur Facebook et WhatsApp. Nous avons développé un service de messagerie Bluetooth de mobile à mobile qui nous permet de rester en contact avec les filles et qu’elles peuvent utiliser pour nous alerter si elles sont en danger. Nous avons également produit un court podcast axé sur la violence domestique à l’égard des filles, qui comprend une version en langue des signes afin de ne pas exclure celles qui sont sourdes ou malentendantes.
    Deuxièmement, nous utilisons la radio et la télévision communautaires pour diffuser des messages personnalisés et proposer des talk-shows afin que les filles qui sont à la maison puissent entendre nos messages de prévention de la violence fondée sur le genre. Une interprétation en langue des signes est également disponible.
    Troisièmement, nous continuons à travailler dans les communautés, en diffusant des messages de bouche à oreille ou par le biais de haut-parleurs. Nous utilisons notre véhicule avec haut-parleur pour faire le tour des communautés et diffuser des informations sur la prévention de la violence sexiste et du mariage des enfants et pour promouvoir les droits des filles en général.

    Quatrièmement, nous distribuons des documents de sensibilisation pour expliquer les conséquences des violations des droits des filles et indiquer où signaler les cas de violence à leur encontre. Pour ce faire, nous distribuons des dépliants et des brochures, et nous apposons des affiches dans les endroits où les filles et les adolescents passent fréquemment, comme les magasins, les fontaines à eau et les supérettes. Ces documents sont toujours rédigés dans la langue locale et comportent des images pour faciliter la compréhension du contenu.
    Ainsi, nous avons pu poursuivre notre travail et nous n’avons pas abandonné les filles qui nous font confiance à un moment où elles ont le plus besoin de nous.

    Selon vous, quelles sont les clés du succès que nous constatons aujourd’hui ?

    Je pense qu’il y a trois facteurs principaux qui expliquent les bons résultats que nous avons obtenus.

    Tout d’abord, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les dirigeants communautaires et d’autres parties prenantes clés pour faire en sorte qu’ils continuent de soutenir la politique de tolérance zéro en matière de violence sexiste à l’encontre des filles. Nous avons organisé des réunions virtuelles et partagé des programmes de podcasts avec des parties prenantes qui travaillent avec des filles. L’objectif est d’encourager des relations positives et saines afin de prévenir la violence à leur égard, tout en promouvant la santé reproductive des jeunes femmes pendant la pandémie de COVID-19. 

    Ensuite, nous avons identifié des outils peu coûteux qui nous ont permis de maintenir le contact avec les filles et de continuer à les autonomiser pendant la pandémie. Pour ce faire, nous avons utilisé les nouvelles technologies lorsqu’elles étaient disponibles et accessibles, et nous avons cherché à créer des liens par d’autres moyens avec les filles vivant dans des communautés qui n’ont pas accès aux réseaux sociaux.
    Enfin, nous avons fait pression pour intégrer des messages de prévention de la violence fondée sur le genre dans le matériel de prévention de la COVID-19, afin que les services de santé communiquent avec les filles et leur apportent un soutien et une protection totale, non seulement contre la COVID-19 mais aussi contre la violation endémique de leurs droits.

    L’espace civique au Malawi est classé comme « obstrué » par le CIVICUS Monitor.
    Contactez le CESOCODE via sa page Facebook.

  • Mexique : « La violence à l’égard des femmes est une pandémie séculaire »

    Wendy FigueroaCIVICUS s’entretient avec Wendy Figueroa, directrice de laRed Nacional de Refugios (Réseau National des Refuges), une organisation de la société civile (OSC) mexicaine dont le travail est ininterrompu depuis plus de 20 ans. Le Réseau comprend 69 espaces de prévention, de soins et de protection des victimes de violence domestique et sexiste dans tout le pays. Il travaille selon une approche multidisciplinaire et intersectorielle, avec une perspective de genre, de droits humains et multiculturelle. Il se concentre sur la défense des politiques publiques, la sensibilisation au problème par des campagnes et une couverture médiatique, et la fourniture de soins complets spécialisés et gratuits aux femmes et à leurs enfants victimes de violences domestiques et sexistes.

     

     

    Comment la violence sexiste au Mexique a-t-elle été influencée par la pandémie de COVID-19 ?

    Au Mexique, la violence contre les femmes est une pandémie séculaire. Elle n’a pas seulement émergé avec la COVID-19 ; la pandémie n'a fait que rendre la situation plus apparente et plus prononcée pendant le confinement. Les mesures de confinement adoptées pour atténuer les conséquences de la pandémie de COVID-19 ont eu pour effet d'accroître les risques et la vulnérabilité pour des centaines de femmes. La violence sexiste a également été exacerbée pendant la pandémie, précisément parce qu'en période de confinement, les femmes se retrouvent avec une surcharge de responsabilités en matière de soins, de travaux domestiques et d'optimisation des ressources disponibles dans leur foyer, tout cela en subissant la pression de l’agresseur qui vit avec elles.

    Comment le Réseau National a-t-il réagi ?

    Nous avons renforcé les activités et les interventions que nous développons depuis de nombreuses années. Ce qui caractérise le travail du Réseau National des Refuges, c’est que, bien que notre travail ait été constant, nos approches pour prévenir, traiter et éliminer la violence envers les femmes et les enfants se sont adaptées et enrichies avec le temps. Ces approches sont mises à jour en fonction des besoins des femmes et des enfants. Ainsi, nos réponses pendant la période de confinement ont été enrichies et renforcées de différentes manières.

    Tout d’abord, le Réseau dispose d’une ligne d’assistance téléphonique qui fonctionne 24 heures sur 24, tout au long de l’année, et propose également une assistance par le biais des réseaux sociaux. Nous avons renforcé ces derniers, en augmentant le nombre de professionnels qui fournissent des soins à travers ces deux espaces de communication. Nous avons également mis en place un numéro WhatsApp car nous avons constaté que plus le temps passé en confinement est long, moins les femmes victimes de violences ont la possibilité de contacter le monde extérieur. Ainsi, les SMS ou les messages sur les médias sociaux sont devenus un moyen extrêmement utile pour les femmes de nous envoyer un message dès qu'elles en avaient l'occasion.

    Dans de nombreux cas, ces messages ont permis de mener des opérations de sauvetage. Dans le contexte du confinement, les femmes devaient partir à la première occasion, lorsque leur agresseur n'était pas à la maison, de sorte que les opérations de sauvetage ont augmenté de façon spectaculaire. En seulement deux mois, nous avons effectué 19 opérations de sauvetage, contre à peine un par mois environ pendant la même période en 2019. Pour y parvenir, nous avons dû faire preuve de créativité et avons établi des partenariats avec certaines entreprises privées, comme Avon et Uber, afin d’organiser la logistique et le transport.

    Deuxièmement, nos campagnes d’information, de sensibilisation et de prévention se sont concentrées sur trois moments que traversent les femmes qui subissent des violences, afin de partager des stratégies sur ce qu’il faut faire avant, pendant et après un événement violent. Nous avons également partagé des stratégies pour réduire les situations à risque avec les enfants à la maison et établir des plans de sécurité. Nous avons mené une campagne inclusive et multiculturelle, avec des messages en langue des signes pour les femmes malentendantes et des messages en langues nahuatl, zapotèque et maya pour les femmes des communautés autochtones.

    Étant donné que la COVID-19 rend plus prononcées et plus visibles les formes préexistantes de discrimination et d'inégalités, et que les femmes se trouvent dans une situation de plus grande vulnérabilité, nous avons également créé du matériel destiné à la société dans son ensemble. Nous encourageons les citoyens à former des réseaux de soutien solidaire pour rendre visible la violence contre les femmes et les enfants, afin que les citoyens puissent dénoncer les situations de violence et participer à la construction d’une culture de tolérance zéro.

    Troisièmement, nous avons développé la campagne « confinement sans violence », destinée au gouvernement, soulignant la nécessité et l’urgence de créer de politiques publiques transversales, dotées de ressources, pour faire face aux conséquences et à l’impact de la pandémie sur les femmes, dans une perspective de genre, de droits humains, et multiculturelle. Ces politiques doivent garantir l’accès à la justice, aux services de santé et aux compensations économiques, entre autres droits. 

    Quatrièmement, nous avons mené des actions spécifiques au sein des refuges, des centres d’urgence, des maisons de transition et des centres externes qui composent le Réseau, en mettant en œuvre des protocoles visant à atténuer le risque d'infection par le COVID-19. Nous avons utilisé notre créativité pour fournir une assistance à travers différentes plateformes numériques afin de continuer à accompagner toutes les femmes qui participent à nos programmes. Nous avons échelonné les heures d’attention au sein des refuges et mis en place des salles de quarantaine pour continuer à permettre l’accès aux femmes et aux enfants qui en ont besoin sans obstacles ni discrimination dus au coronavirus, car selon nous il est essentiel de placer les droits humains au cœur de nos actions.

    Nous recherchons des financements internationaux et du secteur privé pour renforcer notre réseau de centres d’urgence et de transition. Les centres d’urgence sont l'étape précédant l'entrée dans un refuge et nous les utilisons actuellement pour atténuer le risque d’infection par le COVID-19 dans les refuges : au lieu des trois jours habituels, les séjours dans les centres d’urgence durent maintenant 14 jours, ce qui correspond au temps de quarantaine. Les centres de transition sont très importants car ils constituent l’espace disponible pour les femmes qui quittent le refuge et ne disposent pas d’un logement ou d’un réseau de soutien solide. Dans ces espaces de transition, elles mettent en pratique les plans qu'elles ont élaborés pendant leur séjour dans les refuges et commencent à cheminer vers l'indépendance. Cependant, en raison des impacts économiques de la COVID-19, les contrats de travail que nous avions pour ces femmes ont été annulés. Dans ce contexte, les centres de transition offrent aux femmes la possibilité de poursuivre leur processus et d'éviter la frustration et la victimisation.

    Avez-vous été confrontés à des restrictions supplémentaires concernant les libertés de rassemblement, d'expression et de mobilisation pendant la pandémie ?

    D'une manière générale, la mobilité a bien sûr été limitée par le confinement. En réponse à cela, nous avons traité une grande partie de l’assistance par téléphone et par les médias sociaux. Mais nous n’avons pas négligé l'assistance en face à face : dans certaines villes où nous opérons, il n’existe pas d’alternative au centre d’attention externe de l’OSC locale qui appartient au Réseau National, et dans ces cas-là, nous avons continué à fournir une assistance en face à face, en prenant toutes les précautions pour réduire le risque de contagion. Nous continuons également à fonctionner et à fournir des soins en personne, si nécessaire, dans tous nos espaces dédiés à la protection : centres d’urgence, refuges et centres de transition. Et nous continuons à nous mobiliser en cas de besoin.

    La liberté de réunion est limitée, mais il ne nous est pas interdit d'agir face aux féminicides et autres violations des droits. Nous continuons à agir selon notre modèle et sur la base de nos principes directeurs, à savoir les droits humains et le respect de la vie des femmes. Nous nous sommes réorganisés pour respecter la distanciation sociale lorsque cela est possible, mais surtout pour nous concentrer sur les besoins des familles que nous aidons.

    Comment le mouvement féministe s’est-il adapté à la transition entre les manifestations de masse et l'isolement social ?

    Nous avons transformé nos façons de protester, d’élever la voix, de nous unir dans la fraternité pour demander la justice, l’égalité réelle et le respect de tous les droits des femmes et des enfants. Nous avons utilisé les plateformes numériques et la technologie pour continuer à communiquer, à créer des réseaux et à proposer des actions. Les mouvements féministes ne se sont pas arrêtés avec l'arrivée de la COVID-19 : grâce aux médias et aux plateformes numériques, nous avons organisé des conversations, des webinaires, des réunions de solidarité, des rencontres pour exprimer nos sentiments et exercer notre solidarité. Nous avons établi des échanges féministes pour soutenir les activités économiques de nos consœurs et offrir nos services professionnels en tant que psychologues, médecins et avocates sur les médias sociaux.

    Nous avons également multiplié les déclarations. Nous avons récemment produit, avec 42 autres groupes féministes, une vidéo qui accompagne une lettre comportant plus de 6 000 signatures pour exiger que l’État mexicain et les 32 États mettent en œuvre des actions urgentes et prioritaires pour garantir la vie et la sécurité de toutes les femmes et de tous les enfants de notre pays. Face à la minimisation du phénomène de la violence contre les femmes, nous avons lancé la campagne « Nosotras tenemos otros datos », qui a eu un impact considérable. Nous nous sommes également fait l’écho des voix des femmes victimes de violence qui ont sollicité notre aide. Nous sommes donc bel et bien présents et nous continuerons à l’être.

    Que faut-il changer après la pandémie, et comment pouvons-nous travailler ensemble pour provoquer ce changement ?

    La pandémie de COVID-19 a mis en lumière les problèmes de fond de notre pays : l’accès très inégal à la santé, à l’éducation, à l’information, à la justice et aux droits. De mon point de vue, l’après-pandémie peut également être une grande opportunité pour réorganiser notre système de soins, de protection et de sécurité globale, afin de s’assurer que toutes les personnes disposent à la fois de garanties légales et d’opportunités réelles de mener une vie sans violence - et en particulier les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées, les migrants et les personnes souffrant de handicap.

    Nous avons besoin de politiques publiques qui garantissent l’égalité d’accès de tous à tous les droits. Ces politiques publiques doivent bénéficier d’un budget spécifique. Et il doit s'agir de politiques d'État plutôt que de politiques gouvernementales, car ce n'est pas un problème de l'administration actuelle - c'est un problème historique. Or, les politiques gouvernementales sont démantelées à chaque changement de gouvernement, même dans le cas de politiques de discrimination positive, qui donnent pourtant de bons résultats. C’est pourquoi il est essentiel de s’orienter vers une politique d’État, avec un budget garanti et une action intersectorielle. Ces politiques doivent inclure les perspectives de genre, de droits humains et de diversité, afin que personne ne soit laissé de côté. Elles devraient relever de la responsabilité du gouvernement fédéral, mais aussi des 32 États et de la société elle-même, et bien sûr des OSC, afin de progresser vers une société où la violence sexiste n’est pas justifiée et naturalisée, comme cela continue malheureusement d’être le cas actuellement. 

    Toutes les personnes, dans tous les secteurs, doivent œuvrer à un changement culturel, en commençant par nous-mêmes, afin d’identifier nos propres actes discriminatoires et actions violentes, ainsi que la manière dont nous reproduisons les codes sociaux et naturalisons la violence. C’est pourquoi je pense que le changement doit s’opérer à tous les niveaux avant que l'on puisse réellement parler d'une véritable transformation.

    De quel type de soutien le Réseau National a-t-il besoin de la part de la communauté internationale ?

    Nous voulons que la communauté internationale soit informée des régressions que connaît notre pays dans le domaine des droits humains. Il est important que l’information parvienne aux organisations internationales, car l’Etat mexicain a signé et ratifié la Convention de Belém do Pará (Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme), la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le Programme d’action de Beijing, et il n’en respecte aucune. L’État mexicain a déjà reçu de nombreuses recommandations internationales à cet égard, mais n’y répond pas par des actions concrètes. 

    Au contraire, le gouvernement est souvent complice de la violence. En ignorant, voire en niant, que les femmes subissent des violences au sein de leur foyer et que celles-ci ont augmenté pendant le confinement, les autorités condamnent à nouveau les victimes. De plus, la politique d’austérité affecte les programmes et les communautés. Depuis 2019, les refuges mènent une lutte regrettable et constante pour défendre leur budget, en montrant les bénéfices et l’impact qu’ils génèrent auprès des familles mexicaines. Nous avons donc également besoin d’un soutien sous forme de dons pour renforcer notre réseau national et créer davantage de centres d’urgence et de transition, qui jouent un rôle crucial pour fermer le cycle de la violence et assurer une véritable citoyenneté et la protection des droits humains.

    L’espace civique au Mexique est classé comme « réprimé » par leCIVICUS Monitor.

    Contactez le Réseau National des Refuges via sonsite web ou son profilFacebook, et suivez@RNRoficial sur Twitter.

  • NAMIBIE : « Les manifestations contre la violence de genre ont été alimentées par l’espoir collectif »

    CIVICUS s’entretien avec Bertha Tobias sur les récentes manifestations contre le féminicide et la violence basée sur le genre (VBG) en Namibie. Bertha est une jeune activiste qui a reçu des prix internationaux pour sa participation à des concours de débat. Elle est diplômée du United World College à Changshu, en Chine, et poursuit actuellement des études supérieures au Claremont McKenna College en Californie. Elle a reçu le prix « Go Make A Difference », qui soutient la mise en œuvre de projets de développement communautaire, et a participé activement aux manifestations pour les droits des femmes en Namibie.

    Bertha Tobias

    Pourriez-vous raconter comment ont commencé les manifestations #ShutItAllDown contre la VG et comment vous y avez participé ?

    J’ai commencé à m’impliquer dans la lutte contre la VBG après l’annonce de la découverte de restes humains dans une ville côtière de Namibie. Les restes étaient soupçonnés être ceux de Shannon Wasserfall, une jeune fille de 20 ans qui avait disparu en avril 2020. Cet incident spécifique a provoqué des réactions massives. La publication du titre de l’article sur le compte Twitter de l’un des principaux médias nationaux a galvanisé de nombreux jeunes à l’action, les a poussés à s’organiser et à descendre dans la rue pour manifester. Elle a donné un caractère d’urgence à la conversation sur la VBG et le féminicide en Namibie.

    Le cas de Shannon n’est pas un cas isolé, car des jeunes femmes disparaissent tout le temps en Namibie. Mais lorsque cette affaire a été révélée, elle a relancé la conversation nationale sur la question. Quelqu’un sur Twitter a déclaré à juste titre que quelque chose devait se passer, que quelque chose devait changer, et j’ai répondu à leur commentaire et je me suis impliquée très tôt, car c’est une question qui me tient profondément à cœur, car je suis fermement convaincue que la vie des femmes a une valeur intrinsèque et elle vaut tout autant que celle des hommes.

    Avec d’autres jeunes, nous avons envoyé des courriels, obtenu le soutien nécessaire et nous nous sommes organisés en moins de 24 heures, principalement et surtout par le biais des réseaux sociaux. Nous avons fait un tract qui a été largement diffusé et de nombreuses personnes sont venues manifester. Nous, les jeunes, nous avons pris en main l’initiative et c’est ainsi que tout a commencé : c’était un exemple du pouvoir d’internet et du pouvoir des jeunes.

    Si je me souviens bien, le premier jour de manifestations, un journal a rapporté qu’un peu plus de 800 personnes s’étaient rassemblées, et lors de toutes les manifestations ultérieures, il y avait des centaines de personnes. Des jeunes femmes et des jeunes hommes y ont participé : les manifestations étaient principalement dirigées par des femmes, mais des jeunes hommes étaient présents en nombre considérable. Ce qu’il est important de noter à propos de la démographie des manifestations, c’est que les participants étaient pour la plupart des jeunes. Ce sont des jeunes qui ont participé à des réunions avec des fonctionnaires, rédigé des pétitions et parlé aux médias. Et ce sont les jeunes femmes qui étaient à l’avant-garde, tandis que les jeunes hommes leur ont apporté leur soutien.

    On pense que si les jeunes femmes en Namibie ne peuvent pas aller acheter un carton de lait sans craindre pour leurs vies, alors il y a quelque chose qui ne va pas du tout chez nous en tant que pays. La philosophie de #ShutItAllDown est assez radicale : elle consiste à tout arrêter jusqu’à ce que l’on comprenne ce qui ne fonctionne pas pour les femmes namibiennes en termes de sécurité. Tant qu’on n’aura pas de réponses à cette question, on ne pense pas que ce soit juste, sain ou dans l’intérêt de quiconque de continuer à faire comme si de rien n’était. On ne veut pas que l’activité économique continue comme si de rien n’était alors que les jeunes femmes ne se sentent pas en sécurité.

    En quoi pensez-vous que #ShutItAllDown est différent des manifestations précédentes pour les droits des femmes en Namibie ?

    D’autres manifestations en faveur des droits des femmes ont eu lieu dans le passé. En fait, au début de 2020, on a eu une manifestation pro-choix qui portait spécifiquement sur les droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive et qui plaidait pour la légalisation de l’avortement et la reconnaissance de l’intégrité et de l’autonomie corporelle des femmes. Selon la loi sur l’avortement et la stérilisation de 1975, l’avortement est illégal en Namibie, sauf en cas d’inceste, de viol ou lorsque la vie de la mère ou de l’enfant est en danger.

    Il y a des mouvements féministes en Namibie qui sont actifs et qui travaillent de façon régulière ; cependant, un fait de la réalité que nous avons dû reconnaître est que de nombreux mouvements féministes sont dirigés par des jeunes qui ont également d’autres obligations, comme des emplois à temps plein. Les organisations de la société civile sont également confrontées à des défis, notamment en termes de ressources et de soutien institutionnel.

    La manifestation précédente, qui a eu lieu au début 2020, a été significative dans le sens où elle a ouvert la voie et posé des bases importantes pour que #ShutItAllDown puisse gagner la confiance collective nécessaire pour pouvoir avancer. Des organisatrices féministes étaient présentes et actives pour amplifier la voix de #ShutItAllDown. Elles ont été très actives dans la diffusion de l’information et ont joué un rôle crucial dans la mobilisation des gens pour venir aux manifestations et les rendre vivantes. Les organisatrices féministes de Namibie font un excellent travail en coulisses, mais leur travail est limité car elles manquent de ressources. Par conséquent, nombre de nos demandes s’adressent au gouvernement et à d'autres institutions qui disposent des ressources nécessaires pour mettre en place les changements que nous recherchons.

    La différence entre #ShutItAllDown et les manifestations précédentes c’est que les jeunes en Namibie participent maintenant de plus en plus aux affaires publiques et s’expriment pour que le gouvernement et d’autres institutions rendent compte de leurs actions et remplissent leurs mandats et obligations envers les citoyens.

    En outre, le mouvement a pu se développer plus ou moins organiquement car les médias sociaux sont de plus en plus utilisés comme un outil pour avoir des conversations et pousser à la responsabilisation. La Namibie a une population assez jeune avec d’énormes capacités numériques. La flexibilité et la capacité d’auto-organisation des jeunes ont fini par nous pousser tous à faire quelque chose.

    Quelles étaient les exigences de #ShutItAllDown, et quelle réponse avez-vous obtenue ?

    La principale demande que nous adressions au gouvernement namibien était la déclaration de l’état d'urgence en ce qui concerne le féminicide et la violence sexuelle et de genre (VSG), simplement parce que nous pensions que le problème auquel nous étions confrontés justifiait ce genre d’action. Nous voulions faire passer le message que le féminicide est une crise de dimension nationale et qu’au-delà de la pandémie de la COVID-19, les femmes toujours, chaque jour, craignent pour leur vie. Nous avons également exigé une consultation immédiate avec des experts en matière de violence sexuelle et que le ministère de la justice mette en place un registre des délinquants sexuels et des tribunaux pour les crimes sexuels.

    Plusieurs demandes portaient sur le renforcement des méthodes existantes pour mettre fin à la VSG. De nouvelles demandes ont également été adressées à divers ministères et d’autres parties prenantes, telles que la mise en place de patrouilles de voisinage 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, de services virtuels et à distance de lutte contre la violence sexuelle, et de programmes scolaires et universitaires visant à sensibiliser les jeunes à ce problème.

    Notre pétition reconnaît que la VSG existe à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du foyer. Mais nous comprenons qu’il est plus difficile de mettre fin à la violence au sein du foyer en raison des années ou des décennies de travail de base nécessaires pour inverser la normalisation de la VSG. Il se peut que nous ne soyons pas en vie pour voir les fruits de cet effort en raison du temps qu’il faut pour transformer une société et sa culture, pour interroger et briser collectivement les principes traditionnels dans lesquels les normes abusives sont ancrées.

    Malheureusement, on n’a pas obtenu la déclaration de l’état d’urgence qu’on demandait. Mais d’autres demandes, telles que le renforcement de la sécurité par des patrouilles, la modification du programme d’enseignement et la création de groupes de travail ou de comités pour intensifier les efforts visant à endiguer la VSG, ont reçu un accueil favorable. Une autre demande importante qui a reçu une réponse positive a été la formation des officiers de police pour qu’ils soient plus sympathiques et empathiques dans le traitement des cas et la réception des plaintes de VSG. On sait que l’accueil que les victimes d’abus reçoivent dans les commissariats de police et le manque d’attention et d’urgence avec lequel leurs cas sont traités sont parmi les principales raisons pour lesquelles de nombreuses femmes ne dénoncent pas la VBG.

    Le mouvement #ShutItAllDown a-t-il mis en lumière d’autres questions pertinentes ?

    Oui, les activistes LGBTQI+ et les membres de ce collectif ont joué un rôle de premier plan dans la mobilisation des gens pour protester et ont amplifié les voix du mouvement #ShutItAllDown. Pour moi, il a été important de voir des femmes queer et d’autres personnes LGBTQI+ qui luttent pour naviguer dans une société violemment homophobe et transphobe protester et souligner l’importance de l’intersectionnalité et de la défense collective. Out-Right Namibia, l’une des principales organisations de défense des droits humains LGBTQI+ de Namibie, a mis à profit sa position pour pousser #ShutItAllDown et créer un réseau solide et bien connecté pour défendre nos droits collectifs en tant que femmes noires et/ou queer.

    Les manifestations de #ShutItAllDown ont également mis en lumière l’illégalité de l’avortement en Namibie et plus généralement la précarité de notre droit à la santé reproductive. C’est dans ce contexte que l’on a intensifié nos conversations sur la question des droits des femmes en matière de santé reproductive. Celles-ci sont quelques-unes des questions essentielles que #ShutItAllDown a mises en lumière, soulignant tout le chemin qu'il reste à parcourir pour que les droits de toutes les femmes soient reconnus et respectés.

    Y a-t-il de l’espace pour l’activisme intergénérationnel au sein du mouvement #ShutItAllDown ?

    L’activisme intergénérationnel s’est révélé comme un terrain intéressant, notamment en raison de la nature ardente et passionnée de la jeunesse. L’impact de l’activisme incarné par les manifestations de #ShutItAllDown était en grande partie basé sur la création de perturbations et d’un malaise général pour inciter les gens, même les plus indifférents, à agir. Je crois que la perturbation engage des conversations importantes. Nous espérons que nos actions amèneront ceux qui ne sont pas familiers avec ce que nous faisons à se demander pourquoi nous nous soucions de la sécurité des femmes au point d’aller nous asseoir au milieu de la rue ou de bloquer et faire fermer un centre commercial, et à essayer de comprendre ce qui se passe et ce que nous faisons. Ces questions lanceraient une conversation et alimenteraient d’importants débats sur un mal national urgent qui coûte la vie à de nombreuses femmes.

    Mais beaucoup d’adultes ont tendance à remettre en question les tactiques perturbatrices utilisées par les jeunes. Une autre limite qu’on a rencontrée, c’est que les tactiques de perturbation impliquent une prise de risque personnelle. Les jeunes ont beaucoup moins d’enjeux en termes d’employabilité et de perte de respectabilité. De nombreuses personnes plus âgées sont d’accord avec les causes qui nous mobilisent, mais elles ne prennent généralement pas le risque de prendre notre parti, ou du moins elles ne le font pas explicitement. Il y a des facteurs politiques et pratiques qui limitent même la mesure dans laquelle elles peuvent exprimer publiquement leur soutien.

    Comment voyez-vous l’avenir de #ShutItAllDown ?

    L’avantage des mouvements organiques et spontanés, ainsi que des mouvements qui n’ont pas de leader, c’est que n’importe qui peut se réveiller un jour et décider de lancer #ShutItAllDown dans sa propre localité, parce que le mouvement n’a pas de leader unique ou de visage visible. Depuis octobre 2020, on n’a pas eu de nouvelles manifestations, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas d’autres dans l’avenir. La VS est un problème permanent et malheureusement, à tout moment et en tout lieu, un cas nouveau peut se présenter qui relance les manifestations.

    L’espace civique en Namibie est classé « rétréci » par leCIVICUS Monitor.
    Suivez@BerthaJTobias sur Twitter etbertha_tobias sur Instagram. 

  • Objet : Lettre des ONG aux ministres de l'UE sur l'État de droit et la situation des droits humains en Pologne

    Mesdames et messieurs les Ministres,

    Alors que le Conseil des affaires générales de l'Union européenne se prépare à tenir une audience le 22 février sur l'État de droit en Pologne dans le cadre de la procédure prévue par l'article 7, paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne (TUE), les organisations de la société civile soussignées souhaitent attirer votre attention sur certaines évolutions alarmantes. Depuis juin 2021, date à laquelle le Conseil a débattu de la situation pour la dernière fois, nous continuons d’assister à un recul grave et constant du respect des valeurs de l'Union européenne en Pologne. En dépit des nombreuses actions entreprises par les institutions européennes depuis le lancement de la procédure en 2017, le gouvernement polonais continue d’enfreindre ces normes de manière systématique, et demeure sourd aux recommandations de l'Union européenne et aux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

    Nous exhortons vos gouvernements à aborder ces développements lors de l’audience et à inciter le Conseil à agir en adoptant des recommandations et/ou en organisant un vote portant sur l’existence d’un « risque clair de violation grave » des valeurs de l'Union européenne en Pologne, au titre de l’article 7.1 du TUE.

    Préoccupations relatives à l'État de droit

    Les modifications apportées au régime disciplinaire depuis 2017 ont été utilisées pour sanctionner les juges qui critiquent les réformes de la justice et renvoient des affaires préjudicielles devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Ces modifications continuent d'être appliquées, malgré les avertissements répétés de la Commission, les ordonnances de mesures provisoires[1] et en dépit des sanctions financières pour non-respect des arrêts de la CJUE[2] après que cette dernière a constaté[3] que le nouveau système était incompatible avec les standards européens en matière d’État de droit. Le nouveau régime a perduré, notamment pour les aspects touchant à la levée de l'immunité des magistrats et à leur suspension dans le cadre des affaires traitées par la Chambre disciplinaire de la Cour suprême[4], organe dont le fonctionnement aurait dû être suspendu en raison de son manque d'indépendance et d'impartialité, conformément aux décisions de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)[5].

    La semaine dernière, le président polonais, M. Duda, a annoncé qu'un nouveau projet de loi prévoyant la dissolution de la Chambre disciplinaire avait été déposé au Parlement, en réponse aux critiques de l'Union européenne. Toutefois, il apparaît que cette initiative ne réponde pas aux préoccupations de la Commission et de la CJUE. En effet, le nouveau projet de loi prévoit qu’après la suppression de la Chambre disciplinaire, les juges de la Cour suprême qui y siègent aujourd’hui seront transféré.ée.s vers d'autres chambres et qu’un nouvel organe composé de 11 juges serait chargé d’entendre les affaires disciplinaires. Les juges de la Chambre disciplinaire continueraient donc de siéger à la Cour suprême, et une nouvelle chambre serait crée pour entendre les affaires disciplinaires, composée de juges nommé.ée.s avec la participation du même organe politisé (c'est-à-dire le Conseil national de la magistrature, CNM). Ainsi, le risque que le changement proposé soit superficielle et que le système compromis continue à fonctionner sous un autre nom est élevé.

    La CJUE et la CEDH ont toutes deux dénoncé à plusieurs reprises l'impact des réformes judiciaires mises en œuvre dans le pays depuis 2015. Les deux juridictions ont notamment critiqué la composition des tribunaux polonais et les nouvelles règles de nomination des juges au Tribunal constitutionnel[6] et aux différentes chambres de la Cour suprême[7]. Elles les ont jugées incompatibles avec les normes minimales permettant de garantir l'indépendance de la justice et le droit des citoyen.ne.s à une justice indépendante et impartiale administrée par un tribunal légitime établi par la loi et exempt d'intérêts politiques et d'influence indue d'autres pouvoirs de l'État. Plus récemment, la CEDH a estimé que la Chambre civile de la Cour suprême ne répondait pas aux normes requises pour qu'un tribunal puisse être considéré comme indépendant au sens de la Convention européenne.[8]

    Le refus constant des autorités polonaises d’appliquer correctement les recommandations de la Commission et d’exécuter les ordonnances et les décisions des plus hautes juridictions européennes démontre leur mépris des obligations qu'elles se sont engagées à respecter lorsqu'elles ont adhéré aux systèmes régionaux qu'elles représentent. Parallèlement, les autorités de l'État, y compris l’actuel ministre de la Justice et procureur général Ziobro, continuent de saisir le Tribunal constitutionnel, compromis sur le plan politique, pour contester les arrêts de la CJUE et de la CEDH et saper leurs effets dans le système juridique polonais. Non seulement cela nie ouvertement l'autorité de ces tribunaux, mais cela constitue une violation des obligations de la Pologne en vertu des traités de l'Union européenne, à savoir le principe fondamental de la primauté du droit européen sur le droit national.

    Les failles de l'État de droit ont un impact sur les droits sexuels et reproductifs des femmes

    L'affaiblissement de l'indépendance et de l'impartialité de la justice par le gouvernement polonais a un grave impact sur la santé et la vie des femmes et des jeunes filles en Pologne. Le Tribunal constitutionnel, qui est politiquement compromis, a décidé de restreindre la liste des motifs permettant l'accès à l'avortement, ce qui a entraîné une interdiction quasi-totale de l'avortement, avec des conséquences dévastatrices pour la santé et la vie des femmes. Au cours de l'année écoulée, depuis l'entrée en vigueur de cette décision, au moins trois femmes sont mortes après s'être vues refuser des soins de santé génésique vitaux. La situation continue de se détériorer.

    Le recul des droits reproductifs en Pologne et les menaces actuelles de nouveaux retours en arrière sont contraires aux principes fondamentaux de l'État de droit et de la sécurité juridique, ainsi qu'aux principes du droit international qui interdisent aux États de prendre des mesures qui affaiblissent ou suppriment les protections en matière de droits humains. La Pologne refuse systématiquement de se conformer aux arrêts de la CEDH, y compris les arrêts historiques sur les droits reproductifs. En décembre 2021, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a de nouveau appelé les autorités polonaises à prendre d'urgence des mesures pour mettre en œuvre trois arrêts sur l'avortement rendus il y a plus de dix ans. Les autorités n'ont pris aucune mesure significative en réponse à cette demande[9]. Depuis la décision du Tribunal constitutionnel en octobre 2020, des milliers de femmes ont porté leur affaire devant la CEDH, alléguant de multiples violations de leurs droits fondamentaux protégés par la Convention. Les efforts qu'elles déploient pour obtenir justice et réparation en s'adressant à la CEDH alors que leurs droits reproductifs sont continuellement sapés par les autorités polonaises sont une manifestation claire du déni d'accès à la justice en Pologne et justifient le besoin urgent que l'Union européenne réagisse.

    Parmi les autres attaques contre les droits sexuels et reproductifs, citons les tentatives répétées de criminaliser totalement l'avortement tout en alourdissant les peines infligées aux femmes et aux prestataires de soins, ainsi que la proposition d'introduire l'enregistrement obligatoire de toutes les grossesses. Citons également les initiatives visant à créer un Institut de la famille et de la démographie chargé d'intervenir dans un large éventail de procédures judiciaires et administratives, y compris les affaires de divorce et les affaires concernant les familles LGBTI, et d'accéder aux données recueillies par tout organisme public en Pologne, notamment sur les grossesses et les fausses couches.

    La crise de l'État de droit a un impact sur les droits des personnes LGBTI

    Les violations systémiques de l'État de droit ont également un impact direct sur les droits des personnes LGBTI et de leurs défenseur·e.s, qui sont régulièrement attaqué.e.s par le gouvernement et les forces de l'ordre, conformément au programme du parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS). Les personnes LGBTI sont confrontées à de multiples obstacles dès lors qu’elles souhaitent avoir accès à la justice, elles sont victimes de l’ingérence du Ministère de la Justice et du Procureur général dans les procédures judiciaires et voient leur liberté d’expression et de réunion pacifique limitées.[10] Bien que quelques municipalités polonaises aient révoqué les « résolutions anti-LGBTI » à la suite des menaces de retrait des financements de l'Union européenne, environ 80 gouvernements régionaux et locaux en Pologne continuent de se déclarer « contre l'idéologie LGBTI » ou ont mis en place des « chartes des droits de la famille » qui sont discriminatoires. Un projet de loi visant à interdire les marches des fiertés et autres rassemblements publics qui ont prétendument vocation à promouvoir des orientations non hétérosexuelles est actuellement à l'étude au Parlement polonais. Dans le climat actuel, les personnes LGBTI en Pologne sont de plus en plus marginalisées et prises pour cibles, et sont notamment l’objet d’attaques physiques et verbales. Selon les recherches de l'ONG polonaise Campagne contre l'homophobie (Kampania Przeciw Homofobii, KPH), près de la moitié des personnes LGBTI présentent des symptômes de dépression et un nombre croissant d'entre elles (12 %) envisagent de quitter le pays en raison des attaques homophobes et transphobes des autorités.[11]

    L'espace civique

    L'espace civique s'est rapidement détérioré. Confronté.ée.s à d'importantes restrictions et à un accès réduit aux recours effectifs leur permettant de contester les violations des droits, les organisations de la société civile et les défenseur.e.s des droits humains se sont mobilisé.e.s dans toute la Pologne pour dénoncer le recul de l'État de droit et revendiquer leurs droits. Les manifestations organisées dans tout le pays, notamment en réponse à des décisions remettant en cause la primauté du droit européen, ont été réprimées avec violence et des mesures qui portent atteinte aux droits de la société civile à se réunir pacifiquement, à la liberté d’expression et d’association.[12] Les défenseur.e.s des droits humains - en particulier celles et ceux qui travaillent sur les droits et la santé sexuelle et reproductive des femmes, ainsi que des droits des personnes LGBTI - ont été la cible[13] de campagnes de diffamation, de menaces, de violences policières, de harcèlement judiciaire et de poursuites pénales. Les autorités ont systématiquement omis d’enquêter de façon rapide, efficace, approfondie et impartiale sur ces incidents.

    Les réformes qui restreignent les droits humains ou qui pèsent sur le secteur obligent les organisations de la société civile à rester constamment sur la défensive, épuisant leurs ressources et réduisant leur capacité à se concentrer sur leurs missions principales. Il s'agit notamment des réformes du système éducatif, qui renforceraient le contrôle du gouvernement sur les programmes scolaires et les activités extrascolaires et limiteraient considérablement la possibilité pour les organisations de la société civile de mener des activités éducatives sur des questions n’ayant pas l’aval du gouvernement, telle que la lutte contre la discrimination ou une éducation sexuelle complète.[14] Un projet de loi visant à rendre criminellement responsable toute personne fournissant une éducation sexuelle ou des informations sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, que le Parlement a transmis aux commissions compétentes en avril 2020, pourrait être redéposé devant le Parlement pour examen.

    L'accès aux ressources financières est également devenu de plus en plus difficile pour les organisations indépendantes de la société civile. Celles qui travaillent pour la défense de l'État de droit et des droits humains sont confrontées à d'importantes restrictions d'accès aux financements publiques, notamment ceux qui sont administrés par l'Institut national de la liberté, au profit d'organisations pro-gouvernementales. Ces dernières bénéficient également d'un accès privilégié à l'élaboration des politiques et d'un climat politique favorable. Ces changements représentent une menace pour les ONG indépendantes et pourraient conduire à une transformation progressive du tissu de la société civile polonaise.[15]

    Liberté des médias

    La liberté des médias s'est également détériorée au cours des derniers mois, à la suite de l'acquisition par le géant pétrolier PKN Orlen du média Polska Press et du licenciement de ses employé.ée.s, alors même que la loi polonaise sur l'accès à l'information publique est en cours de révision par le Tribunal constitutionnel, organe sous l'emprise du pouvoir politique. Dans le même temps, la Pologne enregistre une augmentation significative des poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPP) visant des journalistes et d'autres organismes de surveillance publique.

    Ces évolutions alarmantes exigent une réponse urgente et ferme de la part du Conseil. L'hésitation persistante des États membres de l'Union européenne à utiliser pleinement la procédure prévue à l'article 7.1 du TUE ne peut que renforcer la détermination du gouvernement polonais et conduire à de nouvelles attaques contre les valeurs de l'Union européenne. Une action immédiate, efficace et concertée du Conseil, soutenue par les autres institutions de l'Union européenne, est nécessaire pour mettre un terme à la détérioration de la situation et répondre aux attentes de la société civile polonaise et européenne, qui s’attendent à que les violations de l'État de droit et des droits humains n'aient pas leur place au sein de l'Union européenne et que ceux qui bafouent ces principes soient tenus de rendre des comptes. Pour aboutir à ce résultat et ne laisser passer aucune violation, le Conseil devrait examiner le respect par la Pologne de toutes les valeurs protégées par l'article 2 du TUE, comme le recommande également le Parlement européen dans sa résolution d'octobre 2021.

    Nous demandons tout particulièrement au Conseil d'adopter des recommandations claires, spécifiques et concrètes que le gouvernement polonais sera invité à mettre en œuvre dans un délai précis. Conformément à l'article 7.1 1 du TUE, nous faisons également appel à vous afin de réunir la majorité des quatre cinquièmes nécessaire pour déterminer qu'il existe en Pologne « un risque clair de violation grave » des valeurs visées à l'article 2 du TUE.

    Nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire et pour discuter davantage.

    Nous vous prions d'agréer, Mesdames et Messieurs les ministres, l'expression de nos sentiments distingués,

    ONG olaidant au niveau de l'Union européenne et/ou au niveau international

    1. Amnesty International
    2. Réseau ASTRA
    3. Centre pour les droits reproductifs
    4. Union des libertés civiles pour l'Europe
    5. CIVICUS
    6. Democracy Reporting International (DRI)
    7. Forum Civique Européen
    8. Réseau européen pour un avortement sans risque
    9. Human Rights Watch
    10. ILGA-Europe - Région européenne de l'Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes
    11. Campagne internationale pour le droit des femmes à l'avortement sans risque
    12. Commission internationale des juristes (CIJ)
    13. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
    14. Réseau européen de la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF EN)
    15. Ipas (Partenaires pour la justice reproductive)
    16. Open Society European Policy Institute (OSEPI)
    17. Protection International
    18. Women's Link Worldwide

    ONG de Pologne

    1. Akcja Demokracja (Pologne)
    2. Autonomia fundacja (Pologne)
    3. Campagne contre l'homophobie (Pologne)
    4. Edukacja w Działaniu (Éducation en action) (Pologne)
    5. Fédération pour les femmes et le planning familial (Pologne)
    6. Fundacja Aktywności Lokalnej (Pologne)
    7. Fundacja Centrum im. prof. Bronisława Geremka (Pologne)
    8. Fundacja Nowej Kultury Bęc Zmiana (Pologne)
    9. Fundacja Panoptykon (Pologne)
    10. Fundacja Równość.org.pl (Pologne)
    11. Fundacja Stocznia (Pologne)
    12. Grande Coalition pour l'égalité et le choix (Pologne)
    13. Green REV Institute (Pologne)
    14. Fondation Helsinki pour les droits humains (Pologne)
    15. Institut des affaires publiques (IPA) (Pologne)
    16. Instytut In.Europa (Pologne)
    17. Kultura Równości (Pologne)
    18. Miłość Nie Wyklucza / L’Amour n’exclut pas (Pologne)
    19. My, Rodzice stowarzyszenie matek, ojców i sojuszników osób LGBTQIA (Pologne)
    20. OFOP - Fédération nationale des ONG polonaises (Pologne)
    21. Ogólnopolski Strajk Kobiet (Pologne)
    22. Otwarta Rzeczpospolita - Stowarzyszenie przeciw   Antysemityzmowi i Ksenofobii (Pologne)
    23. Pro Diversité (Pologne)
    24. Queer UW (Pologne)
    25. Sieć Obywatelska Watchdog Polska (Pologne)
    26. Stowarzyszenie Interwencji Prawnej (Pologne)
    27. Stowarzyszenie Lambda Szczecin (Pologne)
    28. Stowarzyszenie Lambda Warszawa (Pologne)
    29. Stowarzyszenie na rzecz osób LGBT Tolerado (Pologne)
    30. Stowarzyszenie Pracownia Różnorodności (Pologne)
    31. Stowarzyszenie Tęczówka (Pologne)
    32. Studencki Komitet Antyfaszystowski/Comité des étudiants anti-fascistes (Pologne)
    33. Warszawski Klub Sportowy VOLUP (Pologne)

    ONG d'autres Etats membres de l'UE

    1. ACCEPT (Roumanie)
    2. Fondation Aditus (Malte)
    3. Association "Papardes zieds" (Lettonie)
    4. Association autrichienne de planification familiale (OGF)   (Autriche)
    5. (La) Fondation Daphne Caruana Galizia (Malte)
    6. (La) Fédération de la famille de Finlande - Väestöliittory     (Finlande)
    7. Ligue finlandaise pour les droits humains (Finlande)
    8. Association Front / Féminismé-Roumanie (Roumanie)
    9. Ligue hellénique des droits humains (Grèce)
    10. Humanistisch Verbond (Pays-Bas)
    11. Comité Helsinki Hongrois (Hongrie)
    12. Internationale Liga für Menschenrechte (Allemagne)
    13. Ligue des Droits Humains (République Tchèque)
    14. LGBT Ireland (Irlande)
    15. Liga voor de Rechten van de Mens (Pays-Bas)
    16. Ligue des droits de l'Homme (LDH) (France)
    17. Ligue des droits humains (Belgique)
    18. Comité Helsinki des Pays-Bas (Pays-Bas)
    19. (Le) Planning Familial (MFPF) (France)
    20. Ligue portugaise des droits humains - Civitas (Portugal)
    21. Pro familia Bundesverband (Allemagne)
    22. RFSU, l'Association suédoise pour les droits sexuels et reproductifs (Suède)
    23. Rutger (Pays-Bas)
    24. Sedra-Federación Planificación (Espagne)
    25. SeNonOraQuando? (Italie)
    26. Sensoa vzw, le centre d'expertise flamand sur la santé sexuelle (Belgique)
    27. Société pour les analyses féministes AnA (Roumanie)

    ONG de pays non membres de l'UE

    1. Abortion Support Network (Royaume-Uni)
    2. Groupe albanais des droits humains (Albanie)
    3. Commission pour l'administration de la justice (Royaume-Uni / Irlande du Nord)
    4. FOKUS (Forum pour les femmes et le développement) (Norvège)
    5. FRI (Organisation norvégienne pour la diversité sexuelle et de genre) (Norvège)
    6. L’Association des droits humains (İHD) (Turquie)
    7. MSI Choix Reproductifs (Royaume-Uni)
    8. Comité Helsinki Norvégien (Norvège)
    9. Solicitors' International Human Rights Group (Royaume-Uni)

    [1]    CJEU, Ordonnance de la Vice-Présidente de la Cour dans l’affaire C-204/21 R, Commission/Pologne, 14 Juillet 2021; CJEU, Ordonnance de la Cour (Grande Chambre) dans l’affaire C-791/19 R, Commission c.Pologne, 8 Avril 2020.

    [2] CJEU, Ordonnance de la Vice-Présidente de la Cour dans l’affaire C-204/21 R, Commission c.Pologne, 14 juillet 2021

    [3] CJEU, Arrêt (Grande Chambre) du 15 juillet 2021 dans l’affaire C-791/19,Commission c.Pologne ; CJEU, Arrêt (Grande Chambre) du 6 octobre 2021 dans l’affaire C-478/19, Commission c.Pologne.

    [4] CEDH, I Section, Arrêt du 22 juillet 2022 dans l’affaire Reczkowicz c. Pologne, Requête N° 43447/19

    [5]    CEDH, I Section, Arrêt du 7 mai 2021 dans l’affaireXero Flor c.Pologne, Requête N° 4907/18.

    [6] CEDH, I Section, Arrêt du 8 novembre 2021 dans l’affaireDolinska-Ficek et Ozimek c.Pologne, Requêtes N° 49868/19 et 57511/19

    [7]      CEDH, I Section, Arrêt du 3 février 2022 dans l’affaireAdvance Pharma c.Pologne, Requête N° 1469/20.

    [8] Fondation Helsinki pour les droits de l’Homme (HFHR), Sąd nad sądem. Zmiany wokół Sadu Najwyższego w latach     2017-2021, disponible à l’adresse suivante : https://www.hfhr.pl/wp-content/uploads/2021/12/Sad-nad-sadem-FIN.pdf.

    [9] Voir le chapitre sur la Pologne dans le rapport soumis par ILGA-Europe dans le cadre de la consultation organisée en 2022 par la Commission et portant sur l’État de droit. Ce rapport est disponible à l’adresse suivante : https://ilga-europe.org/sites/default/files/Attachments/ILGA-Europe%20submission%20to%202022%20EC%20Rule%20of%20Law%20Report.pdf

    [10] CM/Del/Dec(2021)1419/H46-25,Tysiąc et R.R. (Requêtes N° 5410/03, 27617/04), P. et S.(Requête N° 57375/08) c.Pologne, Décision du 22 décembre 2021

    [11] Campagne contre l’homophobie, Centre de recherche sur les préjugés de l’Université de Varsovie et Lambda Warszawa : « The social situation of LGBTA people in Poland in the years 2019-2020 », disponible à l’adresse suivante : https://kph.org.pl/wp-content/uploads/2021/12/Rapot_Duzy_Digital-1.pdf

    [12] https://findings2021.monitor.civicus.org/europe-central-asia.html#countries-of-concern

    [13] https://monitor.civicus.org/updates/2022/01/21/ongoing-violations-civic-freedoms-polandbelarus-border-further-threats-lgbtqi-rights/ ; https://bip.brpo.gov.pl/sites/default/files/Raport%20%20KMPT%20z%20wizytacji%20jednostek%20policyjnych%20po%20zatrzymaniach%20w%20Warszawie%207.08.2020,%20%207.09.2020.pdf.

    [14] https://astra.org.pl/polish-minister-tightens-the-states-control-over-educational-system/; https://civicspacewatch.eu/wp-content/uploads/2022/01/Poland.pdf

    [15] https://civicspacewatch.eu/wp-content/uploads/2022/01/Poland.pdf.

  • Passez à l'action : 16 campagnes en faveur des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes

    Partout dans le monde, des femmes défenseures des droits, courageuses et déterminées, agissent sur tous les fronts, de la défense de l'égalité, de l'accès et de la justice à la lutte contre la corruption, les violations de l'environnement et même la persécution de leurs collègues militants. Pour beaucoup, la pandémie de COVID-19 a rendu encore pire un environnement opérationnel déjà difficile : un nombre croissant de gouvernements se sont servis de la COVID-19 comme d'un prétexte pour mettre en place des mesures répressives qui étouffent la société civile, ainsi que pour faire reculer les progrès réalisés en matière d'égalité des sexes et de droits reproductifs. Pourtant, la lutte continue. Voici 16 mouvements et campagnes animés par des personnes que vous pouvez soutenir au cours de ces 16 jours d'activisme.

  • PERU: ‘The ultra-conservative tide is affecting democratic life and fundamental rights’

    Eliana CanoAs part of our 2019 thematic report, we are interviewing civil society activists and leaders about their experiences of backlash from anti-rights groups and their strategies to strengthen progressive narratives and civil society responses. CIVICUS speaks toEliana Cano, founder of Católicas por el Derecho a Decidir – Peru (Catholics for the Right to Decide – CDD-Peru), a Catholic and feminist movement committed to the pursuit of social justice and the change of cultural patterns that limit women's autonomy and their sexual and reproductive rights. CCD-Peru has recently been sued by the Tomás Moro Legal Centre, which wants to strip it of its legal status on the basis that, within the framework of an agreement between the Vatican State and Peru, it should not be using the term ‘Catholics’.

    CDD-Peru is being sued to have its legal personality withdrawn and prevented from calling itself 'Catholic'. Who is suing you, what do they have against you, and what are they trying to achieve?

    About a month and a half ago we were notified that the Santo Tomás Moro Legal Centre, which is a self-appointed representative of the Catholic Church, had brought a lawsuit against us. According to the lawyers who are advising us, this group began to look into the work done by our organisation about a year ago. They decided to sue us in the civil courts because they want to make this a long, tedious, tiring process, one of permanent appeal. The whole thing can take up to three or four years. Basically, their strategy is to drain us of energy in the process.

    They want us to cease to exist as a registered organisation, recognised by the National Superintendency of Public Registries. In other words, they want us to lose our legal status and not be able to continue operating in Peru. They argue that, by calling ourselves what we do, we are disrespecting the Catholic Church and its parishioners. They say that, in light of the existing agreement between the Vatican State and Peru – which recognises the role of the Catholic Church – we are using the term 'Catholic', which represents an institution and a historical identity, in bad faith. They do not accept the interpretation we make of biblical texts on the basis of feminist theology in order to question dogma, imposed conscience and control of people in the name of God. It is important to note that our organisation is not registered with the Catholic Church as a faith group, and therefore is not subject to the internal mandate of the Church.

    You have been around for a few years. Is this the first time you have faced such reaction?

    Indeed, the project of Catholics for the Right to Decide is quite old in Latin America. It began in Uruguay and then spread to the USA, and from there it passed on to Mexico and other countries of Latin America. In Peru the organisation has had a legal existence since 2009. We organised ourselves because we identify as feminists with a Catholic identity. We see ourselves as Catholic women of faith, but we have a critical view of dogma, of static and closed thought, especially where issues related to sexual and reproductive rights are concerned, as body and sexuality are a terrain where political battles are fought. In Peru there has always been a very homogenous public voice around the Gospels and the right to command over the bodies and lives of women, and we, by questioning this from the position of our Catholic identity, have received a rather aggressive response by the hierarchy of the local Catholic Church and groups linked to it.

    The first public attack happened on the occasion of the debate around the definition of a protocol for therapeutic abortion: abortion that is justified for medical reasons, when there are serious risks to the woman’s health or life. It was an attack tinged with the same resources these groups always use, based on defamation, vilification and lies. But in this case attacks basically took the form of verbal and written attacks on social media.

    Conservative groups know how to manage social media and constantly attack us publicly for everything we do that deviates from dogma or homogeneous discourse. However, this is the first time we have faced a lawsuit, and we were not expecting an attack so direct and of such magnitude. Maybe we should have foreseen it, since in Latin America, and in Peru specifically, ultra-conservative groups have penetrated deeply into the political structure of the country and are affecting democratic life.

    It would seem that these ultra-conservative groups are now larger and more emboldened than they used to be. Why is that?

    When looking back you realise that for several decades a global and regional response has developed to discourage and weaken the liberation theology discourse, which put the emphasis mostly on poverty. With a questioning discourse within the Church that extended to other areas of life, liberation theology made the most hardcore conservative elements of the Church very uncomfortable. The reaction against it has been sustained. It has made a lot of progress, to the point that today a highly organic network has become visible, which has bases in various Latin American countries and its own publications, conferences and considerable economic resources. Its presence began to make itself felt strongly in 2005, when the Center for Family Promotion and Regulation of Birth (Ceprofarena) organised the Second International Pro-Life Congress in the capital, Lima. This congress produced a document known as the Lima Declaration, an expression of the agreement reached by conservative groups.

    Ceprofarena has existed since the early eighties. It maintains close links to Human Life International, a powerful international conservative organisation, and among its members are renowned physicians and senior state officials, including former health ministers. The organisation acts within numerous medical and health organisations, both public and private. These actors put conservative ‘scientific’ discourse at the service of abuses such as the denial of emergency oral contraception, an issue on which they successfully took on the Ministry of Health. They sued the Ministry, bringing to court the right to information and choice of thousands of women, and succeeded in achieving the prohibition of the distribution of emergency contraception by all health services nationwide. Now they are campaigning to dismantle the therapeutic abortion protocol established during the 2011 to2016 period.

    The network of conservative organisations in Peru also includes the Office for Latin America of the Population Research Institute, based in Lima; the Peruvian headquarters of the Latin American Alliance for the Family, which promotes classic family formats and produces and disseminates school books; of course older organisations such as Opus Dei, which does local development and support work and is deeply embedded in educational spaces, as well as within the bureaucracy of the Church; and the Sodalicio de la Vida Cristiana, an organisation of lay people.

    These groups have a lot of money that comes from the conservative business sector and have appropriated effective strategies and discourses. This lawsuit is a practical strategy that denotes a change in their way of organising. They no longer speak the language of the divine and the clerical because they know that it attracts fewer and fewer people; instead they have appropriated the discourse of democracy and human rights.

    Are you thinking of new strategies to face this growing challenge?

    In the present scenario we view ourselves as in need of strengthening our communication strategies. We also need to strengthen our resourcing, since we do not have funds to face a lawsuit of this magnitude. International funders do not necessarily provide support that can be used to develop institutional defence plans. But at present, this is a profound need of human rights organisations. In our case, fortunately the Legal Defence Institute, which had already taken on similar cases affecting journalists, became interested and decided to sponsor the case as part of its institutional priorities. They consider that this is an "ideological fight" and that questioning our name is a "pretext" to make us disappear as influential actors. Theirs has been a gesture that we are infinitely thankful for.

    As far as discourse is concerned, however, we should not move from our positions, but rather show that the appropriation of the discourse of human rights and democracy by ultra-conservative groups is as superficial as disrespectful of democratic principles. As happened recently with the ‘Do not mess with my children’ campaign – against education about gender equality and respect for sexual identities – their discourse tends to become very aggressive every time they feel cornered. They seem to be desperate, because deep down they do nothing but react in the face of newly acquired rights.

    And the situation has indeed progressed, because this is not just us – new generations are mobilised and lots of people who are respectful of freedom and diversity and who uphold guarantees for rights are gaining ground. It is not just three or four old-time feminist organisations that are active in Lima; there are also the voices and faces of young people organised in universities, people in communities in various regions of Peru who think critically, do not accept dogmas, even react in a sarcastic tone to that type of discourse and perspective.

    Of course there is always a Catholic youth following that responds to the Pope and has decided to stay within the ultra-conservative field, but there is also youth social mobilisation around many issues, and with their help many aspects of the sexual and reproductive rights agenda are permeating the public debate. I think this is causing ultra-conservative groups to despair, and that is why they are reacting with such anger, frustration and, I would even dare say, hate. That is, they react with attitudes that are nowhere close to mercy, kindness, humility, understanding and non-judgement.

    Why does the fact that you define yourselves as both Catholics and feminists cause this type of reaction?

    We are women of faith and religion is part of our identity. We have been raised Catholic, and in that context the message that was instilled in us was one of obedience, prohibition and oppression. As we grew up, we rebelled against this and other aspects related to the control of our lives and their sexual dimension. We identify ourselves as Catholic on the basis of a renewed interpretation, but we do not renounce our faith. We are aware that Catholicism is not only a matter of faith, but it also operates within or materialises in an institution, and as such it includes both positive and negative practices that have an impact on the lives of many people, and specifically on its members.

    At the same time, we all come from organisations with a feminist identity. We are feminists and we question patriarchy as a system of asymmetric power relations, but we do not renounce our faith. We always ask ourselves these questions: why should our religion have to have one single voice, uniform and unquestionable? Why obey in silence and validate sacrifice and suffering in our own lives and bodies? We find a foothold in feminist theology, which offers a deconstruction and reconstruction of the Gospel. These conceptual and political tools strengthen our conviction and our public struggle for sexual and reproductive rights.

    High Church officials tell us: ‘you are not Catholic, who are you to speak in the name of Catholicism?’ We respond: ‘what makes you a Catholic, what allows you to trample rights in the name of God?’ We have claimed ownership of the language of the Gospel that focuses on the right of people to deliberate in conscience, to discern and to decide, and this bothers them. I am a Catholic, I was baptised and I am guided by feminist theology. You cannot question my faith, just as I cannot question yours. This is a very hard fight, because it is easy to fall in the face of a mass telling you that you are not one of them. From the beginning we knew that we would face disqualification, defamation and lies; we did not, however, think that the attacks would become as violent as those we are currently experiencing on social media, as well as in the form of a lawsuit.

    Given that the experience of faith cannot be taken away from us, what they are trying to do is take away our legal status, make us disappear. We represent a danger because we are not just a few. In fact, more and more people are increasingly getting to know us and identify with us. We represent the position of many people who do not necessarily have the opportunity to articulate this strand of thought publicly, but who feel it and live by it. There is a wide and diverse congregation that does not think the same way as the Church hierarchy and considers that the ultra-conservative response to public policy is more suitable to Inquisition times than today. According to polls, most Catholics disagree with the Church hierarchy on many important issues, such as homosexuality, which they do not consider to be an illness or a divine punishment, or same-sex marriage. Choosing an abortion in specific life circumstances is a highly ethical and responsible decision, and it does not make you a bad woman, a lesser Catholic, or a bad mother. Using contraceptives to regulate motherhood and fatherhood or enjoying a sexual relationship without procreating is not prohibited by the Gospels. The state of virginity is losing its divine quality and this is freeing women from feelings of guilt, even in societies such as Latin America’s, where governments and the Catholic Church have always worked in concert to regulate people’s lives. Still today they support one another every time one of them loses credibility.

    How else are you trying to encourage a distinction between private faith and public policy?

    Ours is also a struggle for a secular state, a state that is separated from all churches. This is very difficult to achieve in practice, since the Catholic Church and the Peruvian state maintain strong institutional ties. However, short of achieving constitutional and legal separation between Church and state, there is another fight to be had in the sphere of collective attitudes. Many people – politicians, public officials, civil servants – reach the public sphere without giving a thought to the importance of separating religious beliefs from public function. As a result, many lawmakers and public officials make decisions based on their religious beliefs. It is very common to find crucifixes, chapels and religious images in ministry buildings. In our everyday lives religion surrounds us and limits us; there are no clear boundaries between religious practice and public functions.

    Ultra-conservative groups set themselves on this ground and seek to further expand the dictates of a religion that presents itself as homogeneous, with the intention of forcing all citizens to live according to their own beliefs and mandates. The problem is not religion in itself; the difficulty lies with the political use of religion within the political-public sphere, where there is a duty to guarantee human rights.

     

    Civic space in Peru is rated as ‘obstructed’ by theCIVICUS Monitor.

    Get in touch with Católicas por el Derecho a Decidir-Perú through their webpage and Facebook

  • POLOGNE : « Nous avons inventé de nouvelles formes de protestation parce que nous n’avions pas d’autre choix »

    CIVICUS s’entretient avec Klementyna Suchanow, activiste, auteure et chercheuse basée à Varsovie, en Pologne, au sujet de l‘annonce récente du gouvernement polonais d’entamer le processus de retrait de la Convention d’Istanbul sur la violence contre les femmes. Klementyna est l’une des fondatrices de laGrève des femmes polonaises et de la Grève internationale des femmes. La grève des femmes polonaises est un mouvement féministe de base fondé en 2016 pour défendre les droits des femmes contre l’initiative du gouvernement visant à interdire et à criminaliser l’avortement. Pendant la pandémie de la COVID-19, le mouvement est resté uni et actif grâce à un groupe Facebook et continue de se mobiliser pour les droits des femmes polonaises.

  • Protéger les libertés civiques des femmes pour renforcer leur rôle dans la vie publique

    Vingt cinq ans après la ratification du programme d'action de Beijing et un an après la grève mondiale des femmes organisée dans le monde entier, la justice pour les femmes n'est toujours pas une réalité pour la plupart d’entre elles. Malgré les mobilisations de masse à l'échelle mondiale, dont les femmes sont le fer de lance, et malgré les nombreuses campagnes et interventions politiques orchestrées par des femmes leaders de la société civile, des activistes et des spécialistes du droit, les femmes du monde entier continuent de lutter pour obtenir une pleine égalité.

  • TUNISIE : « La réponse officielle n'a pas pris en compte les aspects de genre de la pandémie »

     À la veille du 25ème anniversaire duProgramme d’Action de Beijing, qui aura lieu en septembre 2020, CIVICUS s’entretient avec des personnes activistes, dirigeantes et expertes de la société civile pour évaluer les progrès accomplis et les défis qu’il faut encore surmonter. Adopté en 1995 lors de laQuatrième Conférence Mondiale sur les Femmes des Nations Unies, le Programme d'Action de Beijing poursuit les objectifs d'éliminer la violence à l'égard des femmes, de garantir l'accès à la planification familiale et à la santé reproductive, d'éliminer les obstacles de la participation des femmes à la prise de décisions, et à la création d'emplois décents et d'un salaire égal pour le même travail. Vingt-cinq ans plus tard, des progrès importants mais inégaux ont été réalisés, en grande partie grâce aux efforts inlassables de la société civile, mais aucun pays n'a encore atteint l'égalité des sexes.

    CIVICUS et le Réseau des ONG Arabes pour le Développement (ANND) s'entretiennent avec Ramy Khouili, directeur de l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD). Fondée en 1989 par le mouvement féministe autonome en réponse au féminisme d'État, ATFD promeut l'égalité des sexes dans tous les domaines, de la sphère politique aux droits socio-économiques, y compris les droits sexuels, corporels et reproductifs des femmes, et lutte contre toutes les formes de discrimination et de violence à l'égard des femmes.

    Tunisia Interview

    Quelle est la situation des droits des femmes en Tunisie ? Quels ont été les progrès jusqu'à présent ?

    Environ un mois après l'indépendance, en 1956, le Code du Statut Personnel a été promulgué. À ce jour, ce code est toujours considéré comme le plus progressiste et révolutionnaire de la région, car il a aboli la polygamie, institué le mariage civil et aboli la répudiation et de nombreuses autres formes de dégradation des femmes. Depuis lors, nous avons eu une situation très particulière, puisque le féminisme d'État a prévalu dans la sphère publique. Bien que nous ayons vécu sous une dictature pendant près de 50 ans, la Tunisie a toujours été saluée comme un bon exemple pour la région en matière de droits des femmes. Cet éloge a pris les femmes en otage, leur refusant le droit à une véritable égalité. En réponse à cela, un mouvement féministe autonome a été fondé qui s'est donné pour mission de dénoncer le fait que la situation n'était pas aussi bonne que le régime la présentait, ce qui lui a provoqué de nombreux problèmes.

    Après la révolution de 2011, il y a eu une résurgence des groupes islamistes et conservateurs, de sorte que les droits des femmes ont été menacés. Entre 2011 et 2014, lors du processus d'élaboration d'une nouvelle constitution, la majorité islamiste a tenté d'imposer le concept de « complémentarité » entre hommes et femmes, remplaçant celui d'égalité. Les organisations de la société civile (OSC) ont dû faire de nombreux efforts et de nombreuses mobilisations de rue ont dû être organisées pour l'éviter. Par conséquent, l'article 21 de la Constitution tunisienne établit désormais clairement que les femmes et les hommes sont égaux devant la loi et interdit toutes les formes de discrimination.

    C'est grâce à ce mouvement social qu'une constitution a été obtenue qui est considérée comme la plus progressiste de la région. Son article 46, un ajout de dernière minute, reconnaît le rôle de l'État dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Il établit que l'État a la responsabilité de promouvoir et de protéger les droits des femmes et interdit tout retour en arrière dans la reconnaissance de ces droits.

    Depuis lors, nous avons obtenu d'autres modifications juridiques. En 2016, une loi contre la traite a été approuvée, et en 2017, une loi contre la violence a été approuvée. Celle-ci était la première de ce type dans la région et a été rédigée principalement par des activistes de la société civile et des organisations féministes. En termes de représentation politique, la loi sur les partis politiques adoptée en 2011 a établi que toutes les listes électorales doivent avoir une parité hommes-femmes.

    Quels défis persistent ?

    La situation réelle diffère de ce que dit la loi, car les inégalités sont encore très présentes. De nombreuses pratiques discriminatoires persistent de fait. Les statistiques sont alarmantes. La moitié des femmes ont été victimes d'au moins une forme de violence. Les crises socioéconomiques ont des effets plus graves sur les femmes que sur les hommes. Chez les femmes, le taux de chômage est presque le double de celui des hommes. L'accès des femmes à la terre est limité : seulement 4% des femmes possèdent des terres, bien qu'elles constituent près de 90% de la main d'œuvre agricole.

    Pendant longtemps, la Tunisie a été présentée comme un bon exemple en matière de planification familiale et de santé reproductive, car elle a mis en place des programmes de planification familiale et de santé reproductive dès les années 1950 et 1960 et a accordé aux femmes le droit à l'avortement au début des années 1970, avant même de nombreux pays européens. Cependant, depuis la révolution, nous avons remarqué que les autorités de l'État ont pris du recul dans le domaine des services sociaux, en particulier l'éducation, la santé et la santé sexuelle et reproductive. L'accès aux méthodes contraceptives et à l'avortement devient de plus en plus limité et les besoins non satisfaits en matière de droits sexuels et reproductifs augmentent, ce qui est alarmant.

    En 2019, avec d'autres OSC tunisiennes, nous avons présenté un rapport alternatif retraçant les progrès accomplis vers les objectifs de la Déclaration et du Programme d'Action de Beijing et soulignant les défis futurs. Notre rapport offrait une perspective différente de celle du gouvernement tunisien. L'une de nos plus grandes préoccupations est que la Tunisie est un pays à majorité musulmane et lorsque la Déclaration et le Programme d'Action de Pékin ont été adoptés, l'État tunisien a présenté, en commun avec d'autres pays à majorité musulmane, une déclaration avertissant qu'il ne s'engagerait dans aucune mesure qui pourrait contredire les valeurs de l'islam. L'article 1 de la nouvelle Constitution établit que la Tunisie est un pays musulman. La déclaration susmentionnée est toujours valable. Bien qu'il ait levé la plupart de ses réserves concernant la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, l'État tunisien n'a pas levé toutes ses réserves concernant la Déclaration et le Programme d'Action de Beijing. Il reste donc des défis à relever tant en droit qu'en pratique.

    Comment la pandémie du COVID-19 a-t-elle exacerbé ces défis et que fait la société civile pour y faire face ?

    Au début de la pandémie du COVID-19, l'ATFD a lancé un avertissement aux autorités tunisiennes dans lequel elle exprimait ses inquiétudes concernant la période de quarantaine, durant laquelle de nombreuses femmes ont dû rester chez elles avec leurs agresseurs. Nous avions raison, car le nombre de cas de violence sexiste a continué de croître pendant la quarantaine. Le Ministère des Affaires de la Femme a déclaré que le nombre d'appels reçus via le numéro de téléphone d'urgence créé par le gouvernement a été multiplié par cinq. Dans nos centres d'attention, nous avons également observé une recrudescence, car le nombre de femmes victimes de violence qui ont sollicité notre soutien a augmenté. La situation est devenue plus difficile lorsque les gens ont commencé à agir de manière plus agressive. Par ailleurs, il est devenu de plus en plus difficile de se rendre au poste de police ou de demander des services de santé, de sorte que l'accès aux services a diminué. Les femmes se sont senties isolées et ont été forcées de continuer à vivre avec leurs agresseurs pendant la quarantaine.

    La plupart des tribunaux ont fermé pendant la quarantaine et nous avons dû faire du lobby auprès du Conseil Supérieur de la Magistrature et du Ministère de la Justice pour inclure les cas de violence à l'égard des femmes parmi les cas d'urgence qui seraient traités pendant la quarantaine. Heureusement, notre demande a été acceptée.

    L'accès aux services de santé sexuelle et reproductive a également été affecté car, par crainte du virus, les femmes n'ont pas pu sortir et chercher ces services. Nous avons dû collaborer avec le Ministère de la Santé Publique et le Ministère des Affaires de la Femme pour trouver des solutions à cette situation, et maintenant nous essayons de trouver un moyen d'assurer la continuité des services de santé reproductive.

    En outre, les droits socio-économiques des femmes ont été gravement affectés. En raison de la crise économique provoquée par la pandémie, de nombreuses femmes ont perdu leurs emplois ou ne perçoivent pas leurs salaires. De nombreuses femmes en Tunisie travaillent dans le secteur informel, elles n'ont donc pas pu continuer à travailler et se sont retrouvées sans aucun revenu. Cela affecte leur capacité à prendre soin d'elles-mêmes et de leurs familles. Avec un groupe de travailleurs domestiques, nous avons fait une étude sur la situation des travailleurs domestiques en Tunisie. La situation est vraiment alarmante car les travailleurs domestiques ne peuvent pas travailler pendant la quarantaine et n'ont pas d'autre source de revenus. Malgré le fait que le secteur informel représente une grande partie de l'économie, les mesures prises par le gouvernement pour accorder une aide d'urgence ne s'appliquent qu'au secteur formel. À son tour, le soutien du gouvernement a été destiné aux familles et, selon la loi tunisienne, les hommes sont les chefs de famille, donc l'argent a été reçu principalement par des hommes. En cas de conflit, violence ou séparation, les femmes n'ont pas accès à l'aide gouvernementale.

    Nous avons fait beaucoup de travail de plaidoyer auprès des autorités car la réponse officielle n'a pas pris en compte les aspects de genre de la pandémie. Nous avons travaillé avec la plupart des ministres. Nous avons eu rendez-vous avec la plupart des départements ministériels pour les sensibiliser. Nous avons envoyé des documents politiques et publié des lettres ouvertes. Nous continuons à fournir des services dans nos centres d'attention, qui continuent de fonctionner. Nous avons également adapté ces services afin qu'ils puissent être fournis par téléphone. Nous avons lancé une campagne contre la violence à l'égard des femmes pendant la pandémie, qui a été suivie par des milliers de personnes et a connu un grand succès. En conséquence, le département Facebook pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord nous a contactés et nous travaillons maintenant avec eux pour amplifier l'impact de nos futures campagnes. Nous établirons également des canaux de communication avec Facebook pour signaler les violences et les expressions de haine sur les réseaux sociaux.

    Quelles restrictions aux libertés d'association, d'expression et de manifestation avez-vous rencontrées pendant la pandémie, et comment tentez-vous de les surmonter ?

    Nous n'avons fait face à aucune restriction de la part du gouvernement, mais notre présence dans les espaces publics a été affectée par l'impossibilité d'organiser des manifestations. Nous sommes habitués à sortir lors de manifestations, car occuper l'espace public pour dire « nous sommes ici et revendiquons ceci ou cela » est une tactique qui fonctionne. Et maintenant, nous ne pouvons pas le faire. Mais nous sommes en train d'entrer dans une nouvelle phase de mise en quarantaine et ce sera peut-être bientôt un peu plus facile, donc nous pensons déjà à de nouvelles manières de protester tout en respectant les mesures de distanciation sociale. Nous réfléchissons à la manière d'adapter nos tactiques de mobilisation. Nous nous concentrons sur les réseaux sociaux, ainsi que les médias traditionnels, pour communiquer nos messages et parler des problèmes auxquels nous sommes confrontés, et toucher la plus grande quantité possible de personnes. Nous essayons également de diversifier nos médias pour atteindre différents publics.

    Nous établissons également une coalition avec le syndicat des journalistes, la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme et d'autres organisations pour travailler sur l'impact de la réponse à la pandémie sur les droits humains.

    De nombreux donateurs et partenaires ont été très flexibles car il était évident que nous ne pouvions pas continuer à fonctionner comme si rien n'avait changé. Nous avons dû adapter bon nombre de nos activités, en reporter d'autres et utiliser plus du budget pour l'aide sociale. La plupart de nos homologues ont été compréhensifs et nous avons eu de bonnes discussions avec eux pour réajuster nos plans à la situation causée par la pandémie. Cependant, nous avons eu des problèmes avec des donateurs qui ont baissé les salaires pendant cette période.

    En plus de faire face aux problèmes les plus urgents, nous sommes également impliqués dans un processus de réflexion interne et avec nos partenaires. Nous voulons voir des changements positifs à la suite de la pandémie. Nous voulons une société plus juste et plus égalitaire où toutes les personnes se sentent incluses. La pandémie a révélé certains problèmes sous-jacents que le gouvernement a longtemps préféré ignorer, mais qui devront maintenant être résolus, tels que la défaillance du système de santé.

    De quel soutien la société civile tunisienne a-t-elle besoin de la part de la communauté internationale ?

    La principale forme de soutien est de travailler ensemble. Nous devons travailler ensemble parce que nous avons de l'expérience sur le terrain, tandis que les organisations internationales ont des réseaux plus larges, sont capables de travailler dans une variété de contextes, ont accès aux mécanismes internationaux et ont la capacité d'influencer l'agenda international. Pour qu'une alliance soit efficace, elle doit travailler simultanément pour influencer à la fois aux niveaux national et international. La pandémie a montré que certains des plus grands problèmes ne peuvent pas être attaqués au niveau national, mais que nous devons travailler au niveau international et en collaboration avec des réseaux régionaux. Si nous mettons ces deux choses ensemble, je pense que nous pouvons avoir un impact plus important.

    L'espace civique en Tunisie est classé comme « obstrué » par leCIVICUS Monitor.
    Contactez l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates via sa pageFacebook et suivez@atfd_tunisie sur Twitter etfemmes_democrates sur Instagram. 

  • TURQUIE : « Se retirer de la Convention d’Istanbul signifierait que nous ne croyons pas en l’égalité des genres »

    À l’occasion du 25ème anniversaire duProgramme d’Action de Beijing, CIVICUS s’entretient avec des activistes, des dirigeants et des experts de la société civile pour évaluer les progrès accomplis et les défis qui restent à surmonter. Adopté en 1995 lors de la quatrièmeConférence mondiale des Nations Unies (ONU) sur les femmes, le Programme d’Action de Beijing poursuit les objectifs d’éliminer la violence contre les femmes, de garantir l’accès au planning familial et à la santé reproductive, d’éliminer les obstacles à la participation des femmes à la prise de décision et de fournir un emploi décent et un salaire égal pour un travail égal. Vingt-cinq ans plus tard, des progrès importants mais inégaux ont été faits, en grande partie grâce aux efforts incessants de la société civile, mais aucun pays n’a encore atteint l’égalité des genres.

    CIVICUS s’entretient avec Elif Ege, une volontaire de Mor Çatı, une organisation de la société civile fondée par des féministes turques il y a 30 ans pour lutter contre la violence envers les femmes (VEF). Mor Çatı dirige un centre de solidarité et le seul refuge indépendant pour femmes de Turquie. Elle s’attache à fournir aux femmes un soutien juridique, psychologique et social, et à encourager l’élaboration de politiques féministes, en rédigeant des lois, en faisant pression sur le gouvernement pour qu’il les applique et en contrôlant leur mise en œuvre.

    ElifEge

    Quelle est la situation des droits des femmes en Turquie ?

    En Turquie, nous avons obtenu de nombreux résultats en matière de droits des femmes et d’égalité des genres. Dans une certaine mesure, les féministes ont été impliquées dans les processus législatifs. Si l’on compare les lois de différents pays, on constate que nous avons une bonne loi sur la VEF, qui est très complète et qui, si elle était appliquée correctement, consacrerait les droits des femmes victimes de violences. Mor Çatı est l’une des organisations qui ont participé à son processus de rédaction. Nous faisons partie du mouvement des femmes qui a été la force motrice de cette loi. Avec le recul, nous constatons que le principal problème est celui de sa mise en œuvre. En outre, ces dernières années, nous nous sommes battus pour préserver les lois qui consacrent les droits des femmes. Il ne s’agit plus seulement de la mise en œuvre, mais aussi de veiller à ce que ces lois soient respectées. Le gouvernement a tenté à plusieurs reprises de les abroger.

    La situation des droits des femmes s’est détériorée. Un principe fondamental que notre organisation a défendu est que la VEF est étroitement liée à l’inégalité entre les genres : elle découle de la discrimination et de l’inégalité entre les femmes et les hommes. En Turquie, nous avons entendu des déclarations de hauts fonctionnaires du gouvernement qui ont explicitement affirmé que les hommes et les femmes ne sont pas égaux. Nous essayons activement de lutter contre cette mentalité qui n’accepte pas l’égalité des genres.

    De plus, il n’existe pas de données officielles sur la VEF, il nous est donc impossible de connaître les chiffres exacts. Nous ne pouvons collecter des données qu’auprès des femmes qui nous contactent, et ces données montrent qu’à l’heure actuelle, la VEF est très élevée. Nous savons que les femmes de différents secteurs de la société subissent des formes de violence très différentes. Au vu de cette escalade de la violence et des déclarations publiques préjudiciables à l’égalité des genres, je dirais que la situation se détériore.

    Quels sont les principaux défis dans le cadre du processus Beijing+25 et de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 ?

    L’élimination de la VEF est l’un des principaux défis à relever. C’est pourquoi nous continuerons à mettre cette question à l’ordre du jour dans le cadre de notre mobilisation autour du processus Beijing+25.

    Avec d’autres organisations féministes et de femmes turques, telles que Women for Women’s Human Rights-New Ways, Mor Çatı a historiquement participé à des réunions internationales et à des actions de plaidoyer transnationales. Nous partageons nos connaissances et notre apprentissage et construisons une solidarité sur la scène internationale. Nous avons participé au processus de Beijing+25 et à la mise en œuvre de l’Agenda 2030 en mettant l’accent sur la VEF, et avons apporté notre expertise sur cette question.

    Ces mécanismes sont utilisés pour pousser le gouvernement à prendre des mesures sur la base de recommandations générales. Les organisations de défense des droits des femmes ont une longue tradition de participation et d’utilisation de ces mécanismes internationaux. Mais il y a eu un changement dans la position du gouvernement turc. Vers 2000, le gouvernement était plus réceptif à ces mécanismes et « écoutait » leurs recommandations, mais nous assistons aujourd’hui à une régression.

    Dans le passé, nous avons connu quelques progrès. Au fil des ans, dans le cadre des réunions de suivi de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a recommandé au gouvernement de procéder à certains changements, et nous avons constaté que ces changements étaient en cours. Le nombre de refuges n’était pas suffisant, et maintenant nous avons plus de refuges. Mais ce que nous constatons aujourd’hui, c’est l’absence d’une approche féministe. C’est un problème majeur que nous constatons dans les refuges.

    L’avortement est également un gros problème. Sur cette question aussi, nous avons une loi qui donne ce droit aux femmes. L’avortement est légal, mais cette loi n’est pas appliquée. Dans la pratique, l’avortement est refusé dans les hôpitaux publics et, dans certains cas, également dans les hôpitaux privés. À l’heure actuelle, les femmes n’ont pas facilement accès à l’exercice de leur droit à l’avortement.

    Dans quelle mesure la pandémie de COVID-19 a-t-elle exacerbé ces défis, et quel rôle la société civile a-t-elle joué pour les relever ?

    Pendant la pandémie, nous avons travaillé dur, comme toutes les organisations travaillant sur la VEF. On peut dire que les conditions se sont détériorées, car tous les mécanismes de soutien censés prévenir la violence et protéger les femmes ont échoué. Même avant, la situation n’était pas bonne, mais maintenant elle s’est aggravée. Ce n’est pas seulement le taux de violence qui a augmenté, mais tout le mécanisme s’est effondré. Nous avions déjà des problèmes avec les forces de police auparavant. Selon la loi, lorsqu’une femme vient demander secours à la police, celle-ci doit immédiatement l’emmener dans un refuge pour femmes. Mais au lieu de cela, les agents de police adoptaient un comportement dissuasif, donnant aux femmes de fausses informations pour tenter de les faire changer d’avis et les faire retourner dans l’environnement violent de leur foyer. Nous avons eu beaucoup de difficultés avec cette question avant la pandémie, mais pendant la pandémie, la situation s’est aggravée. La pandémie a servi d’excuse à ce comportement, car il est devenu facile pour la police de mentir aux femmes en leur disant que les refuges étaient fermés, même si ce n’était pas vrai. Ce n’est qu’un exemple. Nous n’avions pas non plus de mécanisme de soutien psychologique en ligne, ce qui signifie que les femmes se retrouvaient seules dans un environnement familial violent.

    Les médias sociaux sont devenus un outil important pour nous. Nous les utilisions déjà bien avant, mais pendant la pandémie, leur utilisation s’est intensifiée. Nous les avons utilisés pour fournir des informations aux femmes et les informer de leurs droits. En Turquie, il n’y a pas eu de confinement complet, il y a eu quelques exceptions. Il incombait au gouvernement d’informer les femmes que l’une des exceptions était la VEF : en cas de violence, elles étaient toujours autorisées à se rendre dans un poste de police. Mais l’annonce n’a pas été rendue publique, et c’est donc nous qui avons dû fournir ces informations. Nous avons également partagé beaucoup d’informations que nous avons recueillies sur les problèmes d’interaction avec la police, avec les associations d’avocats et avec d’autres institutions publiques. Nous avons fait des posts à ce sujet sur Twitter, Facebook et Instagram afin que le public soit informé. Nous avons déposé de nombreux rapports, collecté beaucoup d’informations et de données et les avons présentées au public. Nous avons également continué à apporter un soutien aux femmes.

    Entre la mi-mars et la fin juin 2020, nous avons réalisé plus de 514 entretiens avec des femmes. La plupart de ces entretiens concernaient des femmes qui nous appelaient pour la première fois. Il s’agit d’un nombre légèrement supérieur au nombre de femmes qui nous avaient appelés au cours de la même période l’année dernière. Mais nous tenons à préciser que cela ne signifie pas que la violence domestique a commencé pendant la pandémie. Nous voulons nous éloigner du discours qui suggère que la violence domestique s’est intensifiée pendant la pandémie. Nous voulons plutôt souligner que ce sont les mécanismes de soutien qui ont failli aux femmes. En l’absence de mécanismes de soutien, les femmes qui auraient été capables de résoudre leurs problèmes par elles-mêmes n’ont pas pu le faire.

    En tant qu’organisation de défense des droits des femmes, avez-vous été confrontée à des restrictions supplémentaires de votre droit d’organiser, de parler et de protester ?

    Il est de plus en plus difficile pour nous de faire notre travail. Les choses ont changé : auparavant, le gouvernement nous demandait des informations et des conseils et travaillait avec nous. Mais ces dernières années, nos interactions avec le gouvernement ont changé : nous ne sommes plus invités aux réunions et on ne nous demande plus notre avis. En ce sens, la situation est devenue de plus en plus difficile pour nous.

    D’une manière générale, le droit de manifester en Turquie est restreint. Juste avant la pandémie, nous avons organisé notre marche féministe pour la Journée internationale de la femme, le 8 mars. Bien que nous ayons pu nous rassembler, nous n’étions pas autorisés à défiler, et nous avons donc dû modifier notre itinéraire. Actuellement, le gouvernement envisage de retirer sa ratification de la Convention d’Istanbul, un traité du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme contre la VEF. Cette situation a suscité des manifestations visant à faire pression sur le gouvernement pour qu’il respecte et applique la convention. Notre législation nationale est conforme à cette convention, et son retrait entraverait toute tentative de prévention de la VEF. La convention vise à prévenir la violence fondée sur le genre en se basant sur l’égalité des genres et en traitant les femmes comme des citoyennes égales aux hommes. Les groupes et les partis qui suggèrent le retrait de la Convention affirment que nous pouvons créer nos propres lois nationales. Mais la Convention elle-même a été créée grâce aux efforts des féministes en Turquie. Se retirer de cette convention signifierait que nous ne croyons pas à l’égalité des genres. Nous avons récemment essayé d’avoir un forum sur la Convention d’Istanbul, mais il a été interdit, donc la situation n’est pas aisée.

    Nous avons besoin de politiques coordonnées et correctement mises en œuvre pour lutter contre la VEF. Il ne s’agit pas seulement des forces de police ou des refuges. Lorsqu’une femme veut quitter un environnement violent, elle a besoin d’un soutien juridique, social et financier. Elle doit rester dans un refuge si elle n’a nulle part où aller. Tous ces éléments, qui sont mentionnés dans la Convention d’Istanbul, doivent être réunis pour créer un environnement sûr pour les femmes. Lorsque tout le mécanisme de soutien s’effondre, comme ce fut le cas pendant la pandémie, il est impossible pour les femmes de quitter la maison et de commencer leur propre vie. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de discuter non pas du retrait de la Convention, mais de la manière de la mettre en œuvre.

    L’espace civique en Turquie est classé « répressif » par leCIVICUS Monitor.

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  • WOMEN’S RIGHTS: ‘Anti-rights groups are trying to take away our acquired rights’

    Teresa Fernandez ParedesAs part of our 2019 thematic report, we are interviewing civil society activists and leaders about their experiences of backlash from anti-rights groups and their strategies to strengthen progressive narratives and civil society responses. CIVICUS speaks toTeresa Fernández Paredes, a lawyer specialising in International Public Law and one of Women's Link’s Managing Attorneys. With offices in Colombia, Kenya and Spain, Women's Link defends and promotes women's rights and seeks to create structural change through strategic litigation.

    What does Women's Link do, and what are its main areas of work?

    Women's Link is an international organisation that uses the law - most of us are lawyers - to promote structural social changes that advance the rights of women and girls, and especially of those in the most vulnerable positions, such as migrant women or women who find the exercise of their rights restricted due to their ethnicity, age or socioeconomic status, among other factors.

    We work from our headquarters in Madrid, Spain and have offices in Bogotá, Colombia and Nairobi, Kenya. We apply a gender and an intersectional analysis to the law in order to expand and improve the rights of women and girls. We work in some areas, such as sexual and reproductive rights, where we collide head-on with anti-rights groups. We also focus on human trafficking, and especially on the trafficking of women for sexual exploitation or domestic servitude and the violations of their rights suffered by women in migration or transitional justice contexts. We also focus on discrimination, as a cross-cutting issue. We use several strategies: in addition to strategic litigation, we conduct judicial training and produce publications, among other things.

    What are currently your main areas of work in Latin America?

    One of our main lines of work in Latin America is access to sexual and reproductive rights, broadly understood. In the context of the ongoing Venezuelan migration crisis, we are working on the link between migration and lack of access to these rights. We examine issues such as the effects of irregular migration status on the enjoyment of these rights, and the situation of border areas as spaces that are not ruled by law.

    Working in Venezuela has been a great challenge, given the country’s current situation. What we do, here and in all cases, is apply international legal standards to the local context. But it is important to bear in mind that generally speaking, law - and not just domestic legislation, but also international human rights law - is very centred on men. Over the years, norms and regulations have been developed around the image of the white man as a universal subject.

    Our approach to the law is to stretch it to accommodate the experiences of women, because within the human rights framework, women's issues are often left aside. In the context of Venezuela, we work a lot with the inter-American human rights system. For example, we recently requested a precautionary measure for a maternity clinic where many mothers and children had died. The Inter-American Commission on Human Rights issued the precautionary measure, but in the current context it would seem difficult to implement it. However, it serves the purpose of drawing attention to the specific situation of women and girls. And all this work also helps encourage understanding why women leave Venezuela: what drives them, as women, to migrate; and what needs they have when they are in transit and when they arrive at their destination.

    In addition to working in Venezuela, several of our projects focus on ensuring that women’s lived experiences and voices are heard in the context of the peace process in Colombia. We do this mainly from our office in Bogotá, and always jointly with community organisations, so as to try to make heard the voices of people at the margins who are not reached by decision-makers.

    Over the past years anti-rights groups have been on the rise, in Latin America and beyond. Have you faced backlash from these groups in the course of your work?

    The context in which we work is strongly marked by the rise of anti-rights groups that say they are mobilising against what they call ‘gender ideology’. But this is not a new phenomenon: anti-rights groups have been busy building connections and expanding since the 1990s. They have a lot of money and there is one thing they do better than groups on the left: they are very effective in creating connections and coalitions among themselves; even when they work on different issues they are able to find common ground. For instance, all of them have coordinated to place the gender ideology theme on the table and raise it everywhere, as a result of which something that was not even a concept ended up as a global issue. They have managed to position this on the agenda, which is more difficult to do for groups located on the left, where there is more discussion around the issues and it is more difficult to coordinate and speak with one voice. That is why we still do not have a unique and conclusive response to the attacks we face in the name of gender ideology.

    Anti-rights groups are trying to take away our acquired rights. And they are doing it by using the same discourse that has been successfully used by human rights groups. They talk about human rights and they position themselves as victims. They even depict feminists as diabolical agents, giving feminism more power than you would think it has. Due to the fact that Women's Link is based in three regions, we can clearly see that the same strategies are being used in different places. These groups are using coordinated strategies, they have lots of money and they enjoy global support. As they use the language of human rights, they have increasing legal representation, and they have begun to occupy spaces in strategic forums, where decisions are made, including the United Nations and the Organization of American States.

    How can progressive civil society act to curb these advances?

    Faced with these attacks it is important to act quickly through the law. We must continue working to strengthen the human rights framework and shield rights against these attacks. We must design not just defensive strategies, but also proactive strategies to expand the human rights framework, or at least to take away some of the spaces in which anti-rights groups move.

    There are still unresolved discussions we need to work on, such as the tension between the freedom of expression and hate speech. Paradoxically, in order to spread their message anti-rights groups are leaning on one of the left’s favourite themes, the freedom of expression.

    However, if we want to create lasting social change we cannot remain in the realm of the law and the courts. What we need are cases that cause people to mobilise, generate public debate and produce real social change. In that sense I see positive developments, like the #MeToo movement and the so-called Green Tide in Argentina. That is, we are seeing two opposing processes: on the one hand, anti-rights groups are growing; on the other, strong mobilisation around these issues is happening from the ground up and with a strong youth component. Such was the case with the Green Tide, which created unprecedented mobilisation while a proposal to legalise abortion was being discussed in the Argentine Congress. No doubt the two processes are very likely connected, and one is a consequence of the other.

    These social movements are good reason for hope. In the face of attempts to cut back on acquired rights, there is a very active movement that says, look, this is an acquired right, you cannot take it away anymore. There is no going back: looking forward, you can only expand the rights framework, but you cannot diminish it.

    In addition to attacks from anti-rights groups, what other challenges do civil society promoting women’s rights face?

    For grassroots organisations, lack of resources can be a great limitation. And in contexts of great urgency, such as those of massive movements of people, we are presented with the challenge of how to coordinate our work with that of grassroots organisations.

    Women's Link is dedicated to identifying structural situations where women's rights are violated and to designing legal strategies to generate structural, transformative change. Meanwhile, grassroots organisations - for example, those in border areas between Colombia and Venezuela - are increasingly taking on, in conditions of urgency, functions that should be performed by the state. In these contexts, most of the response is coming from civil society organisations.

    These grassroots organisations are responding to a very serious situation, and the needs of the women they work with are very urgent, and yet all we can do at Women's Link is support them through strategic litigation, which usually takes a long time.

    Difficulties of working with scarce resources aside, it is vital to build relationships, connect and coordinate, because the potential contribution that Women's Link has to offer would be useless if it weren’t for the work that is being done by grassroots organisations and for the voices and support of women themselves.

     

    Get in touch with Women’s Link through itswebsite andFacebook page, or follow@womenslink on Twitter.

  • WOMEN’S RIGHTS: ‘Progressive civil society must claim for itself the defence of life’

    Maria Angelica Penas DefagoAs part of our 2019thematic report, we are interviewing civil society activists, leaders and experts about their experiences of backlash from anti-rights groups and their strategies to strengthen progressive narratives and civil society responses. CIVICUS speaks to María Angélica Peñas Defago, gender specialist, professor and researcher of Argentina’s National Research Council (CONICET) based at the National University of Córdoba, and co-author of the recentGlobal Philanthropy Project report, ‘Religious Conservatism on the Global Stage: Threats and Challenges for LGBTI Rights'.

    Do you think anti-rights groups have increased their activity in recent times?

    We should start by defining what we mean by ‘recent times’, how far back we need to go, and what specific context we are talking about, because for instance in Latin America the situation varies from country to country. In the case of Argentina, we have seen over time – and not only over the past year, when a bill allowing for the voluntary termination of pregnancies was being discussed in Congress – reactions against the progress achieved in claiming rights by women and LGBTQI people. While it is true that, in recent years, anti-rights groups have become more visible and coordinated, largely in response to advances achieved in the area of sexual and reproductive rights, they have been present for decades, always coercing our agendas. In Argentina, they have been actively litigating against any attempt to enact public policy on sexual and reproductive health or even remotely linked to these rights for at least 20 years. In the province of Córdoba, where I live, these efforts have been very successful in the lower courts, although rulings favourable to these groups were eventually overturned in the higher courts.

    With regard to street actions, strong reactions by these groups were already recorded in the past, including demonstrations throughout the country, for instance against equal marriage, which was approved in Argentina in 2010. The same groups marched once again against the legalisation of abortion in 2018. There has also been a renewed backlash against sex education in schools, a longstanding battle. Sex education was implemented through a 2006 law that is still being resisted. During the abortion debate, anti-rights groups pretended to promote sex education as an alternative to abortion, but after the bill on the voluntary termination of pregnancy was voted down by the Senate, they restarted their attacks against sex education.

    A reorganisation of the conservative camp is currently underway, and I think it is as a result of this that these groups have recently gained more visibility. Although new actors have indeed emerged within civil society, the central phenomenon in the current socio-political context is the reassertion that is taking place in the political and the economic spheres. This can be seen, for example, in the alliances reached in Colombia around the 2016 referendum on the peace process, as well as in Brazil, embodied in the 2018 election of President Jair Bolsonaro.

    During the campaign leading to the referendum in Colombia, the forces that rejected the agreement claimed that if ‘yes’ won, so-called 'gender ideology' would be imposed. In Brazil, fake news claiming that the Workers’ Party promoted paedophilia and would try to ‘convert’ children into homosexuals or transsexuals mushroomed during the election campaign.

    In other ways, the phenomenon is also seen in Argentina, where all the main actors opposed to the progressive agenda, and specifically to the sexual and reproductive rights agenda, have tended to converge.

    Do you think that these are purely reactive groups, whose raison d'être is to curb the progress of the progressive agenda?

    As far as I can tell, that is indeed the case. I have monitored congresses of so-called ‘pro-life’ groups and analysed the actions they have undertaken in regional and global spaces, and particularly in the Organization of American States and the United Nations, and it is readily apparent that they are losing ground regarding family formats and the assignment of sexual roles, and they are aware of it. These groups are reacting to what they perceive as a setback. Their reaction is being coordinated not only around the thematic agenda of sexual and reproductive rights, but also around a wider nationalist, neoliberal – and, in some cases, fascist – political and economic agenda.

    The Bolsonaro phenomenon is a good example of a reaction to a pluralistic agenda around sexual morality and sexual and reproductive rights. The advances of this pluralist agenda acted as a binding agent for a broader conservative political agenda. Within the framework of the reaction against progress achieved in sexual and reproductive rights, other actors are taking advantage to impose their own conservative agendas, for example around migration issues. There are some new actors at play, especially those joining from other fields – political, economic, religious – but many of the actors that are gaining greater visibility are the same as always, the difference being that they are now unifying agendas that used to run in parallel and in less coordinated ways.

    What tactics have these groups used to advance their agenda?

    Litigation against sexual and reproductive rights has been an important tool for more than three decades. In Argentina, these groups have litigated, among other things, against the administration of emergency contraception and to stop the implementation of protocols for non-punishable abortions. In Argentina, abortion has been legal since 1921 for cases of rape, unviability of the foetus, or danger to the woman’s life or health; however, these groups have tried to prevent timely and secure access to this right.

    For the part of civil society that works in the area of women's rights, these groups have always been there. But litigation is sometimes a quite silent affair and has possibly remained unnoticed by the wider civil society. Often, it all remained within the realm of the administration of justice and health services. This however did not prevent this strategy from having very strong effects, because judicial decisions regarding sexual and reproductive health tend to produce fears, doubts and paralysis among health providers, which are key agents for guaranteeing actual access to these rights.

    The presence of anti-rights groups is not news for feminist and LGBTQI groups, but it may very well be so for other sectors of civil society, including human rights organisations, which in recent times have seen them acting more intensely through the occupation of street space and the creation of partisan political alliances, the two key arenas for political struggle in contemporary democracies. These groups are trying to appropriate public space, showcasing themselves as the majority, and in this way they are gaining public visibility. In this area, one of their most successful strategies has involved the use of coordinated messages and symbols. The ‘Don’t mess with my children’ campaign, for example, has used the same phrases and slogans, and even the same symbols and colours, not only throughout Latin America, but also well beyond. We have seen it in Eastern Europe, in Italy, in Spain. These groups are intensively using social media so that their strategies and symbols travel, are shared and ultimately reach us repeatedly from various latitudes.

    If anti-rights positions have gained more visibility, it is because the actors that promote them, mostly faith-based, have gained a prominence in the public space that they did not have 20 years ago. Evangelical churches, like the Catholic Church, are plural and heterogeneous. But in much of Latin America, the political processes of resistance to sexual and reproductive rights have been led by very conservative evangelical churches, sometimes in alliance with the higher ranks of the Catholic Church, and in other cases dissenting or even opposing them.

    Unlike litigation, the strategy of occupying public space requires support in large numbers. Do you think these groups are gaining in popularity?

    The socio-political phenomenon fuelled by these groups is significant. It is not simply about campaigns and slogans; they are deeply embedded at the grassroots level. To understand what is happening in the religious arena and in terms of resistance against progress in sexual and reproductive rights, it is necessary to take into account the socio-economic context and the way that these churches are operating at the grassroots, in strong connection with the populations that they mobilise.

    In Argentina, a very politically mobilised society, street mobilisation has been widely used by these groups, so it is nothing new. What is new is the massive character of their mobilisations. These groups were already mobilising 30 years ago, or maybe even earlier, but there was no social media back then. The modes of communication and mobilisation have changed at the same time as the religious field has in the face of advances in sexual and reproductive rights. Evangelical churches have grown throughout the region, and within them, conservative sectors have grown the most.

    I think that to understand the phenomenon it is also key to understand the neoliberal context and its general effects that undermine living conditions. In the socio-political context of neoliberalism, as the state has withdrawn from its basic functions, many religious groups have gone on to perform tasks and provide services that should be provided by the state. In some places, such as in the USA, the Catholic Church has been long in charge of providing services to some groups, such as migrants, that are not tended to by the state. In Latin America, the role of evangelical churches, for instance in the area of aid and treatment for addictions, is really impressive. Evangelical sectors are growing exponentially because they are assisting communities that are being forgotten by the state. Evangelical pastors play central roles in communities, are active in providing social assistance, dealing with addictions and providing health and education services, and are also key in mobilising people – partly because many of them are also members of these communities. They live in the same neighbourhoods and maintain close ties with the members of their congregations.

    In sum, we are not facing a mere battle of narratives. The discourses that we need to stand up to are rooted in the practices of grassroots communities, and often mobilisations are summoned from the pulpit. Calls from the pulpit are important because to many excluded people the church has become indispensable. In countries that have very high poverty rates, for many people the church is the only place of belonging and protection that remains when both the state and the market have excluded them, and therefore do not have access to work, education, or health services. Beyond the fact that religion remains a central element of many people’s identities, these feelings of belonging and community are not minor issues in contexts of extreme precariousness and individualisation brought about by the economic, political, social and cultural neoliberal model.

    What does progressive civil society have to offer in the face of this?

    Progressive civil society has a lot to offer, because it focuses on the struggle for and the creation of liveable, rich, plural ways of life, based on solidarity and mutual support. I don't think there is a single recipe, because this work involves very different movements. There are feminist and LGBTQI movements that work from the standpoint of religious pluralism, disputing the idea of the monopoly of faith, and these are very rich spaces of struggle and belonging. Religions, all of them, comprise plural, democratic and horizontal spaces, which many organisations take advantage of in their struggle for meaning. Other organisations have expertise in crafting messages, and that is where they make their contribution. But this battle is not taking place only, or even mainly, on social media, since not everyone has even access to the internet. The dispute over meaning is fundamental both on social media and offline, as can be seen around the ‘pro-life’ label that many anti-rights groups have appropriated. Women’s and LGBTQI groups working at the grassroots level continually reference this label, by asking the question: how much is my life worth if I do not have access to a job, to the recognition of my identity, to the protection of my health – if the kind of life that is being offered to me is not a decent one? Progressive civil society must claim for itself the defence of life, understood as a dignified, fully human life.

    To offer this response, progressive civil society needs to ally with others who share its values of pluralism, freedom and equality. The pluralist, inclusive, non-essentialist and decolonial feminist agenda is a good basis on which to form alliances with multiple actors that were not attracted by feminism in the past, in order to take part in the struggle for meaning not only in the rhetorical field, but also in concrete reality. Popular feminism represents a return to the realm of the real, as it focuses on the implications of principles on people’s daily lives. If we talk about abortion, for instance, we must focus on the consequences of the legality or illegality of this practice for the daily reality of pregnant women, families and communities. Religion and faith are an important part of people's lives, and the feminist movement, or at least a good part of it, is now working within this reality.

    Get in touch with María Angélica through herFacebook page and check her work onResearchGate.

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